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Captain Fantastic (Matt Ross, 2016)

Captain Fantastic (Matt Ross, 2016)

Publicado el 19, jul., 2020 Actualizado 19, jul., 2020 Cultura
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Captain Fantastic (Matt Ross, 2016)

Voilà un film qui s'affiche écolo, altermondialiste et hippie baba-cool. De plus avec sa tribu bigarrée aux accoutrements originaux, on pourrait croire qu'il fait la part belle à l'enfance. Sauf que c'est une parfaite escroquerie. S'il fallait le qualifier je dirais qu'il est boursouflé d'orgueil, sectaire, patriarcal, phallocrate et d'une totale stupidité. Comme Whiplash de Damien Chazelle il investit un domaine que l'on peut considérer comme appartenant au champ du féminin pour le viriliser à l'extrême et ainsi le fasciser.

La première scène a suffi à m'inspirer un profond dégoût. Ben, un père néo-hippie à barbe de patriarche (Viggo Mortensen) adoube son fils aîné Bodevan (George MacKay) en lui faisant manger le foie encore chaud de l'innocent daim qu'il vient de tuer. Bien entendu le film n'a aucun recul sur cet archaïque rite de passage tribal, il s'agit juste de nous en mettre plein la vue. Voici ce qu'écrivait Gregory Mion à propos du livre "Il ne faut pas maltraiter les animaux" d'Antoine Fée "L'idée de meurtre symbolique des animaux culmine dans la coutume de l'adolescent qui, tuant son premier animal, peut enfin devenir un homme [...] Cela n'a aucune commune mesure avec le jeune animal qui doit apprendre à chasser pour continuer à vivre. Dans le contexte strictement humain d'une chasse rituelle, l'animal est abattu pour ériger son assassin, pour le confirmer sur le piédestal des hommes forts. Certes l'animal pourra être mangé [c'est le cas dans le film] mais qu'a-t-on besoin, en certaines occasions, de forcer l'enfant-tueur à ouvrir le ventre de l'animal et à lui faire manger un cœur ou un foie qui palpite encore de sa terrible agonie? [...] La mise à mort de l'animal est toujours susceptible de réveiller la démesure de ceux qui corroborent sa nécessité par tous les moyens."

Démesure, le mot est lâché. La suite le confirme, on est en plein délire mégalo. Les six enfants de la famille Cash ne sont jamais montrés comme des enfants, libres de jouer, de découvrir, d'expérimenter mais comme de braves petits soldats dont toute la vie est enrégimentée par leur gourou de père qui leur bourre le crâne à longueur de journée. Son objectif est celui de tous les régimes totalitaires: créer un homme nouveau et supérieur "nos enfants seront des philosophes-rois". Pour parvenir à ses fins, celui-ci a bien pris soin de les couper du monde, y compris de leur propre famille (grands-parents, oncles et tantes, cousins...) pour qu'ils ne soient pas "contaminés" par le modèle capitaliste-consumériste. Quant à la mère, "malade" et donc exclue depuis des mois du cercle familial, elle s'est opportunément suicidée laissant le père-messie dans son fantasme de toute-puissance. Le complexe de supériorité, le culte de la virilité et l'immaturité de ce dernier sont tout bonnement insupportables, qu'il exhibe sa nudité pour provoquer les passants, qu'il perturbe les obsèques de sa femme puis en profane la tombe (pour qu'elle manifeste dans son testament le désir que ses cendres soient jetées dans les toilettes c'est qu'il avait dû bien ruiner son estime d'elle-même), qu'il incite ses enfants à voler dans un supermarché, qu'il s'immisce (sous couvert de leçon de vie/de choses) dans leur sexualité ("quand tu fais l'amour à une femme, respecte-la même si tu ne l'aimes pas" ah ah ah!) ou qu'il fasse réciter aux plus jeunes la définition des amendements de la constitution américaine pour humilier son beau-frère, sa soeur et leurs enfants.

Il y a bien quelques éclairs de lucidité dans le film: quand le grand-père dit à Ben qu'il est la pire chose qui soit arrivée à sa famille, quand Bodevan son fils aîné lui dit qu'il ne sait rien à rien ou qu'un autre de ses fils Rellian (tous les enfants ont des prénoms improbables censés souligner l'anti conformisme des parents) lui dit qu'il a tué leur mère et a fait d'eux des monstres de foire. Mais cela ne dure pas. Les enfants rentrent vite dans le rang pour continuer à bêler en troupeau autour de leur Dieu-berger de père tout comme ce film en forme de prêchi-prêcha alter-bien-pensant qui s'il n'avait été si idéologisé aurait dû s'appeler "Captain Fanatic" et non "Captain Fantastic".

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