Strangers in the Night - Chapitre 6
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Strangers in the Night - Chapitre 6
- Comment connaissez-vous mon nom ?
L’homme apparaît devant nous en tenue de civil. Ce qui me saute aux yeux, c’est son pull avec un gros renne qui a les bois qui clignotent, rappelant sa qualité de Père Noël undercover. Si seulement c’était ça. Il porte des lunettes élégantes et je découvre que lui est rasé de près. Sans son costume, il paraît beaucoup moins lourdaud que ce qu’il laissait présager tout à l'heure.
Je les regarde tour à tour, les deux hommes autour de moi, sans qu'aucun ne me réponde. Ils entament un dialogue visuel, ce qui me laisse penser que ce n’est pas la première fois qu’ils se voient. Une dizaine de questions se bousculent dans ma tête, je ne sais pas par laquelle continuer.
- James, qu’est-ce qu’il se passe, bordel ?
- Je pense que je devrais vous laisser, me répond James en s’éclipsant de la salle pour rejoindre le bar de l’hôtel encore ouvert.
Je le regarde s’enfuir sans demander son reste, et je me retrouve là, complètement hallucinée par son comportement. Hallucinée ou furieuse ? Mes émotions s’emmêlent sans que l’une au l’autre ne parvienne à prendre le dessus.
L’homme m’invite à m’asseoir sur une table qui vient d’être redresser pour le couvert du lendemain, j’imagine. Des serveurs circulent non loin de nous et s’affairent à remettre la salle en ordre, ils ne semblent pas le moins du monde s’intéresser au fait que deux clients persistent à rester près d’eux. Tout ceci me fait me demander si justement, ils sont eux-mêmes au courant du grotesque que je rencontre.
- Je ne sais pas par où commencer, intervient l’ex-Père Noël.
Les bras croisés, je ne montre aucun effort, je suis épuisée. Dans tous les sens du terme. Le pire dans tout ça, ce doit être les musiques de Noël qu’on entend encore à faible volume dans la salle. Ou ce renne qui clignote affreusement alors que la situation est grave. Ça n’a rien à faire dans notre conversation.
- Je suis irlandais et j’ai rencontré ta mère un soir, dans un pub de Dublin. Elle était en séjour dans la capitale et on s’est fréquenté pendant deux semaines. Deux magnifiques semaines, précise-t-il avec un éclat de nostalgie dans le regard.
Je l’écoute parler, étourdie par ces informations mais dans l’attente de la suite. Je ne savais même pas que ma mère était déjà allée en Irlande. Pour tout ce que j’en sais, elle n’a jamais vraiment quitté Quiberon si ce n’est pour ces rares occasions où elle est descendue en Corse voir de la famille.
- À cette époque, j’étais marin-pêcheur et très souvent en déplacement. On ne s’est pas côtoyé longtemps, mais j’étais vraiment amoureux d’elle. Je partais pour Uthaug, en Norvège lorsque j’ai appris dans une de ses lettres, qu’elle était enceinte de toi.
Plus abasourdie que jamais, je me raccroche à la serviette de table en tissu que je tiens fermement dans ma main pour garder une sorte de contenance. Je déglutis difficilement, cherchant dans son regard une bouée de sauvetage que je peine à atteindre.
- Comme je voyageais beaucoup, on s’est mis d’accord pour qu’elle s’occupe de toi. Et puis les années passants, elle ne répondait plus à mes lettres, elles revenaient toutes à mon domicile, c’est là que j’ai compris qu’elle était partie de Pontivy, où elle résidait jusqu’à présent. Après ça, impossible de retrouver sa trace et j’étais perpétuellement en déplacement. Jusqu’à ce que je me blesse en mer, il y a plus d’un an. J’ai glissé lors d’un remontage de chalut, j’ai cru que je ne remarcherai plus jamais.
Son récit, je l’écoute à la manière d’un conte de Noël horrifique qui m’inclut sans réellement m’inclure, car même si je n’ai pas une place directe dans cette narration, j’en ressens tous les frissons. J’entends bien l’émotion dans sa voix, ses yeux qui se remémorent des scènes que je ne saurais imaginée. Et en toile de fond, les questions que je n’ai pas posées à ma mère concernant un père que j’avais forcément, que j’ai décidé d’oublier.
Je me concentre sur la suite, essayant de stabiliser ma respiration.
- Ça m’a fait un vrai choc et j’ai repensé à cette fille que j’ai abandonnée derrière moi en Bretagne, cette enfant que je n’ai jamais connue et cette femme... J’ai tout laissé m’échapper. Avec l’aide de James, j’ai réussi à te retrouver. Je ne peux pas être plus heureux dorénavant, achève-t-il en me dégainant un sourire empli de compassion.
Même si je ressens toute sa sincérité, je me vois un peu chamboulée. Je ne sais pas trop comment réagir, comment lui répondre. En toute transparence, je n’ai jamais attendu ce moment dans ma vie et il vient me surprendre. Je n’y étais pas préparée aussi je déclare soudain, alors que ce n’est pas le plus important :
- Mais comme vous appelez-vous ?
- Lloyd. James est mon voisin à Howth, en Irlande.
Je hoche la tête comme si je savais précisément où se situait Howth. Tant bien que mal, je m’efforce d’assembler les pièces du puzzle dans ma tête.
- Je dois aller chez ma mère demain, pour Noël. Peut-être voudriez-vous vous joindre à moi ?
Cette proposition sort de nulle part, mais au moment où je la formule, elle sonne juste. Ma mère me doit des explications et quoi d’autre que les deux protagonistes principaux de cette histoire, réunis dans la même pièce, pour dresser mon tableau de naissance ? Ça me paraît sensé. Je n’ai tout à coup plus peur de la froisser, plus peur de ne pas aller dans son sens, parce que je mérite de savoir. D’enfin savoir.
Lloyd se frotte le menton, m’observe avec attention, puis m’adresse sa réponse.
- Je ne sais pas si ça lui plairait, répond-il, visiblement ennuyé par ma question.
- En vérité, j’ignore comment elle peut réagir. Mais même si ça se passe mal, au moins ça se passera. Je pense qu’il est temps que je comprenne et qu’elle comprenne elle aussi, pourquoi elle s’est isolée à Quiberon toute sa vie, sans jamais s’accompagner de personne.
Mon père -c'est étrange d’aligner ces deux mots en sa présence- se redresse de sa chaise en affichant une mine ennuyée. Sans doute pensait-il que ma mère s’était mariée, ou qu’elle s’était entourée de quelqu’un. Je dois lui apprendre quelque chose.
Il se met debout en s’approchant de moi. J’imite son geste.
- Entendu, alors.
- Merci Lloyd. Au fait, ce costume de Père Noël ne met pas en avant vos meilleurs atouts.
Il rit d’un rire thoracique en me tendant sa main. J’esquisse un timide sourire alors que j’ouvre mes bras pour le serrer contre moi. J’espère que je ne vais pas casser le système électrique qui fait s’illuminer son renne.
- Je suis réellement heureux de finalement te rencontrer, Sinatra. J’ai hâte de te découvrir plus encore.
Une silencieuse larme coule sur mon visage. Quelque part, moi aussi je dois être heureuse de le rencontrer, je n’en prends pas tout de suite conscience, je dois être encore en état de choc. Mais notre accolade me fait un bien inestimable. C’est le réconfort que j’ai attendu toute la soirée. Je n’aurais pas pu m'attendre une seconde à ce que ce soit mon père qui me le promulgue.
- Maintenant, je ferais bien d’aller voir James. J’ai besoin de lui parler.