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13. La Légende de Nil - Jean-Marc Ferry - Livre I - Les Diamants de Sarel-Jad - Chapitre VI, 1

13. La Légende de Nil - Jean-Marc Ferry - Livre I - Les Diamants de Sarel-Jad - Chapitre VI, 1

Publicado el 13, mar, 2023 Actualizado 13, mar, 2023 Cultura
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13. La Légende de Nil - Jean-Marc Ferry - Livre I - Les Diamants de Sarel-Jad - Chapitre VI, 1

 

`Le vent soufflait du Nord-Ouest en brise constante, et c’était propice à un embarquement depuis les Terres volcaniques en direction de la Grande Île. Oramûn y ferait escale pour rallier ses trois frères et faire route avec eux jusqu’à Sarel-Jad. C’est en effet davantage qu’une île. Les étendues de Sarel-Jad ne sont pas considérées comme faisant véritablement partie de l’Archipel. Elles en constituent plutôt l’élément excentré, sorte de dépendance lointaine au statut indéfini, ni partenaire ni colonie, car Sarel-Jad n’abrite aucun peuple connu des gens de Mérode. Déjà Oramûn en rêve comme d’un sanctuaire. Il imagine dresser une ville en son centre, une Cité protégée, idyllique, conçue selon un plan bien réfléchi, afin qu’elle soit le lieu par excellence de la vie bonne. Allait-il pouvoir convaincre ses frères de le suivre ? Partageraient-ils ce rêve au point de partir à l’aventure en laissant derrière eux femme et enfants ?

Oramûn embarqua depuis les Terres volcaniques avec trois forgerons de ses amis, ceux-là même dont le concours avait été si décisif, lors de la glorieuse expédition grâce à laquelle ils avaient pu, avec son père, retourner en une nuit la situation en mettant fin à l’occupation. Ferghan attendait Oramûn au sortir de l’entretien. Il avait deviné que le fils de Santem n’aurait qu’une idée en tête : trouver Zaref et, pour ce faire, affronter l’inconnu, la mystérieuse Sarel-Jad, son désert et ses montagnes. Or, c’est ce dont rêvait Ferghan. Il regarda Oramûn comme celui qui allait lui offrir l’aventure, le hisserait à hauteur de Rus Nasrul, son père qu’il admire tant.

Arrivé à Mérov en compagnie de Ferghan et des trois forgerons, Oramûn parvint à convaincre deux de ses frères de le suivre. Il chargea son navire de vivres et de réserve d’eau en quantité. Ferghan lui suggéra aussi de prendre des armes : il avait vu Zaref s’apprêtant à battre en retraite en compagnie des Aspalans, et ces derniers étaient nombreux, pas loin d’une quarantaine. Il suppose en outre que Zaref avait eu recours à un guide, car un homme âgé les accompagnait, et ce n’est pas un Aspalan, plutôt un homme de l’Archipel. Cette information venait à propos. Dans son ardeur Oramûn n’avait pas pris garde à ce « détail » : il aurait lui aussi sans doute besoin d’un guide. Le tout est maintenant de savoir à qui s’adresser pour cela. Peut-être l’homme âgé dont Ferghan vient de mentionner l’existence saurait il indiquer un chemin de navigation pour parvenir à Sarel-Jad depuis Sarmande et y accoster même au meilleur endroit.

Mais si grande que fût son impatience de se rendre à Sarel-Jad aussi directement que possible, Oramûn dut reconnaître en lui-même qu’il serait mieux avisé de consentir un détour par Syr-Massoug. Peut-être Zaref s’y trouve-t-il. C’est en outre dans la capitale des Terres Bleues qu’il pourra se procurer les engins utiles, voire indispensables à une exploration de Sarel-Jad. Oramûn pense aux aéroglisseurs. Jusqu’alors ils ne sont pas accessibles aux particuliers, pas même les petits modules prévus pour deux passagers. L’Administration royale des Terres Bleues a le monopole de la mise en fabrication et de l’utilisation, au demeurant, en quantité réduite, car le coût en est élevé, et il ne s’agissait alors que de prototypes, pour ainsi dire, futuristes. Mais Oramûn compte sur Almira pour intercéder auprès du roi Ygrem, son beau-père. Sa sœur souffrait comme lui-même de la séparation, quel que soit son plaisir de vivre auprès d’Ols, dans un appartement princier, entouré de jardins dont de gros arbres pluricentenaires bordent les allées menant aux vergers, là où elle irait promener l’enfant qu’elle attend.

Chaque jour, à chaque heure de la journée, un bateau embarque depuis Mérov pour Syr-Massoug. Au capitaine du premier bateau en partance Oramûn remit un courrier scellé à l’intention d’Almira, pour l’aviser de sa venue proche ; une lettre où il lui annonce sans plus de précision son dessein de partir sur mer pour une destination lointaine. Dans cette lettre il explique combien la disposition de petits aéroglisseurs lui serait précieuse…

Ce fut Ols lui-même, l’époux d’Almira, fils d’Ygrem, qui fit mettre les engins à disposition d’Oramûn. Les aéroglisseurs étant biens publics, ils ne sont ni à vendre ni à donner. Mais il est possible de les concéder pour une durée déterminée. Oramûn se sentit rempli de gratitude pour son beau-frère. Il revécut une émotion comparable à celle qu’il avait éprouvée, étant enfant, lorsque son père lui avait fait la surprise de deux poneys pour lui seul. Les aéroglisseurs offrent l’allure de disques étirés dont le capot arrière couvre deux turbines de propulsion. Au centre, les emplacements des passagers prévoient une position allongée suffisant à leur assurer une visibilité à l’extérieur. Sur le pourtour latéral du « disque », les phares alternent avec des sorties pour les fusées de direction et de rétropropulsion. Le tableau de bord présente un cadran de commandes pour les turbines et les fusées. La surface supérieure est recouverte de plaques thermo-solaires destinées à alimenter un système de vingt-sept batteries rangées par douze, sous les capots latéraux, plus trois à l’avant. Il s'agit toutefois d'une alimentation indirecte. Les plaques solaires n'agissent en effet directement que pour assurer une impulsion régulière à un système d'aimants réfractaires dont l'agencement réalise un effet rotatif d'autant plus efficient que les pièces en rotation ne sont pas en contact, de sorte qu'il n'existe à peu près aucun frottement, et donc presque aucune perte d'énergie. Le flux régulier des impulsions électriques initiales induit une accélération rectiligne des systèmes d'aimants répulsifs, tandis que par un effet de démultiplication progressive de ces systèmes on parvient à réaliser en bout de chaîne des rotations extrêmement rapides. Le but est d'alimenter au mieux les batteries, sans toutefois les solliciter en continu. Aussi la mise en service de ces dernières est-elle programmée de telle sorte qu’elles se déchargent successivement trois par trois en relai incessant : les batteries déchargées se rechargent pendant que les autres, trois par trois, prennent leur tour. Les industriels Nassugs étaient certes parvenus à des résultats remarquables dans la miniaturisation et l’autonomie des batteries. Mais le temps de recharge est encore sept fois plus long que le temps de décharge, et le système a donc dû être calculé — avec une sécurité en plus — pour que les engins ne puissent en principe se trouver en défaut d’alimentation.

Ols est presque autant désireux qu’Oramûn de faire l’essai des aéroglisseurs. Ils prirent chacun le sien pour effectuer de conserve un parcours de test, au long du quai portuaire, aller et retour. En s’extrayant de leur engin ils sont transportés par la performance : vitesse et maniabilité. Ols invita ensuite Oramûn à dîner chez lui, en intimité, avec Almira, et ce fut aussi pour Oramûn l’occasion de confier sa préoccupation majeure : retrouver Zaref. Ols écoutait, tête penchée, le récit d’Oramûn. Il réalisait l’importance de l’enjeu, s’il est vrai que Zaref poursuit l’élimination de Santem et de toute sa famille : Almira aussi, et l’enfant qu’elle attend, sont par conséquent menacés. Instinctivement, il se rapprochait de son épouse, passa son bras autour d’elle pour la presser doucement contre lui. Il ne veut surtout pas la perdre. Il va envoyer des agents pour enquêter secrètement à travers Syr-Massoug et en particulier dans les quartiers interlopes. Les enquêteurs devront lui rapporter tout ce qui leur paraîtrait étrange, de quoi qu’il s’agisse. Lâchant subite­ment les épaules d’Almira, Ols se redressa sur sa chaise en fixant son beau-frère :

— Peux-tu, Oramûn, retarder ton départ d’une semaine franche ? Je veux envoyer des enquêteurs avec mission de me rapporter, d’ici à une semaine jour pour jour, tout fait insolite dont ils auront eu connais­sance à Syr-Massoug ; et, si possible, qu’ils mettent la main sur Zaref, le maudit ! Il se pourrait bien, en effet, qu’il se cache dans les quartiers du port, là où une économie parallèle se nourrit de trafics criminels. Mon père veut y mettre bon ordre. Il a consulté des sages. Ceux-ci ne s’accordent pas sur les voies politiques à suivre. Almira et moi étions présents aux discussions du Conseil. Mon père réfléchit. Il tourne ses pensées vers des solutions de profondeur. Je crois qu’il rêve de reconstruire Syr-Massoug suivant un plan original. Mais voit-il l’urgence de dispositions de police ? Nous avons du moins des informations utiles. Les rapports d’enquête nous permettent de ne pas chercher à l’aveugle. Je solliciterai de mon père l’autorisation de recourir aux enquêteurs qu’il a mandatés pour instruire ces rapports. Si tu consens à ce plan, peux-tu convaincre tes frères et tes compagnons de demeurer à Syr-Massoug quelques jours encore ? Ils n’auront pas à regretter ce séjour.

Oramûn se détendit. Il appuya son dos sur le dossier de sa chaise, regarda vers la terrasse qui donne sur le parc, devinant les deux visages tournés vers lui, celui d’Almira et d’Ols pour qui il sentait sa sympathie grandir :

— Nous resterons sept jours francs à Syr-Massoug, à partir de demain. Je souhaiterais parler aux enquêteurs avant qu’ils ne prennent leur mission. Est-ce possible ?

Ols se sentit soulagé :

— Alors nous irons ensemble rendre visite à mon père.

— Bien entendu ! Je comptais le voir avant mon départ et lui transmettre le salut amical de mon père.

Ils prirent congé pour aller dormir. Oramûn ne trouvait pas le sommeil, malgré la fatigue. Il pensait à Zaref. Il doit entrer dans le personnage de son ennemi. Zaref n’est pas un criminel comme les autres, se dit-il. Il n’est pas non plus un guerrier. C’est un politique et il est mon ennemi. Je dois penser comme lui. C’est une peine de devoir comprendre celui envers qui on aimerait laisser monter la haine. Comment la surmonter ? Oramûn est sage. Cela n’empêche pas la passion. Mais il devait la convertir en raison et, pour cela, entrer en empathie avec son ennemi mortel…

Puis, comme par l’effet d’une grâce, Oramûn se rappela le geste d’Ols pour saluer l’accord pris de différer le départ initialement prévu pour Sarel-Jad. Levant son verre, le fils d’Ygrem avait ainsi célébré le vin :

— Il provient de ton pays ; non pas de la Grande Île, mais des coteaux d’Is. C’est mon vin préféré.

Et tandis qu’Oramûn évoquait la robe pourpre du vin des coteaux d’Is, il pensait à Yvi

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