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Chapitre 3 - Seriez-vous un diablotin ?

Chapitre 3 - Seriez-vous un diablotin ?

Publicado el 13, abr, 2023 Actualizado 10, oct, 2024 Horror
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Chapitre 3 - Seriez-vous un diablotin ?

Hypérion papillonna des yeux quelques secondes avant de réellement les ouvrir. La première chose qu’il vit fut la table de chevet à côté de son lit. En voyant les bougies, il se remémora les événements qui s’étaient déroulés durant la soirée de la veille. Il ne savait pas vraiment ce qui lui avait pris de se montrer aussi sentimental devant Severian. Cependant, dans un sens, il ne regrettait pas vraiment d’avoir, pour une fois, dit ce qu’il pensait. En temps normal, le blond ne se serait jamais abaissé à le faire, pour la simple et bonne raison qu’il détestait paraître faible. Mais il avait l’impression de se sentir mieux après l’avoir dit.

Le garçon se redressa dans son lit en lâchant un bâillement qu’il masqua avec sa main droite. Ce fut à ce moment qu’il remarqua qu’il n’avait pas son gant. De fait, puisque Severian le lui avait enlevé la nuit passée. Le blond s’attendait à le trouver par terre, là où l’homme l’avait laissé tomber, mais il vit qu’il l’avait en réalité ramassé et déposé sur sa table de nuit.

Hypérion l’enfila et s’assit sur le matelas. Il avait longuement discuté avec Severian, la veille, c’était sans aucun doute beaucoup plus long que de coutume. Et c’était sans doute hier que ses parents avaient été les plus proches de la vérité. C’était un miracle que ni James ni Amélia ni même Jones n’aient remarqué la présence d’un homme pendu la tête en bas au lustre.

En aucun cas le blond ne regrettait sa décision qu’il avait prise la veille.

Transformer son visiteur nocturne en précepteur était une bonne idée, il en était certain. Il regarda la petite pendule qui était posée sur le manteau de la cheminée de marbre, et vit l’heure, même depuis son lit : il était environ huit heures vingt-cinq. À cette heure, Severian s’était sans doute déjà mis au travail depuis plusieurs heures.

Hypérion tourna la tête dans un mouvement mécanique vers la fenêtre par laquelle l’homme était rentré la veille. Le rideau avait été fermé, et comme il ne sentait pas de courant d’air, il supposait que la fenêtre en question l’était également. Il ne savait pas comment son serviteur s’était débrouillé pour la refermer alors qu’il était à l’extérieur, et il se doutait qu’il ne le saurait peut-être jamais. Le plus important était qu’il fasse ce qu’on lui demandait, peu importe le moyen qu’il employait.

De son côté, le jeune garçon avait aussi du travail : devenir insupportable vis-à-vis ses parents et les domestiques afin qu’ils embauchent un précepteur. Il y avait peut-être une autre solution, mais avec son regard d’enfant, c’était la seule qu’il voyait. En réalité, son rôle ne lui semblait pas très difficile à remplir. Cela faisait des années qu’il rêvait de dire ce qu’il pensait de cette vie insipide et ennuyeuse, et c’était l’occasion rêvée de le faire.

Alors qu’Hypérion dressait sa liste mentale de tout ce qu’il pouvait faire pour transformer la vie paisible et tranquille de ses parents en un véritable cauchemar permanent, la porte de sa chambre s’ouvrit. Sans grande surprise, il regarda Jones entrer avant de refermer derrière lui. Comme d’habitude, le majordome de la maison tenait sa nouvelle tenue à la main.

— Bonjour, monsieur, salua-t-il poliment. Avez-vous bien dormi ?

— Non, il faisait trop froid dans ma chambre ! grommela Hypérion d’un air accusateur en fronçant les sourcils. Le feu s’est éteint avant même que je m’endorme !

Jones sembla surpris de cette remarque agressive dès le matin. Il s’immobilisa avant de lever lentement les yeux vers son jeune maître. Hypérion soutint son regard sans difficulté, son visage jeune crispé par une fausse colère.

L’adolescent savait qu’il était très doué pour jouer la comédie. Tout dans son attitude était parfait : ses yeux bleus qui pétillaient d’agacement, ses bras croisés, son nez levé en l’air qui exprimait le mépris et même le froncement de ses sourcils qui n’était pas trop exagéré, le rendant très crédible.

— Veuillez m’excuser, monsieur, répondit Jones en parlant lentement, détachant chacun de ses mots. J’y ferai plus attention, la prochaine fois.

L’homme semblait toujours un peu choqué de l’agressivité du blond. Hypérion lisait presque l’étonnement dans ses yeux. Cependant, le majordome se détendit légèrement, pensant simplement que l’adolescent s’était levé du pied gauche. Il s’approcha de lui et posa ses nouveaux vêtements sur le matelas. Comme d’habitude, le garçon s’extirpa de sa couette tandis que Jones allait ouvrir les rideaux.

Les rayons du soleil traversèrent la fenêtre, un peu plus hésitants que la veille. Quelques nuages gris clair couvraient partiellement le ciel azur. La pelouse verte du parc du manoir ondulait au gré de la brise, emportant les feuilles rousses.

Le majordome revint près d’Hypérion et commença à l’habiller sans dire un mot. Le blond l’observa avec une expression de sévérité et de mécontentement. Mais derrière ce masque, il était plutôt pensif. Ce n’était pas en harcelant Jones qu’il allait pousser ses parents à engager un précepteur. Cet homme n’était qu’un domestique, et tant que leur confort personnel n’était pas en jeu, il était très probable que James et Amélia ne fassent rien. Mais il savait aussi que le majordome pourrait un peu accélérer les choses s’il continuait de l’embêter : lui qui aimait tant l’ordre et le calme ne pouvait sûrement pas supporter longtemps ces hostilités.

— Vous n’avez rien trouvé de mieux, comme tenue ? demanda froidement Hypérion en regardant les vêtements que Jones lui avait mis.

En réalité, il n’avait aucun problème à porter ces habits. En étant même franc avec lui-même, c’était un des costumes qu’il adorait le plus porter pour son confort et son élégance. Mais il devait faire des sacrifices et cracher un peu dessus pour continuer son manège.

Une nouvelle fois, le serviteur le regarda fixement, muet comme une tombe. Il cligna plusieurs fois des yeux sous la surprise, avant de se rendre compte qu’il ne devrait pas dévisager l’adolescent de cette manière insolente. Il s’inclina en baissant les yeux.

— Je suis désolé, monsieur, mais c’est Lord Prince qui a demandé que vous portiez cette tenue aujourd’hui pour la visite de votre oncle et de votre tante.

Ce fut au tour d’Hypérion de se figer. Ses muscles se raidirent immédiatement et sa mâchoire se serra si fort qu’il avait l’impression que ses dents allaient de briser sous la pression. Ses yeux bleus restèrent posés sur le majordome qui, sentant son regard intense, hésitait à se redresser. Le blond avait totalement oublié que son oncle et sa tante viendraient pour le dîner. Les visites de Severian avaient le don de lui vider l’esprit de sa routine habituelle et de guider ses pensées sur des réflexions plus sérieuses et intéressantes. En l’occurrence, l’affaire du tueur d’enfants à Londres avait occupé toutes ses pensées durant ces derniers jours et il en avait oublié qu’il y a deux jours, ses parents l’avaient averti de cette visite.

Cependant, un léger sourire cruel apparut au coin de ses lèvres. Il n’avait pas prévu d’être contraint d’affronter les autres membres de sa famille. Mais dans un certain sens, cette obligation à première vue dérangeante devenait des plus intéressantes et opportune. Il allait développer tous ses talents de gamin insupportable pour que son oncle et sa tante encouragent l’idée d’engager un précepteur.

— Peu importe, siffla Hypérion d’un ton menaçant, conservant son air hautain. Pouvons-nous descendre ou comptez-vous jouer au piquet encore longtemps ?

L’adolescent vit le majordome se crisper et ses sourcils se froncer légèrement. Cette fois-ci, ce n’était plus de l’étonnement qui raidissait ses muscles, mais bien de la colère et de l’agacement. Mais en se redressant, le visage de Jones était redevenu figé dans une expression d’impassibilité.

L’homme partit lui ouvrir la porte avant de le laisser passer. Durant le trajet jusqu’à la salle à manger, Hypérion sentit que le majordome de la maison était très tendu. Un sourire perfide orna son visage, lui donnait l’air d’un diablotin cruel. Il jouait ce rôle à la perfection, à tel point qu’il doutait même de jouer un rôle.

Mais ce petit préambule ne suffirait pas pour pousser ses parents à bouts ! Pour le moment, ils pouvaient encore penser qu’il s’était simplement levé du pied gauche, et le blond devait donc réduire cette hypothèse à néant en transformant le dîner en famille en véritable catastrophe !

Tout en songeant à tout ce qu’il pouvait faire pour ruiner la tranquillité de la maison, Hypérion arriva dans la grande salle à manger. Ses parents étaient déjà à table devant leurs assiettes vides. Sans doute qu’ils étaient en train d’attendre leur fils.

— Bonjour, Hypérion, lancèrent en chœur les deux adultes de leur habituel ton réjoui.

— Bonjour, répondit froidement le concerné d’un air maussade en s’asseyant.

— Tout va bien, mon chéri ? s’inquiéta sa mère, son visage élégant passant de la joie à l’anxiété en quelques fractions de seconde. Est-ce que tu as mal dormi ? Était-ce à cause de tes cauchemars ?

En réponse, l’adolescent se contenta de souffler d’exaspération bruyamment. Ce geste peu commun et peu gracieux fit relever la tête de James qui avait déjà ouvert le Daily Telegram. Le père fusilla son fils du regard, lui faisant comprendre qu’il n’avait pas intérêt à recommencer. Mais le blond semblait ne pas y prêter la moindre attention.

— Ce n’est pas à cause d’un cauchemar que j’ai mal dormi, reprit-il d’un ton à la fois impérial et accusateur, mais plutôt parce qu’il faisait trop froid dans ma chambre.

— Jones avait pourtant allumé un feu dans ta cheminée, non ? interrogea Amélia en jetant un petit regard sur l’homme en question qui venait de servir son mari.

— Il faut croire qu’il n’y a pas mis tout son cœur, hier, susurra le garçon en adressant un regard mauvais au majordome qui déposait son assiette remplie.

— Hypérion ! le réprimanda soudainement James en haussant le ton. Tu sais très bien que c’est faux ! Jones est un majordome très appliqué et consciencieux. Je te rappelle qu’il accepte également d’être ton valet, ce qui n’entre normalement pas dans ses fonctions !

— Justement ! rétorqua le blond en regardant l’adulte droit dans les yeux, le défiant du regard. Vous l’avez dit vous-même, père, ce n’est pas son travail ! Alors pourquoi doit-il s’occuper de moi s’il n’est pas qualifié pour cela ?

— Je te demanderai de te taire ! tonna le père, se retenant de justesse de frapper du poing sur la table. Tu me fais honte !

Les deux belligérants restèrent quelques secondes silencieux, se fixant dans le blanc des yeux. Tous deux semblaient très furieux, mais en réalité, seul James l’était réellement. Son fils n’avait jamais été aussi irrespectueux et impoli.

C’était la première fois qu’il lui voyait cette audace et cette outrecuidance. Bien entendu, Jones n’était qu’un domestique, mais c’était un homme travailleur et minutieux qui méritait son salaire.

Pour sa part, Hypérion jubilait mentalement. Il était bien entendu un peu énervé que son père monte dans les tours pour un majordome.

À croire qu’il s’inquiète plus pour l’honneur d’un serviteur que pour celui de son enfant !

Mais il était surtout très content que la première partie de son projet se déroule comme il l’avait prévu. On venait à peine de sonner neuf heures du matin, et son paternel était déjà rouge de rage. Il n’avait qu’à continuer de cette manière et il ne tarderait pas à le faire craquer.

— Pourrions-nous manger notre repas dans le calme ? interrogea Amélia d’un ton glacial en regardant son fils et son mari en alternance.

En réponse, James attrapa sa serviette et la déposa sur ses genoux sans lâcher le blond du regard. Celui-ci roula des yeux et attrapa la hanse de sa tasse de thé avant d’en boire une gorgée brûlante. Le repas commença dans le calme, et seul le raclement des couverts en argent sur les assiettes brisait le silence tendu. Le père de famille reprit le Daily Telegram qu’il avait lâché sur le bord de la table et tourna les premières pages. Il avala une gorgée de thé et manqua de s’étrangler avec. Sa femme et son fils relevèrent la tête, étonnée de sa réaction.

— Dieu du Ciel ! s’écria James, à la fois surpris et scandalisé.

— Que se passe-t-il, mon cher ? demanda Amélia en s’essuyant les lèvres.

— C’est tout bonnement incroyable ! poursuivit son mari comme s’il ne l’avait pas entendue. Scotland Yard a retrouvé le corps d’un tueur d’enfants démembré dans l’East End !

À ces mots, son épouse faillit avaler de travers son morceau de toast. Hypérion manqua de peu de recracher son thé sur la nappe et plaqua sa serviette sur sa bouche pour s’en empêcher. Tapotant le haut de sa poitrine pour reprendre sa respiration, la blonde releva la tête pour regarder le père de famille.

— Ne parlez pas de ceci devant Hypérion, James ! s’exclama-t-elle avec de la réprobation dans sa voix. Regardez-le, le voilà tout tremblant !

En effet, l’adolescent était parcouru de frissons et il tressautait à vue d’œil. Son mouchoir toujours sur ses lèvres, il regardait fixement entre ses genoux. Mais contrairement à ce que ses parents pensaient, il n’était pas tremblant de peur ou d’effarement. Il n’était pas du tout choqué ni scandalisé comme son père. En réalité, si ses proches avaient vu le sourire qui étirait ses lèvres, ils auraient sans aucun doute pensé qu’il était fou.

Hypérion ne pouvait pourtant pas s’empêcher de ricaner légèrement, il n’y arrivait pas. S’il tressautait, c’était à cause du rire qu’il réprimait avec toutes les difficultés du monde. Il songeait aux mots que Severian lui avait dits la veille au soir, à propos de ce fameux tueur en série : « J’ai laissé les miettes à Scotland Yard ». Le blond se doutait bien que le criminel avait été assassiné dans un coin pourri de Londres, mais il ne s’attendait pas à ce qu’il doive le prendre au mot.

Hypérion avait une seconde raison de rire. Il se posait une certaine question : quelle serait la tête de son père et de sa mère ? Quelles seraient leurs têtes s’ils apprenaient que la personne qui avait démembré ce tueur était, la veille au soir, suspendue au lustre juste au-dessus d’eux ?

— Est-ce que ça va ? interrogea Amélia, visiblement inquiète du silence de son fils.

— Je… je vous prie de m’excuser, balbutia l’intéressé en se levant.

Sans plus dire un mot, le blond se leva, repoussant sa chaise. Il sortit de la pièce, Jones refermant la porte derrière son passage. Il monta sans plus attendre dans sa chambre sans cesser de sourire et s’approcha de la fenêtre fermée, ses pas étouffés par le tapis. Il l’ouvrit et s’appuya sur le rebord, sa tête dépassant d’une dizaine de centimètres. Ses cheveux s’agitèrent lorsqu’une légère brise se leva, emportant quelques feuilles mortes. Un simple murmure s’échappa d’entre ses lèvres.

— Severian… Viens…

Une simple seconde s’écoula, tandis que cette simple parole semblait résonner dans le parc du manoir. Cette unique seconde se termina avant qu’une voix douce et agréable ne lui réponde.

— Bonjour, monsieur.

Hypérion tourna la tête et son regard se posa sur une branche d’un arbre à quelques mètres de sa fenêtre. Severian, un petit sourire au coin des lèvres, était assis, à l’ombre du feuillage doré.

— Tu as fait vite, commenta le blond à voix basse sans répondre à ses salutations.

— J’ai une bonne ouïe, répondit l’homme dans un murmure. Le village n’était qu’à un kilomètre, donc je vous entends distinctement. Mais j’aimerais vous demander quelque chose, maître. Pourquoi m’avez-vous appelé en plein jour ?

— Aurais-tu un problème à venir avant le coucher du soleil ? se moqua le blond en passant une main dans ses cheveux pour les remettre en place.

— Pour être totalement franc avec vous, cette lumière me fait mal aux yeux ! marmonna Severian en posant une main sur son front pour se protéger des rayons du soleil, plissant ses yeux rouges. Je préfère rester dans l’obscurité, c’est un milieu qui me sied bien mieux ! Maintenant que j’ai répondu à votre question, voulez-vous répondre à la mienne ?

— J’ai quelques petites choses à te dire rapidement, souffla Hypérion en s’asseyant sur le rebord de la fenêtre.

Le noiraud esquissa à nouveau un petit sourire avant de rejoindre l’adolescent d’un seul bond. Sans un bruit, il se glissa par l’ouverture et se colla contre le mur, à l’abri de la lumière. Le blond le regarda, amusé, avant d’observer à nouveau la pelouse qui ondulait au gré du vent.

— Premièrement, je veux savoir si tu es installé convenablement.

— Je ne m’en plains pas, répondit simplement Severian. J’ai ciblé une petite maison à l’abandon au bord du village. Je l’ai un peu nettoyée hier avant de me mettre au travail.

— Parfait, murmura Hypérion en souriant légèrement. Deuxièmement, as-tu pensé à récupérer le journal, ce matin ?

— Tout à fait, my young Lord ! affirma l’homme en sortant le Daily Telegram de sa veste. Je l’ai déjà feuilleté, mais je n’y ai rien vu d’intéressant. Souhaitez-vous le lire tout de même ?

— Oui, je préfère m’en assurer par moi-même, lâcha le blond en attrapant le quotidien qu’il enroula soigneusement.

— Ne me faites-vous pas confiance, jeune maître ? interrogea Severian en posant une main sur sa bouche dans une expression faussement choquée.

— Bien sûr que si, rétorqua Hypérion avec un sourire cruel, ses yeux bleus se plantant dans ceux de son serviteur. Tu es un chien docile et bien dressé. Je sais que si je te donne un ordre, tu obéiras sans te poser de question. Ceci en plus de ta loyauté, je pense que je peux dire que j’ai confiance en toi.

Bien que la comparaison soit très peu flatteuse, le noiraud se contenta de hausser un sourcil sans se départir de son sourire. Visiblement, se faire traiter de chien obéissant ne lui déplaisait et ne l’offensait pas.

— Deux vérifications valent mieux qu’une, soupira l’adolescent. Pour en revenir à notre discussion, je tiens simplement à te signaler que mon oncle et ma tante viendront dîner ce soir. Ils resteront sans doute un bon moment alors essaie de ne pas te faire remarquer en venant reprendre le journal cette nuit.

— C’est bon à savoir, commenta Severian en tapotant son menton de son index ganté. J’ignorais que vous auriez de la visite.

— À vrai dire, moi aussi, s’esclaffa Hypérion, quoiqu’avec une pointe d’amertume dans sa voix. La soirée risque d’être plutôt ennuyeuse, mais j’entends bien de la rendre plus… intéressante.

— Ooh, susurra l’homme en plissant légèrement les yeux, son regard devenu furtivement prédateur. Le jeune maître serait-il devenu un petit diablotin infernal ?

— Venant de toi, ça fait plutôt sourire, répliqua l’intéressé en haussant les épaules avec une nonchalance élégante. Mais tu as raison, je compte effectivement transformer ce dîner en enfer pour mes parents !

Le garçon s’autorisa à fermer les yeux quelques secondes, appréciant simplement la caresse de la chaleur du soleil sur ses paupières. Il entendit son serviteur faire quelques pas et rouvrit les yeux. Son regard couleur saphir rencontra les iris rubis de Severian qui se pencha et lui murmura au creux de l’oreille :

— Vos parents arrivent, monsieur. Je vais devoir vous laisser…

N’ayant pas envie que quelqu’un risque d’entendre sa voix, Hypérion se contenta de hocher la tête en signe d’approbation. L’homme grimpa sur le rebord de la fenêtre, prêt à partir, quand l’adolescent attrapa sa veste noire pour le retenir. Il tira sur le tissu pour forcer le noiraud à se baisser, avant de lui chuchoter en retour :

— Tu as fait du très bon travail à Londres, Severian.

Il s’éloigna légèrement de lui et vit un éclair de surprise dans les yeux rouges de son visiteur. Puis ce dernier prit la main gantée du garçon dans la sienne et déposa un baiser dessus.

— Je suis à vos ordres, jeune maître, souffla-t-il si doucement que sa voix se détachait difficilement du murmure des feuilles.

Le blond eut tout juste le temps de cligner des yeux et Severian avait déjà disparu du bord de sa fenêtre. Ce fut avec un petit sourire amusé qu’il vit la silhouette floue du noiraud s’éloigner, bondissant de branche en branche avant de disparaître à l’horizon. Juste après, les parents d’Hypérion ouvrirent sa porte et rentrèrent dans la chambre. Ils s’approchèrent de l’adolescent qui était toujours près de la fenêtre.

— Ne reste pas au bord, Hypérion, lança Amélia avec anxiété. Il ne faudrait pas que tu tombes.

Le fils faillit se retenir de lever les yeux au ciel, avant de se rappeler qu’il n’avait aucune raison de s’en empêcher. Il le fit donc en lâchant un long et profond soupir d’exaspération.

— Pourquoi as-tu ouvert cette fenêtre ? interrogea James en faisant un petit signe de la main à Jones pour qu’il la referme.

— J’avais simplement besoin d’un peu d’air frais, répondit le garçon avec un air agacé tandis que le majordome passait derrière lui.

— Tu ne veux pas terminer ton assiette ? interrogea sa mère avec douceur, sentant que le ton devenait plus acide et que la conversation glissait sur une pente dangereuse.

— Non, merci, grogna Hypérion d’une voix aussi glaciale que son regard qu’il posait sur ses parents. Je n’ai pas envie de manger une nouvelle fois cette… chose qui nous tient de petit-déjeuner.

— Dans ce cas, intervint James avec un ton orageux, ayant choisi de reprendre sa voix grave et autoritaire, tu me feras le plaisir d’aller travailler sur ton devoir de français. Je viendrais après pour ta leçon de piano.

En guise de réponse, l’adolescent se contenta de souffler bruyamment vers le haut, soulevant une de ses mèches de cheveux blonds. Les yeux de son père, auparavant brillant de colère, étincelaient à présent d’une rage prête à exploser à tout moment.

— Tout de suite ! ajouta l’homme en haussant la voix, ses poings serrés par la fureur.

Le garçon le fusilla du regard, le défiant silencieusement, avant de s’éloigner pour sortir. Jones allait lui ouvrir la porte quand Hypérion chassa sa main d’un coup sec. Le majordome l’observa, stupéfait, ses sourcils arrondis par l’étonnement.

— Je suis capable d’ouvrir les portes tout seul ! cracha le blond en tournant la poignée.

Il sortit de sa chambre dont il referma le battant dans un claquement sec. Il s’éloigna de quelques mètres en marchant de la manière la moins discrète au monde : il faisait exprès de faire tout ce raffut pour faire croire qu’il partait.

Mais il fit rapidement demi-tour et revint sur la pointe des pieds. L’adolescent s’adossa au mur et tendit l’oreille pour écouter la conversation que ses parents venaient de commencer.

— Pourquoi est-il si remonté, ce matin ? demanda Amélia, visiblement plus à elle-même qu’à son mari.

— Je n’en sais rien ! s’exclama ce dernier.

À en juger par les bruits de pas à moitié étouffé, Hypérion devinait que l’adulte tournait en rond dans la chambre comme un lion en cage. Il était très énervé… C’était parfait…

— Jones, vous n’avez rien remarqué de spécial, ce matin ? interrogea James à l’adresse du majordome.

— Non, monsieur, répondit la voix de celui-ci.

Puisque le blond entendait sa voix juste de l’autre côté de la porte, il se doutait que le majordome n’avait pas bougé depuis qu’il était sorti. Sans doute que la surprise de son comportement l’avait immobilisé sur place.

— Il est peut-être simplement énervé, supposa Amélia d’une voix douce pour apaiser son mari. Demain, il sera de nouveau sage et tranquille.

— Et s’il ne l’est pas demain ? rétorqua James avec agressivité. Pire ! Et s’il est aussi insolent avec son oncle et sa tante ? Comment voulez-vous que nous justifiions un tel écart de conduite ?

— Je vous en prie, mon cher ! s’exclama la blonde qui commençait à s’impatienter. Il est inutile d’en faire tout un drame ! Peut-être fait-il simplement un caprice, ou bien il nous fait une petite crise d’adolescence passagère.

— À treize ans ? rugit son mari sans cesser de marcher, à tel point qu’Hypérion avait l’impression qu’il allait creuser un trou dans le parquet. Ce n’est encore qu’un enfant ! S’il compte jouer les adolescents rebelles avec moi, je vais me charger personnellement de lui rappeler qui dirige ce manoir !

— James ! protesta la femme, visiblement de plus en plus énervée. Utiliser l’autorité avec un adolescent qui fait sa crise n’est pas une bonne solution !

— Ah bon ? marmonna James d’un air renfrogné en s’immobilisant, ses pas cessant de résonner dans la pièce. Et puis-je savoir d’où vous tenez cet étrange fait ?

— C’est bien simple, souffla Amélia après un reniflement agacé. Je le sais, car vous étiez vous-même un adolescent plutôt turbulent. Dans mon souvenir, lorsque nous étions jeunes, vous avez fugué trois fois de chez vous et vous vous êtes même introduit par ma fenêtre avant de me demander de vous cacher.

L’homme sembla se calmer, et Hypérion l’entendit faire quelques pas. Il y eut un petit silence d’une douzaine de secondes avant que James ne reprenne la parole.

— C’est vrai, je m’en souviens, soupira-t-il d’un ton à la fois nostalgique et amusé. Je n’aurais pas dû m’énerver ainsi avec Hypérion ni avec vous. Je pense que je vais essayer de prendre sur moi pour ne pas répondre à ses provocations.

— Merci, mon chéri, murmura Amélia avec une voix infiniment douce. Je pense qu’Hypérion comprendra et qu’il se calmera si nous lui laissons un peu de temps.

Hypérion serra les mains et les dents à tel point qu’il avait presque l’impression de les entendre grincer. À force de trop se méfier de son père, le blond avait totalement sous-estimé sa mère ! C’était un véritable problème pour son petit plan : Amélia avait un incroyable pouvoir calmant sur son mari, qui faisait l’effet inverse des provocations d’Hypérion. À présent, il devait repartir à zéro pour mettre ses parents sur les nerfs.

Grommelant contre cette défaite provisoire, il se décolla du mur et repartit en direction de son cabinet de travail à pas de loup. Il se glissa dans la pièce et s’assit sur son siège avant de sortir ses affaires de travail. Son porte-plume entre ses doigts gantés, sa feuille de français devant les yeux, Hypérion restait immobile, sa tête appuyée sur sa main.

Pendant une minute qui lui parut durer une éternité, il chercha des yeux les trois fautes dont avait parlé Madame Davies et qu’il devait corriger pour le surlendemain. L’adolescent ne releva pas la tête lorsqu’il entendit les pas léger et gracieux de sa mère dans le couloir. Il ne se redressa même pas lorsqu’elle ouvrit la porte et qu’elle vint à côté de lui, entourant ses épaules d’une étreinte chaleureuse.

— Comment est-ce que ça va, mon chéri ? interrogea Amélia avant de déposer un rapide baiser sur sa joue. Tu y arrives ?

— Non, grogna Hypérion en repoussant le papier en bas du bureau avant qu’il ne tombe sur le tapis de l’autre côté du meuble.

Il lâcha son porte-plume qui roula sur la surface en bois avant de se pencher pour laisser sa tête reposer dessus.

— Pourquoi je dois apprendre le français ? marmonna le garçon entre ses dents serrées. C’est totalement inutile pour moi !

— Mais pas du tout, mon cœur ! murmura sa mère d’une voix apaisante en lui caressant doucement le dos de la main. Tu verras, ces connaissances te seront très utiles quand tu partiras sur le continent.

— Et pourquoi donc partirais-je sur le continent ? interrogea Hypérion d’un ton grinçant, jetant un regard glacial en coin à la ravissante jeune femme.

— Lorsque tu seras le directeur de l’entreprise familiale, tu devras partir en voyage de temps en temps. Par exemple, ton père est déjà allé en France trois fois.

— Et qui vous a dit, Mère, que j’avais dans l’intention de reprendre l’entreprise ? siffla le blond en appuyant à nouveau sa tête sur ses deux mains, se redressant légèrement.

Ses dents étaient serrées, ses sourcils froncés et son expression dégageaient une impression de menace. Toute son attitude semblait exprimer la rébellion, la rage et la frustration. Mais pour la première fois de la journée, Hypérion n’avait pas le sentiment de jouer un rôle prédéfini. Il était réellement en colère !

De quel droit ses parents décidaient-ils de sa vie ? Quel était leur pouvoir pour décider de son futur ? La réponse était simple : parce que James et Amélia étaient des adultes et ses parents. Hypérion n’était qu’un enfant de treize, qui n’avait le droit de parler que lorsqu’on qu’on l’y autorisait ! Cependant, cette vie-là, le jeune garçon n’en voulait pas !

Il avait parfaitement conscience du fossé qui le séparait de sa famille. Depuis la disparition de son grand frère et de sa sœur deux ans plus tôt, il n’était plus le même. C’était à l’âge de onze ans qu’il avait définitivement perdu cette innocence et cette douceur qu’on connaissait à ces enfants de nobles. En un temps très court, Hypérion était passé d’un garçon épanoui, naïf et innocent à un enfant bien plus mature, réaliste et sérieux.

Au cours de ces deux dernières années, il n’avait jamais pu retrouver sa jovialité d’antan. Et sa rencontre avec Severian n’avait fait que conclure un passage important de sa vie. Après avoir fait la connaissance d’un homme… non, d’un être vivant aussi puissant et cruel, Hypérion avait définitivement tiré un trait sur son ancienne vie.

Et au fil des jours, des semaines et des mois, le blond s’était beaucoup éloigné de ses parents pour rester bien plus proche de Severian Hunter. Rapidement, il avait compris qu’il avait été élevé à l’abri de la réalité. Il suffisait de voir James et Amélia pour comprendre l’univers qui les séparait.

D’un côté, les deux adultes étaient sans cesse débordants de joie et d’amour, sans cesse en train de sourire et de discuter des potins des aristocrates. Et à côté d’eux, leur fils qui était presque tout le temps impassible face aux ragots. Cela faisait des mois et des mois que le garçon n’avait pas souri sincèrement à ses parents.

Hypérion avait bien plus d’affinité avec Severian, qu’il ne connaissait que depuis deux ans. C’était des plus étonnant, d’autant plus que cet homme n’était pas un grand ami des sentiments. Oh si, bien sûr, la satisfaction de lui-même, la colère, il les connaissait très bien. Mais tout ce qui entrait dans la catégorie de l’attachement, de l’amour et de la joie qui n’était pas liée au sadisme ou à la cruauté, l’homme ne s’y connaissait pas du tout ! Pourtant, malgré son absence de talent en matière d’émotions, Hypérion ne pouvait pas nier que c’était une des personnes avec lequel il était le plus à l’aise et avec qui il était possible d’avoir une véritable conversation intéressante.

— Mais qu’est-ce que tu as dit ? chuchota Amélia, visiblement encore sous le choc.

— J’ai dit que je n’ai jamais décidé de reprendre la compagnie ! répéta Hypérion en détachant chacun de ses mots, parlant d’une voix lente, mais glaciale. Je ne veux pas non plus étudier le Français avec cette vieille chouette de Davies et je ne veux pas travailler le piano avec Père !

La femme le lâcha et recula de trois pas, comme abasourdie. Ses yeux gris étaient arrondis sous la surprise, ses bras pendaient le long de son corps, ses épaules étaient tombantes. Apparemment, Hypérion n’aurait pas dû dire ça, cependant, il voulait exprimer ce qu’il pensait. De toute façon, le mal était fait, alors il n’avait pas rien à perdre.

— Ce n’est plus de mon ressort, à présent, murmura Amélia, toujours abasourdi. Je vais aller prévenir ton père, Hypérion.

Elle se retourna et s’éloigna à pas mécaniques, comme si ce n’était pas elle qui décidait de ses mouvements. Elle tourna la poignée de la porte et sortit avant de la claquer derrière elle. Le blond entendit encore quelques instants le son de ses pas. Il n’était pas sûr que ce qu’il venait de faire était une bonne idée, mais il l’avait fait. Après quelques minutes de silence, un autre bruit se fit entendre. Cette fois, la personne qui s’approchait marchait à pas plus précipités, et le claquement sec sur le parquet était presque furieux.

C’était son père, indéniablement ! Comme il s’y attendait, quelques secondes plus tard, la porte s’ouvrit à la volée, et le visage tordu par la rage de James fut la première chose qu’Hypérion vit. Intérieurement, il eut un sourire cruel, mais satisfait. Il avait eu l’impression de s’être montré très brutal envers sa mère, mais toute trace de culpabilité qui rongeait un peu son cœur s’envola immédiatement. Au final, avoir été aussi désagréable dans ses propos avait payé : son père, qui s’était calmé dix minutes plus tôt, arborait une magnifique couleur rouge de fureur.

— Peux-tu m’expliquer ce qui t’arrive ? aboya le brun, ses poings serrés. Ta mère vient me voir alors que je travaille pour me dire que mon fils refuse de faire son devoir de français ! Faut-il donc que je sois sans cesse derrière toi pour que tu obéisses ?

— Non, absolument pas ! rétorqua Hypérion d’une voix grinçante, sentant sa mâchoire se crisper. Que vous soyez là ou non, je n’ai pas l’intention d’obéir ; je ne veux même pas vous écouter.

— Par tous les Saints ! rugit James en s’approchant en quelques grandes enjambées avant de frapper du poing sur le bureau, faisant se redresser son fils dans un sursaut. Ton comportement commence sérieusement à devenir agaçant ! Je te signale que je n’ai pas que ça à faire ! J’ai encore beaucoup de dossiers à examiner et des taxes à payer ! Je n’ai pas de temps à perdre !

L’adolescent garda le silence une demi-douzaine de secondes avant de se lever, s’appuyant avec ses poings sur le bureau. Ses deux yeux bleus flamboyaient de colère. Son expression furieuse était devenue à la limite de la dangerosité.

— Donc pour vous, votre fils est une perte de temps ? siffla-t-il sans lâcher le bord du meuble du regard. Et vous vous demandez encore ce qu’il m’arrive ? Eh bien, je vais vous le dire ! JE PASSE TOUTES MES JOURNÉES TOUT SEUL, NI VOUS NI MÈRE N’ÊTES LÀ POUR MOI ! VOUS PRÉFÉREZ ENVOYER JONES SUR MES TALONS POUR QU’IL ME GARDE À L’ŒIL ALORS QUE VOUS ÊTES LÀ, DANS UN BUREAU À UNE CINQUANTAINE DE MÈTRES DE MOI !

— ÇA SUFFIT ! tonna son père, sa voix résonnant dans toute la pièce.

Hypérion se tut, mais en aucun cas ne se calma. Pourquoi son père ne comprenait-il pas ? Pourquoi ne le comprenait-il pas ? C’en était presque incroyable ; même un homme comme Severian, dépourvu de tout sentiment positif, savait ce qu’il pouvait ressentir. Alors pourquoi James Prince, son père qu’il connaissait depuis sa naissance, n’était pas capable de le comprendre ?

Cette fois, il avait l’impression de réellement mener cette rébellion ! Ses parents avaient beau l’aimer, ce n’était pas suffisant ! Il n’avait pas l’attention qu’il était censé avoir et cela ne lui convenait pas. Malgré le fait qu’il vivait avec eux depuis tout ce temps dans ce même manoir, et aussi proche d’eux, Hypérion ne s’était jamais senti aussi loin de James et Amélia.

Pourquoi ? Pourquoi sont-ils incapables de comprendre ?

Pendant un bref instant, l’adolescent fut tenté de tout lui dire ! De lui avouer tout ce qu’il avait fait dans sa courte vie. Il voulait lui avouer qu’il avait de la visite la nuit, lui avouer qu’il était le responsable des morts soudaines des criminels, lui avouer qu’il n’était plus le petit garçon innocent qu’il était. Il avait désespérément besoin d’un soutien humain, de chaleur et de réconfort. Cette douleur le consumait à petit feu.

Du moins, c’est ce qu’il avait ressenti à un moment.

À présent, ce n’était plus ce besoin d’attention qui le tenaillait et qui lui torturait l’esprit. Maintenant, c’était uniquement son désir obsessionnel de vengeance qui parlait. Il fallait qu’il venge son frère et sa sœur, qu’il punisse les criminels qui les avaient tués. Il avait parfaitement conscience qu’il aurait dû laisser la police s’occuper de cette affaire et qu’il n’aurait pas dû chercher à se faire justice lui-même. Mais c’était impossible !

Ces assassins, Hypérion voulait les voir mourir de ses propres mains ! Il n’avait plus tant besoin de ses parents pour atteindre son but ! Il avait un soutien autrement plus efficace, et qui arrivait à comprendre ses choix. Et cette personne n’était nulle autre que Severian. Le blond avait eu du mal à comprendre ses motivations, mais finalement, il s’en moquait totalement. Peu importe ce que voulait cet être. L’adolescent savait que son serviteur resterait de son côté jusqu’à la fin.

Et pour arriver à son but, Hypérion était prêt à sacrifier ses habitudes. S’il devait y laisser le seul lien, le dernier fil de relation qu’il lui restait avec ses parents, il le ferait sans aucune hésitation et sans aucun remords.

Dans le moment présent, il devait absolument faire craquer ses parents pour pouvoir retrouver Severian au plus vite. Vu de cet angle, son objectif final lui semblait encore bien lointain, mais il percevait cependant cette petite lueur d’espoir.

Il n’avait pas besoin de sa famille, plus maintenant. Il ne lui fallait que deux choses pour réussir, et il les avait : sa volonté inflexible d’aller jusqu’au bout, et un serviteur dépourvu de tout sens moral qui exécute ses ordres sans poser une seule question.

Tiens ta promesse et je te donnerai ce que tu désires.

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