Le Sergent Poivre est triste
En Panodyssey, puedes leer hasta 30 publicaciones al mes sin iniciar sesión. Disfruta de 29 articles más para descubrir este mes.
Para obtener acceso ilimitado, inicia sesión o crea una cuenta haciendo clic a continuación, ¡es gratis!
Inicar sesión
Le Sergent Poivre est triste
Nous sommes le 8 juillet 1987. Il est environ 9 heures. Carole et moi sommes arrivés il y a un peu plus d’un quart d’heure à l’École Centrale de Lyon, Amphi n°2.
C’est un jour spécial pour moi : dans une heure, je soutiendrai ma thèse… Je vérifie que les portes sont ouvertes, que le rétroprojecteur fonctionne, et la tension commence à monter. Je vais faire un tour au labo de Mécanique des Fluides juste à côté pour saluer Bernard Gay, mon directeur de thèse, et m’assurer que tout va bien. En revenant dans l’amphi, j’y retrouve mes parents qui viennent d’arriver. À ma grande surprise, je vois Roger, qui fut mon professeur de Mécanique des solides cinq ans plus tôt et que je n’avais pas revu depuis. Je trouve sympa qu’il vienne, mais ne comprends pas vraiment sa présence. Ce qui me surprend encore plus, c’est qu’il discute avec ma Maman, comme s’ils se connaissaient depuis longtemps… Maman m’explique rapidement qu’elle et Roger se sont rencontrés dans un groupe de réflexion auquel elle participe depuis un ou deux ans. Au cours d’une pause, elle discute avec ce quinquagénaire : elle présente ses enfants et, de fil en aiguille en arrivent à la conclusion que Roger a été mon prof. Ils décident donc de me faire une bonne blague, ce qui explique la présence de Roger.
Le monde n’étant pas si grand que ça, il s’avère que Roger et Patrick – Mon mentor dont je vous ai déjà parlé (Voir Ici) et qui bien sûr fait partie du jury – se connaissaient. J’y reviendrai.
Roger venait régulièrement rendre visite à mes parents. On appréciait de passer un moment avec lui lorsque Carole et moi étions aussi à Annolieu. Maman – qui aurait fait fortune en ouvrant une agence matrimoniale – fit rencontrer Roger à une de ses filleules – Evelyne – une cousine qui avait passé plusieurs séjours à la maison lorsqu’elle était adolescente et pour qui ma sœur, mon frère et moi éprouvons beaucoup d’affection.
La mayonnaise prit : Evelyne et Roger se marièrent il y a quelques années.
Un des fils de Roger, Romain, joue de la basse et chante dans un trio qui reprend exclusivement des chansons des Beatles. Nous sommes allés les voir jouer plusieurs fois sur Lyon. Suite aux deux heures d’enchantement à écouter d’excellentes reprises, nous prenions un grand plaisir d’aller boire une bière et discuter un moment avec Evelyne et Roger.
La dernière fois que nous sommes allés voir « Sergent Poivre », nous avons eu la primeur d’assister à leur première production sur scène de « Because » a capella : ce fut pour moi un moment magique, tant cette chanson prend toute sa dimension lorsqu’on lui enlève les instruments qui l’accompagnent.
C’est ici : https://www.youtube.com/watch?v=bWnnKXEiMqk
Une autre chanson qui faisait battre mon cœur, très bien interprétée et qui se passe de tout commentaire : https://www.youtube.com/watch?v=y0ex-KFgtF0
Après plusieurs semaines de combat, Roger a perdu contre le COVID et nous a quittés hier matin.
J’appelai Patrick pour lui faire part de cette triste nouvelle. Il m’expliqua alors que lorsqu’il commença sa carrière universitaire, il était en conflit avec le patron du labo où il travaillait. C’est à ce moment qu’il avait rencontré Roger qui l’avait aidé sur certaines problématiques numériques, ce qui avait permis à Patrick de continuer dans la voie scientifique qu’il avait commencée. Il m’a confié : « Sans Roger, j’aurais sûrement orienté mes recherches autrement ». Ce qui signifie qu’avec Patrick on ne se serait pas rencontrés, que je n’aurais pas eu la chance de travailler avec lui pendant ma thèse, que l’amitié qui nous lie depuis 36 ans n’aurait jamais vu le jour.
En toute discrétion, Roger a interféré dans ma vie universitaire, amicale et familiale… Il a tissé tout un tas de liens par sa présence. Triste ironie du sort, une des conséquences de la maladie qui l’a terrassé fut d’isoler les gens. Comme si le COVID avait voulu se venger.
Je suis sûr que s’il pouvait nous parler, il nous rappellerait qu’avant tout, on a besoin d’amour : https://www.youtube.com/watch?v=4KTC01gXRdA
Purée, je viens de supprimer son adresse mél de la liste de ceux à qui j’envoie mes chroniques à deux balles : ça fait mal…
Sérézin, le 13 juin 2020.