¡Felicidades! Tu apoyo al autor se ha enviado correctamente
avatar
"Le Déni", extrait 3 : Amina jeune prof

"Le Déni", extrait 3 : Amina jeune prof

Publicado el 23, jun, 2025 Actualizado 23, jun, 2025 Romance
time 4 min
0
Me encanta
0
Solidaridad
0
Wow
thumb comentario
lecture leer
1
reacción

En Panodyssey, puedes leer hasta 10 publicaciones al mes sin iniciar sesión. Disfruta de 9 articles más para descubrir este mes.

Para obtener acceso ilimitado, inicia sesión o crea una cuenta haciendo clic a continuación, ¡es gratis! Inicar sesión

"Le Déni", extrait 3 : Amina jeune prof

(Bruxelles, fin des années 1990)

Quand Amina se compare à d'autres jeunes profs débutants qui ont du mal à s'imposer, son analyse lui dit que c'est son statut de femme mariée et d'aspirante à la maternité, plus que son âge à proprement parler ou même son expérience, qui lui donne la maturité nécessaire pour rester naturellement distante avec tous ces grands adolescents auxquels elle doit donner cours, là où d'autres jeunes profs sont encore presque l'un de leurs élèves, non seulement au physique mais aussi au mental. Amina, elle, est une adulte dans le monde des adultes avec les préoccupations d'une adulte, les obligations d'une adulte, les responsabilités d'une adulte et les objectifs d'une adulte.

Virginie, une des collègues auxquels elle se compare, fraîche émoulue de ses études, est une adolescente attardée que les circonstances - ou plutôt l'enchaînement spontané de ces étapes de la vie sociale que sont les études, le diplôme et le premier emploi - ont fait grandir trop vite - ou plutôt mise à une place qu'elle n'est pas encore prête à occuper dans sa tête. En réalité, Virginie se sent encore trop proche des adolescents à qui elle doit donner cours pour pouvoir vraiment s'imposer face à eux. Elle voudrait plutôt pouvoir s'en faire des amis, sauf que désormais il y a une fichue barrière entre elle et eux et qu'elle se retrouve malheureusement coincée de l'autre côté.

Amina, elle, n'a pas ce problème. La barrière avec ses élèves, chez elle, est naturelle. Elle se sent aussi éloignée d'eux que s'ils étaient des enfants. Elle n'a aucun problème à assumer le fait que c'est elle l'adulte.

C'est si elle devait se rapprocher d'eux qu'elle ne saurait plus comment faire. À la limite, ils l'énervent. Elle ne se sent rien en commun avec eux, ni dans leurs centres d'intérêt, ni dans leur façon de raisonner, ni dans leurs objectifs, ni dans leurs goûts, ni dans leur référentiel, ni dans quoi que ce soit. C'est une autre génération, c'est un autre monde. C'est une autre culture aussi, et parfois elle se dit que ça aide pour établir une distance. Ça enlève toute envie de faire copain-copain. De part et d'autre d'ailleurs : ses élèves se sentiraient mal à l'aise si jamais il lui prenait la fantaisie d'essayer, et certains le prendraient même comme une intrusion sur leur territoire. Chacun sa place, chacun son rôle.

Dans sa tête, c'est très clair : elle est là pour donner son cours, pour évaluer les capacités de ses élèves, pour veiller à ce que règne dans sa classe une atmosphère de travail et d'apprentissage et pour empêcher les perturbateurs de nuire. Et pour faire régner la discipline sans laquelle rien de tout cela n'est possible.

Elle évite l'humour : quand on n'est pas sur la même longueur d'onde, quand on n'a pas de langage commun au-delà de la langue qu'on parle, l'humour tombe vite à plat, et de toute façon elle trouve démagogique d'en user. Il existe d'autres moyens mnémotechniques, dont elle trouve plus productif et plus pédagogique d'approfondir sa connaissance.

Et tant pis si on dit que son cours est barbant. Les élèves d'ici ne réalisent pas toute la chance qu'ils ont avec tous les moyens audio-visuels, tous les manuels et toutes les aides pédagogiques dont ils bénéficient pour pouvoir apprendre. Dans d'autres pays moins bien équipés, on en est encore toujours aux bons vieux bouquins - et pas des bouquins illustrés, hein. Pas même avec de petits dessins. Et pourtant les élèves apprennent bien. Elle n'est pas là pour divertir, pour distraire ni pour amuser, elle est là pour enseigner. Avec tout le sérieux, toute la rigueur, toute la distance, tout le respect, toute la discipline et toute l'exigence que cela suppose.

Ceci dit, une fois cela posé et dûment établi, elle explique les choses clairement, elle voit où le bât blesse et même si elle est viscéralement opposée à toute forme de démagogie, elle reste quand même assez attentive aux intérêts de ses élèves pour pouvoir leur proposer des textes et des lectures susceptibles de capter leur attention et de les accrocher à son cours et à sa matière. Elle laisse leur imaginaire et leur référentiel pour eux, même leur musique. C'est leur territoire, et il ne lui appartient pas de l'envahir ni de chercher à le faire. Mais s'ils s'intéressent à un domaine particulier du réel, que ce soit la couture, l'écologie, l'aviation ou le sport, elle essaie de leur trouver des textes qui en parlent pour les étudier en classe. Elle ne veut pas être démagogue, certes, mais ça ne veut pas dire pour autant qu'elle a envie de les ennuyer par pur plaisir.

Elle se souvient assez de ses propres années d'études pour savoir que l'attention, c'est important, que l'intérêt, c'est important, et qu'un cours peut très bien être instructif sans pour autant devoir être barbant. Et qu'un prof qui sait enseigner peut non seulement transmettre une matière, mais susciter des vocations. Même si elle est loin de revendiquer cette dernière prétention - et surtout cette ambition. Tant mieux pour elle, et surtout pour les élèves concernés, si ça se trouve être le cas. Mais si ça ne l'est pas, elle n'en mourra pas. Elle n'en fera pas une maladie. C'est déjà bien beau si elle arrive à transmettre des connaissances et des compétences. Rien que ça, ce n'est déjà pas évident.

Et pourtant, ça, il faut le dire, elle y arrive assez bien. Et partout où elle passe, elle est reconnue pour ça. Et c'est pour ça que ses élèves l'apprécient. Parce qu'avec elle, ils apprennent des choses. Des choses qui leur servent. Et ce sont les choses qu'ils sont censés apprendre avec elle dans son cours. Ils l'apprécient parce qu'elle est simple, modeste, parce qu'elle ne cherche pas à être plus que ce qu'elle est et encore moins à se faire passer pour telle. Elle se contente de faire son boulot, point barre - et de le faire le mieux possible. Au moins, le soir, quand elle rentre à la maison, elle a l'impression d'avoir fait de sa journée quelque chose d'utile. Et aussi de satisfaisant.


Crédit image : © P. L. - L'Est Républicain

lecture 5 lecturas
thumb comentario
1
reacción

Comentario (1)

Tienes que iniciar sesión para comentar Iniciar sesión
Ferjeux verif

Ferjeux Mougin hace 4 horas

En effet, il est nécessaire pour effectuer cette mission professionnelle d'avoir une certaine passion pour ce métier car il peut parfois se révéler ingrat

Puedes hacer una donación a tus escritores independientes favoritos para apoyarlos

Seguir descubriendo el universo Romance

donate Puedes apoyar a tus escritores favoritos

promo

Download the Panodyssey mobile app