Le bourreau
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Le bourreau
Salon de l’aile Est, 3h du Matin
Le tension était à son comble dans la salle. Tous a l’exception de Belladone, avait rejoint de petits balcon, un à chaque mur, qui surplombaient la salon comme une scène, ou bien un arène. L’autrichienne se tenait, tranquille, les jambes croisée sur le canapé de velours, au milieu de la salle. Enfin, détail important, le masque qu’elle portait la veille reposait ce soir là à côté d’elle, et elle gardait son visage à découvert, quelques mèches claires encadrant son visage. Elle ne se privait pas d’envoyer des regards noirs au deux hommes, même si l’un n’en avait cure, et que l’autre s’en amusait, à défaut de savoir pourquoi cette femme faisait preuve de tant d’hostilité.
Dante, elle, fixait la blonde avec attention. Objectivement, l’Autrichienne était sublime. Mais elle ne semblait pas dotée d’une force extraordinaire, ses mais était douce, donc sans doute pas habituées aux maniements des armes, elle se demandait quel sort subirait l’italien, et surtout si l’autrichienne ne lui avait pas menti.
C’est alors que de petit coup retentirent contre la porte, et Romano Carlotti entra dans le salon, d’une démarche conquérante. Il marqua cependant un arrêt devant Edith, à nouveau subjugué.
-Bien le bonsoir mon cher. Lui lança-elle en se redressant.
-Mes hommages mademoiselle. Il se rapprocha pour embrasser sa main. Vous êtes si éblouissante que j’ai cru voir le soleil se lever au beau milieu de la nuit.
-Vous savez parler aux femmes dites-moi ! Fit elle en gloussant.
-J’ai toujours su parler a la gente féminine.
Du haut du balcon, Dante renifla dédaigneusement, ce qui ne manqua pas d’attiré l’œil de Samedi.
-«Regardez moi ça, pensa-t-il, que le monde est petit.»
Et il n’avait pas tout à fait tort, si on pouvait considérer la demeure de Señorita Dela Ria comme un monde à part entière. Accoudé à la barrière, il refixa son attention sur le duo, qui s’était rassis sur le divan, tandis que l’italien racontait une anecdote à grand renfort de mouvement.
-C’est là qu’il m’a dit avec son accent belge «Enfin Romain, Tu ne peux pas faire rentrer sept-cent nègres dans un bateau qui n’est même pas un navire négrier ! » Donc pour lui prouver le contraire, j’en ai mis huit-cent dans la cale, et au final on à eu que cinquante mort, ce qui est assez exceptionnel.
Il s’esclaffa, accompagné de Edith.
-Comme quoi, quand on veux, on peut !
-Vous avez bien raison.
Le blond se pencha vers l’Autrichienne dans un air de confidence.
-Vous m’êtes fort charmante, je vais donc vous confier quelque chose.
-Je suis toute ouïe.
-Voyez-vous, si j’ai été invité ici, c’est parce que l’espagnole m’a promis de m’aider sur une affaire… Particulièrement délicate.
-Dites m’en plus !
-Uniquement si vous me promettez que ce petit secret reste entre nous. Lui glissa-t-il joyeusement en lui touchant le nez. Ou je serais bien obligé de vous faire taire.
-Bien évidemment, gloussa-t-elle, je serais bien attristée de vous causer du tort.
Chacun dans la pièce retenait son souffle, presque captivés par la scène en train de se dérouler, dans l’attente de la suite. En fin du moins, c’était le cas pour Samedi, Belladone et Dante, car Luzia savait très bien de quoi parlait Romano, et Anubis ne montrait qu’un très vague intérêt pour la situation.
-Voyez-vous, je me suis attiré quelque ennui en Italie ces dernier temps.
-Mais encore ?
-J’ai eu de nombreux démêlés avec la justice, et mon empire ne me protège plus suffisamment. On m’accuse d’avoir abusé environ une vingtaine de femmes. Lâcha-t-il le plus naturellement du monde, comme s’il parlait de la pluie et du beau temps.
-Je vous demande pardon ?
-Rassurez-vous, elles étaient toutes consentantes ! Le problème, c’est que l’une de mes conquêtes était en réalité la nièce du roi. Vous savez comment les femmes changent rapidement d’avis. Donc cette hystérique, à rallié les autres, qui ne sont pas mieux, et m’attaque au tribunal en essayant de faire couler mon commerce.
Edith restait bouche bée. Si une part d’elle était véritablement choqué par les propos de son interlocuteur, l’autre jubilait. Elle connaissait la réputation de l’homme, celle d’un être avide d’argent, l’un des trois sommets du trafic d’esclave pourtant aboli presque cinquante ans plus tôt. Mais elle ignorait qu’il fut au centre de ce genre d’affaire, et comme dit le proverbe, «Quand un homme déclare que vingt femmes sont hystériques, il n'est pas rare que le problème vienne plutôt de lui. »
La question était plutôt, qu’est ce que cet infâme personnage faisait ici, et qu’elle était le rôle de Luzia dans une telle histoire ?
-Je veux bien le croire, mais je ne vois pas…
-Patience ma chère, j’y viens.
La blonde fut à deux doigt de la gifler, mais se tient, contentant de sourire, bien que crispée. Du côté du public, la haine de Belladone était si palpable que même Anubis commençait à la sentir, alors qu’il n’était pourtant pas un expert pour décrypter les émotions.
-J’ai été contraint de fuir, laissant la flotte et l’entreprise au mains de mon cousin, en qui j’ai une entière confiance. La police menaçait mon domicile et mes propriété. C’est la que Luzia Ifelis Dela Ria m’a contacté.
L’italien s’interrompit dans son discours, se comportant comme un orateur aguéris, satisfait de faire languir son interlocutrice, qui commençait franchement à s’impatienter.
-Et que vous disait-elle ?
-Je ne répondrai que si vous acceptez de me tutoyer Bella. Fit-il avec un clin d’oeil complice.
-Bien sûr Romano ! Elle lui adressa un clin d’œil aguicheur. Uniquement si tu en fait de même.
-Avec plaisir !
-Dis moi donc maintenant, que disait-elle !
-Elle me proposais son aide.
-Mais encore ?
Il regarda de tout les côtés, comme pour vérifier que personne ne les observais, avant de continuer.
-Elle a eu vent de ma situation, et me proposais une cachette, ainsi qu’un appui devant le tribunal. On dis qu’elle est la fille illégitime du Roi d’Espagne, et bien que je pense que la rumeur soit exagérée, je suis près à croire qu’elle tient la cour entière entre ses mains.
Cette fois encore, la surprise d’Edith ne fut pas feinte. Elle se doutais que l’espagnole avait du pouvoir, mais à ce point là… Ses trois associés, du haut du balcon, jetèrent des regards interrogateurs à leur hôtesse, qui se contenta de hausser les épaules. La voix le l’italien les rappela à l’ordre de la soirée, sans cependant pouvoir taire leurs interrogations.
-Où vais-je aller en suite, je l’ignore. Je pensais m’établir quelques temps ici, même si je crois bien que mes perspectives d’avenir ont quelques peu changer récemment.
C’est alors que sous les yeux ébahis de tous, Romano se mit à genoux devant l’Autrichienne, prenant sa main entre les siennes.
-Edith, nous nous sommes rencontré il y a seulement quelques heures, mais je t’aime. Comme si la foudre du ciel était tombé sur moi en un instant, je suis tombé sous ton charme comme si une déesse m’était apparue.
-Je ne…
-Laisse moi finir, ou je n’en aurai plus jamais le courage. La coupa-t-il dramatiquement. Je brûle d’amour pour toi ! Si belle, charmante et sublime ! Je ne m’imagine un futur sans toi. Tu es si supérieure aux laiderons, aux putains qui m’entourent au quotidien ! Je te supplie à genoux, enfuyons nous ensemble, et je ferai de toi une princesse ! Ma princesse !
A peine eut-il finit ses mots, que Edith se pencha vers lui, rejetant ses cheveux en arrière, pour l’embrasser. Dans la tête de l’italien, le monde explosa. Les lèvres de sa partenaire était si douces, si fraîches, remuaient lentement contre les siennes, tandis que la fine main glissait sur sa nuque, presque férocement. Jamais une femme ne lui avait témoigné autant de passion, autant de fougue. Il lui rendit son baiser goulûment, sentant le bas de son ventre le chauffer agréablement.
Plus haut, les réactions étaient diverses. Pour le dire franchement, Anubis avait la nausée, se retenant tant bien que mal de vomir sur le tapis ouvragé. Dante aussi se retenait de rendre son dîner, mais pour d’autres raisons. Le choc de la trahison, de la colère. Elle avait tellement envie de descendre de ce maudit balcon pour séparer les deux amants, et de mettre un terme aux jours de l’homme. Samedi lui, était hilare de la réaction des deux autres. Il étouffait à grand peine son rire, ce que Shelley ne manqua pas de remarquer.
Les deux blonds, qui avait interrompu leur échange buccal, se regardaient en souriant.
-Rien ne me rendrais plus heureuse. Soupira Edith.
Elle fit mine de se ré avancer pour de nouveau enlacer son interlocuteur, qui ne demandait pas moins, avant de l’arrêter, feignant d’être contrite.
-Mais vois-tu, j’ai un petit problème.
-Quoi donc ? Je ferais tout pour que rien ne nous sépare.
-Je n’en doute pas. Mais vois-tu, je ne suis pas une princesse.
Elle perdit son sourire, laissant enfin transparaître toute sa haine du blond aux yeux globuleux, qui restait perplexe devant le changement d’attitude de sa dulcinée. Elle avait sorti une petite lame, et jouait avec, la faisant passer d’une main à l’autre, avant de reporter son attention sur l’italien.
-Je ne suis pas une princesse. Répéta-telle avec un rire un rire sans joie. Je suis une chienne.
La dague s’abattit, terminant dans l’épaule de l’homme. Il gémit de colère et voulut se relever, mais il ne pouvait pas. Il ne pouvait plus bouger, ne pouvait plus parler. La chaleur dans son ventre se transformait en brasier, devenant une douleur insupportable.
Petit à petit, des veines noires se formaient dans la nuque, accompagnée du rire de la valseuse. Un rire moqueur, joyeux, qui était complètement en décalage avec a situation. Son sang et ses entrailles bouillonnaient, comme si un volcan explosait en lui. Il tremblait. Il tremblait de douleur, il tremblait de peur, et malgré sa paralysie, il bascula sur le côté, tel un oisillon tombé du nid en train d’agoniser. Et le sang continuait de s’écouler à gros bouillon, son ventre se déchirait pour laisser passé un étrange flot verdâtre, qui empuantissait l’air ambiant.
Il aurait voulu mourir à ce moment là. Oh il aurait voulu, tant la douleur était insupportable. Mais il restait bel et bien conscient, tandis que le poison se rependait en lui, que ses entrailles se liquéfiaient et s’aggloméraient sur le parquet. Il hurlait. Il hurlait de peur et d’horreur. Et la valseuse continuait de rire tout son saoul. Elle se retrouvait plongée plusieurs années en arrière, dans un théâtre de Vienne, ou Il se tordait de souffrance en regrettant chacun de ses actes. Elle avait l'impression de Le regarder mourir une deuxième fois tandis qu'Il la suppliait de l'épargner. Alors que tout était de sa faute. La mort de Kanna, de Rachel, de Sandra, et de tant d'autres, ses ainées, ses soeurs. Il n'avait rien fait, et avait aidé les Russes à entrer. Il n'avait pas eu pitié d'elles ce soir là, alors pourquoi en aurait-t-elle pour lui ? Elle aurait tant voulu enfoncer encore et encore son coutelas dans son crâne, entendre ses derniers râle, revoir son corps bouffé par les charognards. Elle ne l'avait jamais autant aimé qu'à cet instant précis. Le voir périr était la plus belle chose à laquelle elle ai jamais assisté. Et revivre ce merveilleux moment, admirer le corps de l'italien rongé par le poison; quel plaisir intense ! Elle voulait qu'il la supplie, et peut-être serait-elle au bord de l'extase même. Elle fut cependant tiré de sa jubilation par Shelley, qui la fixait durement.
-Finissez Belladone. Nous attendons.
Elle grogna de frustration, mais le visage de Dante lui rappela son objectif. D’un coup sec, elle arracha le poignard de l’épaule de l’homme, qui ne put qu’emmètre un faible gémissement, à bout de force. Edith se racla la gorge, puis leva sont poignard. Avant qu’elle ne put commencer, elle fut de nouveau interrompue par l’espagnole.
-Votre masque.
La blonde s’exécuta non sans lever les yeux au ciel, couvrant son visage de l’objet violet, et commença son verdict d’une voix de stentor.
-Romano Carlotti, pour crime envers la gent féminine, viols, agressions, mais également esclavagisme, trafic d’être humain et enlèvement, je te condamne à la peine capitale, la mort.
Comme d’habitude, elle s’apprêtait à trancher la gorge de l’homme, quand une idée lui vint en tête. Romano n’avait pas encore souffert suffisamment pour ce qu’il avait essayé de faire à la petite.
Finalement, l’italien avait encore la force de hurler, car le cri qu’il poussa fut encore plus puissant que les autres, comme celui d’un goret qu’on égorge, quand la dague perfora l’entrejambe de sa victime. Elle s’accroupit, remuant le couteau dans la plaie, avant de lui murmurer :
-Souffre comme elle ont toutes souffert, Arschloch.
D’un geste expert, elle retira l’objet pour le planter dans le coeur battement encore faiblement. Le sang gicla encore. Et encore. Au rythme des derniers sursaut de vie. Puis ce fut finit.
-Et ainsi mourut Romano Carlotti. Déclama-t-elle en se relevant.
Elle se tourna vers les balcons, s’inclinant dans une révérence moqueuse.
-Le spectacle vous a-t-il plut, Mesdames et Messieurs ?
Au début personne ne pipa mot, puis Samedi, sourire aux lèvres, commença lentement à applaudir, même si personne n’aurait pu dire si il était ironique ou sincère. Les autres le suivirent, plutôt stupéfiés de la violence de cette femme à l’air si fragile. Mais ce n’était pas cela qui importait vraiment à l’autrichienne. C’était le regard de Dante au travers de son masque, une lueur qui semblait juste… reconnaissante. Reconnaissante qu’elle ai tenu sa promesse. Et c’est à ce moment que le coeur d’Edith recommença à battre.