En suspens - Jeudi 13 décembre 2007
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En suspens - Jeudi 13 décembre 2007
Ça n’a pas loupé : quand je vous retrouve ce matin, vous êtes tous les deux sous U.V car vous avez la jaunisse. Les médecins ont placé une espèce de néon diffusant une couleur bleue-violette dans votre incubateur. La veille, on vous a posé une voie centrale, qu’on appelle aussi un cathéter de Jonathan : ça remplace la voie au nombril. C’est maintenant par-là que vos médicaments, ou vos prises de sang passeront. J’apprends également que c’est une sonde qui vous alimente : elle est enfoncée dans votre toute petite bouche, et maintenue par des sparadraps. On vous fait aussi un électroencéphalogramme. C’est pour vérifier que tout va bien dans votre cerveau, qu’il n’y a pas d’anomalies, et aussi qu’il n’y a pas eu de problèmes à la naissance.
Ça fait beaucoup de choses à supporter pour vous en une seule journée... J’avais appelé dans la nuit pour voir si ça allait, et vous étiez stables. Mais aujourd’hui, vous passez par une multitude d’états. On entend les sonnettes des moniteurs qui ne font que de se déclencher : des « bip bip bip » suivis d’une lumière rouge clignotante. Cette dernière fait automatiquement venir un nounou près de la couveuse car cela veut dire que le bébé désature, ou qu’il y a un problème encore plus grave…
Parfois, ce sont juste les électrodes qui se sont détachées. Il suffit de les replacer et de les recoller sur le torse du bébé. Mais d’autres fois, le nounou fait appel à un autre collègue car le bébé est en souffrance et il faut trouver très rapidement l’origine du problème. Ils agissent vite. A certains moments, on doit quitter la salle car les médecins effectuent un acte stérile d’urgence. J’ai cru que je ne m’habituerais jamais au bruit et au mouvement incessants. Mais on s’habitue à tout. On se crée nos propres rituels dans chaque situation, même les pires, même lorsqu’on fait face à un problème qui, au départ, nous dépasse. On arrive à retrouver des repères et à se recréer un cocon, comme si l’on vivait à l’écart de tout et de tous. C’est comme ça que j’ai survécu, en ne pensant qu’au travers de mes enfants. Je ne me suis préoccupée que de cela, j’ai focalisé toute mon attention et mon énergie pour eux, pour leur donner le meilleur. J’avais échoué pour les maintenir à terme dans mon ventre, je n’aurais aucune excuse si ça se passait mal en dehors…
En fin de journée, Robin nous fait une «robinade» : ça ne se passe pas trop bien avec le mode de ventilation qu’on t’a installé, alors les nounous changent la technique et la machine : on voit ton ventre qui « pulse » de manière très mécanique. C’est étrange, mais tu l’acceptes bien mieux que l’autre système. Tu es plus calme et le monitoring sonne beaucoup moins.
Je rejoins ma chambre, je suis triste, j’ai toujours peur que ça dérape, qu’on m’appelle d’urgence pour l’un ou l’autre des bébés. En ouvrant la porte, je vois un instrument de torture posé sur le petit bureau : c’est le tire-lait. Les infirmières m’ont laissé des biberons et des étiquettes sur lesquelles je dois noter mon nom, mon prénom, votre date de naissance, et la date et l’heure à laquelle je tire mon lait. Il faut coller les étiquettes sur chaque biberon, et ensuite les amener à la biberonnerie. Mon lait sera ainsi congelé et conservé, et mes enfants pourront en bénéficier lorsqu’ils commenceront à boire du lait maternel.
Je lis la notice de cette machine de guerre, je prépare un biberon, et j’installe l’espèce de ventouse sur mon sein droit. C’est un tire-lait électrique : dès que j’appuie sur le bouton, il fait un bruit bizarre de succion et en même temps de machine électrique. Mon lait s’écoule de manière peu abondante, mais il s’écoule tout de même. J’ai toutes les peines à remplir les petits biberons de la maternité. Tirer son lait est une sensation si impersonnelle et tellement solitaire. Je me force vraiment pour effectuer cette corvée : ça me donne l’impression d’être une vache à l’étable. Il va pourtant falloir renouveler cette horrible expérience au moins deux fois par jour : ça me déprime.
Sans que je m’y attende, de grosses larmes salées coulent le long de mes joues. Elles viennent se loger au fond de mes oreilles ou le long de mon cou. Je laisse cette vague de tristesse m’envahir. J’en ai besoin. Je vais pleurer jusqu’à ce qu’il n’y ait littéralement plus de larmes, jusqu’à ce que le mal de crâne apparaisse, jusqu’à ce que les soubresauts d’épaules s’amenuisent. Jusqu’à l’épuisement de tout mon être.
J’entends les pleurs des bébés dans les chambres d’à côté. Je suis toujours seule, sans mes bébés.
Jackie H hace 3 meses
Pour ce qui est du tire-lait, je dirai pour ma part que tant que ça ne fait pas mal, c'est déjà bien, c'est au moins ça de gagné 🙂. Ma fille n'était pas prématurée (heureusement), je l'ai allaitée et j'avais beaucoup de lait, donc j'ai eu moi aussi mon petit tire-lait à la maison, acheté en pharmacie 🙂.
Cependant je dois dire que les cinq premiers jours de l'allaitement ont été très durs... soif extrême, forte montée de lait (j'ai cru que mes seins allaient exploser) et mamelons très sensibles, la totale 😮 et s'il faut vivre tout ça sans ses bébés en plus, sans même percevoir directement et physiquement le sens de tout ça... ça doit être déprimant 😮🙁😥
Ajoutons encore le post-partum par-dessus tout ça pour compléter le tableau...
Gand Laetitia hace 3 meses
On ne parle pas assez de tout cela lorsque l'on accouche. Pourtant, ce n'est pas toujours facile... l'après on a des émotions intenses, on déprime, on pleure ou on rit selon le vécu. Pas connu le tire-lait mais j'avoue que l'idée déjà d'allaiter je ne me sentais pas à l'aise
Annaële Bozzolo hace 3 meses
Bonsoir Jackie,
C'est vrai que ça ne fait pas mal. Et comme vous dites heureusement!! C'est juste impersonnel, et la machine électrique est impressionnante. En tout cas c'est le souvenir que j'en garde!
Gand Laetitia hace 3 meses
Mon fils a eu la jaunisse aussi à la maternité, j'étais fatiguée, déjà 5 jours que j'étais là et c'était éprouvant de le voir sous couveuse, si petit et branché de partout... Je comprends. Aviez-vous vu un psychologue quand ça n'allait pas ?
Annaële Bozzolo hace 3 meses
Bonsoir Laëtitia,
Il y avait une psychologue qui passait régulièrement en néonatologie, près des couveuses. J'ai discuté parfois avec elle, mais sans suivi régulier. J'étais focus sur les jumeaux! Je conseille tout de même d'avoir un exutoire car on peut vraiment s'enfermer dans de mauvaises routines et culpabiliser sur du long terme (d'où l'écriture de ce récit de vie qui arrive un peu trop tard, j'aurais dû m'y atteler bien avant...!). Il faut pouvoir "s'échapper" de temps en temps afin de prendre un peu de recul sur la situation.
Gand Laetitia hace 3 meses
Oui l'écriture aide mais je n'y avais pas songé à l'époque et fatiguée, je pensais surtout à mon fils... J'ai vu une psychologue qui m'a aidé à m'apaiser.
Annaële Bozzolo hace 3 meses
J'ai écrit "En suspens" seize ans après la naissance des jumeaux, mais à l'époque j'avais acheté un carnet dans lequel je notais le poids de Cyrielle et Robin, les interventions des nounous ou des médecins, les visites, les avancées et les échecs, mes états d'âme... C'est grâce à ce carnet que j'ai pu alimenter mon récit. Et certainement que ce carnet m'a permis de tenir le coup?
Gand Laetitia hace 3 meses
Vous avez bien fait. Parfois, on trouve les réponses par nous-mêmes pour nous apaiser et nous sentir bien ou du moins mieux.