Les fenêtres d'en face (I)
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Les fenêtres d'en face (I)
UNE AURA SINISTRE
Une sorcière habite dans le rez-de-chaussée en face. Je le sais. On ne la voit que très rarement, qui vite-fait appelle son chat noir par la fenêtre, turban sur la tête, vite-fait re-disparait derrière ses rideaux en dentelle noirs. Son chat noir est un espion, ça aussi je le sais. Toute la journée je le vois, assis sur le rebord de la fenêtre, trop calme, trop observateur, trop perspicace pour un chat normal. Certains soirs, quand le chien n'arrête pas d'aboyer jusqu'au petit matin, je sais qu'elle concocte quelque chose de maléfique ; le chien aussi, il le sait. C'est pour ça qu'il aboie, même si on l'enferme dehors. Il a plus peur de la sorcière que de ses maîtres. Quand elle prépare quelque chose de particulièrement vilain, on entend un cri affreux dans cette nuit sombre, un cri strident d'enfant qui se lamente et se déchire le cœur, comme un esprit qui fend le vent et la nuit.
Je n'ai presque jamais vu le chez-elle ; il est toujours caché derrière ses rideaux. En revanche, la fenêtre d’en haut, on y voit un capharnaüm confus, des lampes baroques, des tapis orientaux, un tableau à dorure peut-être. À coup sûr, ce sont des voleurs professionnels qui ont dévalisé le salon privé d'un quelconque lord. C'est pour ça qu'ils ont choisi l'immeuble où habite une sorcière. Ils aiment son aura de perfidie.
Par contre, les enfants de la fenêtre à côté, ils disent qu'ils n'ont pas peur. Pour se rassurer de leur force et de leur courage, ils mettent du rap à fond dans le petit parking qui nous sépare, pour ne pas entendre la petite voix qui fait "vous êtes juste devant chez elle..." Non ils sont forts ouaish mec ils affrontent tout ouaish.
D'ailleurs, la mère d'à côté ne le supporte plus ; c'est pour ça qu'elle explose plus fort que la balle d'un pistolet. À force de recevoir les mauvaises ondes de sa voisine, forcément elle succombe à la mauvaise voix dans sa tête. Elle hurle, elle gesticule, elle fait fuir sa famille avec ses yeux dégondés de harpie folle, c'est vrai ! Une fois j'ai même vu le père sortir, par la fenêtre, avec ses deux filles sous les bras, comme des sacs de patates, les jeter dans la voiture et s'enfuir. Pendant ce temps, elle sortait une tête et un bras par la fenêtre guillotine. Des vagues rouges émanaient de ses yeux fous-furieux. Il fait bien de partir pendant que ses filles sont encore jeunes, avant qu'elles n'essaient d'approcher le chat, finissent par l'adorer et lui faire confiance. Il a du courage, de partir comme ça, sans savoir s'il sera poursuivi par les cris de cette effrénée jusque l'horizon. C'est digne d'un film. Je me contente d'en faire mon quotidien.