Strangers in the Night - Chapitre 5
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Strangers in the Night - Chapitre 5
En attendant que notre chambre soit prête, le réceptionniste nous a proposé de rejoindre la salle du restaurant afin de manger un morceau. Ensuite, nous accèderons à la pièce que nous partagerons ce soir, James et moi. Je ne cesse de frémir en sachant ça.
Évidemment, ces fêtes de fin d’années sont une totale improvisation et je n’aurais pas pu me douter de la tournure des évènements. Évidemment, je suis soulagée de me dire que demain je pourrais arriver chez ma mère plus sereinement. Mais tout est si étrange, si inattendu... Je ne comprends pas comment je me suis retrouvée avec un étranger dans le restaurant d’un hôtel de bord de mer qui sert des pinces de homard.
Je ne comprends pas mais je me laisse guider par les musiques de Noël, les différents plats de fruits de mer et de pièces de viande. J’attends la bûche pour finir de m’achever.
Nous clôturons la dégustation de notre plat de résistance lorsqu’un Père Noël bien portant se met à circuler dans la salle du restaurant. Il slalome, armé de sa hotte de fortune, à la recherche d’enfants sages, j’imagine. Je me plais à le regarder faire parce que ces représentations suscitent toujours chez moi une vivacité insouciante que je ne retrouve que rarement.
- Tu as l’air complètement émerveillée par gros Papa Noël, me lance James alors que j’étais dos à lui.
Entre deux rires, je me retourne.
- Gros Papa Noël ? C’est pas très gentil ça.
James porte son verre de vin à ses lèvres après m’avoir servi un sourire en coin, lui dévoilant une personnalité que je ne lui connaissais pas. Quelque chose de léger circule dans l’air et ça fait du bien. Peut-être que le vent de Laponie a un rôle à voir là-dedans.
Le Père Noël parle au micro. Il demande les noms des enfants à qui ils s’adressent, s’ils ont été sages, s’ils préfèrent les voitures ou les tracteurs. Je suis fascinée par le scénario qui se joue sous nos yeux.
- Toi aussi ton père se déguisait en Père Noël, me demande James en chuchotant pour que les jeunes enfants assis sur les tables voisines ne nous entendent pas.
J’ai un sursaut.
- Quoi ? Non. Je ne connais pas mon père. Et puis je n’y ai jamais cru, mais je trouve une certaine magie à être témoin de ce genre de scène. C’est beau à voir.
James acquiesce, me fixant plus intensément encore.
- Tu n’as jamais vu ton père ?
- Jamais, et ce n’est pas grave. J’en souffrais quand j’étais plus jeune, mais ma mère a comblé ce vide comme une cheffe. Je le vis bien maintenant.
Je ne sais pas où il veut en venir mais j’aimerais bien changer de sujet. James redouble de concentration alors que nos desserts arrivent. Deux bûches de Noël chocolatées, en forme de cannes à sucre. Je souris pour moi-même me remémorant le désastre que sont devenues celles que j’ai cuisinées. Elles doivent être à l’article de la mort en ce moment même.
- Eh, Père Noël, je connais une fille qui a été très très sage cette année, hurle tout à coup James à travers le restaurant en faisant un signe de la main à l’homme en costume.
Je lui donne un coup de pied sous la table.
- James, qu’est-ce que tu fais ? dis-je en murmurant le plus bas possible.
Je lui intime du regard de cesser ses bêtises. Qu’est-ce qu’il se permet de faire au juste ? Ce n’est pas son genre, lui qui m’a paru si distant, renfermé et mystérieux... J’ai un moment de confusion, ahurie par la situation. Trop vite, j’ai oublié que cet homme ne m’est pas familier.
- Oui, mon grand ? Ho, ho ! renchérit le Père Noël alors qu’il remet un cadeau à un petit garçon.
C’est sûr, mon visage vire au rouge total. Et les choses empirent au fond de moi quand je réalise que le monsieur vient dans notre direction.
- C’est toi, la jeune fille dont il parle ? déclare-t-il dans son micro alors que tous les clients du restaurant me fixent.
Lui aussi il a un accent. Peut-être australien, je ne sais pas mais quelque chose qui laisse présager qu’il ne vient pas non plus d’ici.
- J’ai 29 ans, dis-je froidement en fusillant James du regard.
Il faut avouer qu’il cache bien son côté espiègle, si c’est bien de ça dont il s’agit. Peut-être est-ce là sa manière de se venger de mes prises de décisions catastrophiques. Ou alors c’est ça sa formidable idée pour détendre l’atmosphère. Quelle affreuse conclusion.
Le Père Noël récupère la chaise d’une table à proximité pour venir s’installer avec nous. Sa grosse -fausse- barbe pend jusqu’à son milieu de torse et j’observe qu’il sue abondamment, la lumière du lieu ne lui rendant pas justice.
- Je n’ai rien dans ma hotte pour les grands enfants de 29 ans. Ho, ho ! renchérit-il. Mais je peux t’offrir quelque chose de top secret à la fin de ton repas, pour me faire pardonner.
Son clin d’œil disparaît en même temps que sa silhouette. Il finit par saluer tout le monde et bat retraite, les premiers clients quittent alors le restaurant et les enfants me lancent des regards jaloux. C’est de pire en pire.
Sur le coup, je dévisage l’homme costumé, trouvant la situation lunaire, voire malaisante, mais je ne dis rien de plus. Je reste stupéfaite devant ma bûche qui doucement se noie dans une flaque brune informe.
Je toise maintenant James avec une hostilité certaine logée au fond de mes yeux. Elle se mue en irritation.
- Pourquoi est-ce que tu fais ça ?
Les tables autour de nous se vident petit à petit mais je n’ai pas l’intention de sortir de la salle tant qu’il ne s’est pas expliqué. Il peut bien être très séduisant avec son beau col roulé en laine mérinos, sa barbe parfaitement taillé et toute l’harmonie qui se dégage de son visage, je ne flancherai pas. Il a eu le temps de finir sa bûche, il peut avouer maintenant.
- Faire quoi ? C’était plutôt cool, non ? Ça se voyait dans ton regard que tu voulais qu’il t’approche avec la même bienveillance qu’il a pour les autres enfants.
Au-delà de me sentir infantilisée par James, je regrette qu’il interprète ma personnalité alors qu’il ignore tout de moi. J’ai soudain envie de piquer les clefs de son 4x4 et de dégager d’ici, de l’abandonner, de rejoindre ma mère, c’est bien tout ce que j’attendais de cette soirée.
Furibonde, je pourrais mettre le feu à son visage si je continue de le regarder de cette manière.
- Tu ne sais rien de moi... (Je pensais poursuivre cette phrase avec un autre argument mais il ne me vient pas). Je vais me coucher.
Et d’un coup, je me lève, prends le soin de ne lui laisser aucun dernier regard, je m'enfuie de cette mise en scène pitoyable que je n’aurais jamais voulu vivre. Je me sens humiliée. Dans quelle réalité a-t-il pu croire que me faire vivre quelque chose de la sorte me ferait du bien ? Je suis affligée.
Je ne fais pas attention à ce qu’il dit dans mon dos alors que je me rue vers les portes de la salle. Je ne fais pas attention à son bras qui me retient au moment même où le Père Noël s’est défait de son accoutrement et que je reconnais mes yeux dans les siens alors qu’il dit à haute voix :
- Je t’attendais, Sinatra.