Laissez-moi vous conter cette histoire qui étonne,

Comment je suis passé de l’anxiété à la déconne.

Car un beau matin, j’ai tué deux personnes,

C’est pas ma faute à moi, ce qu’il faut blâmer c’est mon smartphone.

Tout a commencé en plein milieu de l’automne,

Quand mon thérapeute a voulu que je griffonne,

Que je tienne un journal quotidien sur ma patronne,

Dont la toxicité et le harcèlement m’empoisonnent.

Je m'suis dit comme ça : « je vais le faire sur mon téléphone »,

C’est moderne, c’est pratique et il y a même un microphone.

Quelle erreur de jugement, surtout quand t’es francophone.

Écrire et accentuer sur ce clavier, rien ne le cautionne.

D’abord la taille des touches avec mes doigts n’était pas bonne,

Ensuite la correction automatique n’est pas championne.

Et les suggestions ? On s’en parle, on les mentionne ?

Pas foutu de faire du sens, il n’y a rien qui fonctionne.

Je saisis « Elle reste sur ses positions, elle se cramponne »,

Ça inscrit « Elle prend des positions de grosse cochonne ».

La note « Faut découper les tâches, faut qu’on fractionne »,

Devient « Faut la découper à la tronçonneuse façon bucheronne ».

J’arrête de taper, car clairement les erreurs foisonnent.

Je décide donc d’utiliser l’assistant et je l’actionne.

« Siri, nouveau document « lettre ouverte à ma patronne » »,

Elle me répond « message envoyé, en attente qu’elle réceptionne » !

C’est sur, vu le contenu, il a fallu qu’elle me sanctionne,

J’ai perdu mon boulot, ma caisse et ma friponne.

J’ai vu un peu rouge, et dans un élan de testostérone,

Je lui ai réarrangé le portrait à grands coups d’iPhone.

Avant que les flics me chopent et ne perquisitionnent,

J’ai rendu visite à mon psy pour un feedback sur mes hormones.

Je lui ai dit ce que je pensais d'un journal, mais que là : j’abandonne.

Et je l’ai laissé convulser à s’étouffer sur son smartphone.

Maintenant je suis en prison, je m’entends bien avec la matrone,

Mon avocat a un plan pour qu’au procès on me pardonne,

Il dit que c’est la faute des GAFA qui nous conditionnent,

Quant à moi... Je ferais mes aveux avec un stylo que j’affectionne…