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Partie 2 : La remise en question - Chap. 11 : La fragilité des chaînes de valeur - Sct. I : Complexité et dépendance

Partie 2 : La remise en question - Chap. 11 : La fragilité des chaînes de valeur - Sct. I : Complexité et dépendance

Publicado el 27, oct., 2024 Actualizado 30, oct., 2024 Society
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Partie 2 : La remise en question - Chap. 11 : La fragilité des chaînes de valeur - Sct. I : Complexité et dépendance

Mais exploitation de main-d'œuvre à bas coût (parce qu'à protection sociale nulle) à l'autre bout du monde, appauvrissement de pays autrefois riches par mise à l'abandon de leur tissu économique, tensions migratoires en sens divers, pollution (non biodégradable) due à l'intensification des échanges internationaux, dégradation de sites naturels autrefois superbes et transformés en villes fantômes hors saison touristique par le tourisme de masse, circulation facilitée des agents pathogènes et transplantation d'espèces animales et végétales devenues invasives ne sont pas les seuls désavantages de la mondialisation. On pourrait aussi y ajouter la fragilisation des chaînes de valeur. 

Tout d'abord, qu'est-ce qu'une chaîne de valeur ?

C'est, pour faire simple, le nombre d'étapes et de produits intermédiaires nécessaires pour fabriquer un produit fini. Et, je l'avoue, il y a une certaine ironie à parler de "faire simple" pour décrire ou tout au moins désigner des processus complexes, parfois même très complexes. D'autant plus complexes que les produits intermédiaires ne sont pas forcément des produits semi-finis, mais parfois de vrais produits finis en bonne et due forme.

Ainsi en est-il de la fabrication de vêtements. Pour fabriquer un vêtement, il faut bien entendu à la base du tissu et du fil. Pour obtenir du tissu, il faut là aussi tisser des fils. Pour obtenir ces fils, il faut filer des fibres et pour obtenir ces fibres, il faut soit cultiver les plantes qui en produisent (coton) soit élever les animaux qui le font (laine, soie) soit les fabriquer de manière synthétique (nylon, viscose, polyester). Souvent à partir d'hydrocarbures, donc de pétrole (vous avez vu le polymère dans "poly"ester ? ou dans "poly"amide ?). Donc il faut de vastes terrains pour cultiver les plantes en question (et aussi beaucoup d'eau), pour faire l'élevage des animaux idoines ou pour extraire (et raffiner) les ressources minérales du sous-sol, des ateliers pour fabriquer les fils, puis d'autres ateliers pour les tisser, puis pour découper les pièces, puis pour les assembler... Puis du métal, du bois et/ou du plastique pour les fermetures Éclair ou pour les boutons, pour les décorations... Puis de quoi fabriquer des aiguilles, des épingles, des dés ou à plus grande échelle, des machines à coudre, sans lesquels il n'est pas question de fabriquer des vêtements (parce qu'une fabrication, ce n'est pas seulement une matière première, des mains et un savoir-faire, mais c'est aussi des outils... qui eux aussi doivent être fabriqués... et je ne parle même pas des ateliers de production qui doivent être construits)... Je ne détaillerai pas plus avant, mais je pense que vous m'avez vue venir : non seulement c'est là une fabrication qui se révèle en réalité d'une grande complexité, mais en plus c'est une fabrication où chacune des étapes peut avoir lieu dans une région différente, voire dans un pays différent ou même carrément sur un continent différent. Toutes les étapes ne se déroulent pas en un même lieu : le champ où l'on cultive le coton n'est pas tout près de l'endroit où on le file, qui lui-même n'est pas près de l'atelier où on le tisse, d'où le tissu partira à son tour vers de nombreux ateliers de teinture, puis de découpe, puis d'assemblage... La chaîne de valeur du jean en est un bel exemple. 

Le problème avec ça ?

C'est qu'aucune chaîne n'est plus solide que le plus faible de ses maillons. Et le maillon le plus faible, c'est souvent le transport. Qu'un événement quelconque - une forte intempérie, une catastrophe naturelle, un accident, une grève, une révolution, une guerre, une pandémie - vienne interrompre le flux des marchandises ou même provoquer des pertes de matériel, et c'est toute une chaîne de valeur qui est mise à mal. Plus une chaîne de valeur est complexe, plus elle est exposée à ce type d'aléas, surtout si ses maillons sont répartis un peu partout dans le monde et si ses produits intermédiaires doivent voyager d'un pays à l'autre ou d'un continent à l'autre à chaque étape - avec des conséquences parfois incalculables. On a beaucoup ergoté un moment sur ce qui se passerait au niveau des semi-conducteurs (qui font partie de la plupart de nos appareils modernes depuis l'électroménager jusqu'à l'automobile en passant par l'instrumentation scientifique, les appareils de production dans l'industrie, l'aéronautique, l'aérospatiale et bien d'autres encore... notamment nos ordinateurs et nos smartphones 😮) si un jour la Chine décidait d'envahir Taïwan, alors que cette chaîne de valeur-là venait déjà d'être bien mise à mal par la guerre d'Ukraine (et avant elle par le COVID). Nos ancêtres n'auraient peut-être pas eu trop de mal à se chauffer pendant un hiver rude en allant récolter du bois en forêt, mais nos générations actuelles en Europe ont tremblé lorsque la guerre d'Ukraine a entraîné en plusieurs phases et sous diverses formes (et probablement aussi avec plusieurs responsables derrière...) la fermeture du robinet de gaz, car le gaz en question venait de Russie et les alternatives viennent ou viendront des États-Unis, du Qatar ou d'Afrique. Être dépendant pour une matière vitale d'approvisionnements qui viennent de l'autre bout du monde n'est peut-être finalement pas une si bonne idée, tout compte fait... même si la technologie logistique existe et même si la main-d'œuvre à l'autre bout du monde coûte trois fois rien.

COVID 

Et s'il y a un événement dans l'histoire récente qui a provoqué une brutale prise de conscience à ce niveau-là, c'est bien le COVID-19. Moins le COVID en soi, en fait, que le confinement auquel il a donné lieu et tout l'arrêt de l'activité économique qui s'en est suivi. Puis toute la désorganisation des chaînes d'approvisionnement qui a suivi quand l'activité a repris et que tout le monde a voulu rattraper en même temps un retard de deux ans. Je parlais d'accident un peu plus haut : qu'on se rappelle un certain porte-conteneurs qui a dérivé et s'est mis en travers du canal de Suez, bloquant pendant quinze jours toute une circulation maritime mondiale déjà bien perturbée au départ par les files d'attente dans des ports qui pendant quelques mois auraient tous dû être trois fois plus grands... Mais même sans aller aussi loin, il suffit de se rappeler le désarroi initial des Européens au début du COVID et du confinement quand ils ont réalisé que pour la fourniture de masques, ils dépendaient de la Chine parce que c'est là que leur fabrication avait été externalisée... 

Ceci dit, c'est vrai que le COVID a remis dans l'esprit de pas mal de gens beaucoup de choses en question. Même si tout le discours sur la "nouvelle normalité" qui prévalait au lendemain de la pandémie a largement fait long feu depuis lors, ce qu'on croyait être de nouvelles habitudes ayant été rapidement balayé par l'actualité suivante.

 

De nouvelles habitudes

 

Crédit image : © Alison Toscano

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