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Neuf
Agathe
5 janvier 2025, 10h05
Aujourd'hui c'est dimanche. C'est donc mon jour de repos. J'ai toute la journée pour faire ce que je veux et ça m'arrange. J'ai décidé de faire tout ce que je peux aujourd'hui pour obtenir l'adresse de Mathilde Barnet. Inutile de retourner à la mairie. Non seulement elle sera fermée et puis je doute que sa soeur veuille bien me donner son adresse après ce que je lui ai dit hier. Elle doit me prendre pour une folle. J'ai donc dû opter pour une autre stratégie : je vais aller sonner aux portes. Isola 2000 est un petit village et j'imagine que les habitants à l'année sont peu nombreux. Il me suffit donc de trouver quelqu'un qui vit ici et qui connaisse Mathilde Barnet, ce qui doit être assez facile. Après tout ils doivent être quoi? Mille habitants à l'année ? Et encore...
Je décide donc en sortant de l'auberge de me diriger vers la première maison que je trouve sur ma gauche. C'est un petit chalet dont les pierres et le bois doivent dater d'il y a plus de cent ans. Je le trouve plutôt joli. Très authentique dans son architecture et il a un petit côté "petite maison dans la prairie" qui me fait sourire.
Je m'apprête à appuyer sur la sonnette mais je suis surprise de découvrir à la place une petite cloche en métal rouillé que je fais sonner à trois reprises.
Au bout d'une bonne minute, un homme qui doit être au moins septuagénaire m'ouvre et me regarde d'un air agacé.
-Quoi ? Déclare-t-il d'une voix si violente et soudaine que ça me fait sursauter.
-Je... Bonjour, je commence en me raclant la gorge et en essayant de prendre un air aussi normal que possible pour ne pas qu'il remarque que son air aigri et son ton violent m'ont quelque peu impressionnée.
-Désolée de vous déranger, je reprends d'un ton plus calme. J'aimerais savoir si vous connaissiez une certaine Mathilde Barnet, elle habite dans le village. J'ai rendez-vous avec elle mais je me suis perdue...
Il fronce les sourcils, ses traits s'endurcissent.
-Vous êtes qui ? Demande-t-il plus sèchement.
-Euh... Moi? Euh je suis Ag-Am... euh Amélie Robert, j'invente. Je suis Kinésithérapeute à domicile.
Mince ! Qu'est-ce que je raconte ? Je suis super jeune pour être kiné et si ça se trouve il connaît assez bien madame Barnet pour savoir qu'elle n'a pas besoin d'un médecin. Pourquoi j'ai dit ça? Mon visage perd toutes ses couleurs et je crains qu'il le remarque.
A ma grande surprise, il ne répond pas mais se contente de rire.
-Vous... Vous la connaissez, donc ?
Il se met à rire si fort que je sursaute pour la seconde fois en moins de deux minutes.
-Mais oui enfin ! Vous vivez dans une grotte ou quoi ? Tout le monde connaît madame Barnet. Après ce qu'il lui est arrivé... C'est passé aux informations pendant des mois... Pauvre femme...
Il baisse les yeux. Pour la première fois depuis le début de notre conversation je peux voir de l'émotion dans ses yeux.
-Vous savez où je peux la trouver donc ? Je demande.
Il fronce les sourcils à nouveau et semble étonné de ma question. Comme si la question que je venais de lui poser était la chose la plus stupide qu'il n'ait jamais entendu.
-Vous déconnez ? Rassurez moi.
Il semble contrarié.
Je ne réponds pas. Que puis-je bien répondre à ça ?
-Donc vous savez où elle habite ?
Cette fois-ci, il semble troublé et ne rit plus du tout.
-Mais enfin madame, Mathilde est décédée et il y a longtemps de ça, assassinée. Vous ne l'avez pas vu à la télévision?
Alors là. Je m'attendais à tout sauf à ça. Comment ? Pourquoi sa soeur ne me l'a-t-elle pas dit la veille ? Je ne comprends plus rien.
-Elle est... morte ? Je demande à nouveau pour m'assurer que j'ai bien entendu.
Il semble agacé.
-Bah oui elle est morte, je dois vous le dire en quelle langue. Elle a reçu une balle en plein coeur vous voulez plus de détails aussi ?
Je secoue la tête.
-Mais son fils...
-Son fils ? Répète-t-il. On ne l'a jamais retrouvé... On pense que le meurtrier l'a tué aussi...
Ces mots m'atteignent comme un coup de couteau dans la poitrine. Mon coeur bat la chamade. Je deviens blanche et manque de tomber dans les pommes.
L'homme se radoucit.
-Vous allez bien mademoiselle ?
Je me contente de hocher la tête.
-Merci, je dis avant de retourner vers l'auberge en tremblant.
Le vieil homme me regarde partir, l'air hébété.
***
Marie
Tous les jours c'est la même routine.
Je dois me lever à 6h, préparer le petit-déjeuner. Puis, je lève l'enfant, le porte jusqu'à la table. Je lui sers la même chose tous les matins : une compote et un verre de jus d'orange. Ce matin il ne semble pas en forme. Il ne m'adresse aucun regard, bien que l'autre ne soit pas là. Je vois tout de suite que quelque chose ne va pas, cependant, ça devient récurrent ces derniers jours. Ou plutôt ces derniers mois...
Pour lui remonter le moral je lui demande s'il veut jouer aux dames avec moi après le petit-déjeuner. Or, s'il était ravi de notre partie la veille, aujourd'hui il semble contrarié et n'a pas l'air de vouloir jouer.
En effet, généralement vers huit heures nous faisons un jeu, puis nous regardons la télévision jusqu'aux environs de dix heures. Ensuite, je lui fais lire et écrire pendant que je prépare à manger. L'enfant aime apprendre, et voir sa satisfaction lorsqu'il termine une dictée sans faute est la chose la plus réconfortante. Bien que, rien de cet environnement ne soit réconfortant.
En fait c'est très lugubre même. Nous vivons à trois dans un van au milieu d'une forêt, cachés par des tas de feuilles. Il n'y a rien de très romantique à cela. Surtout que je n'ai le droit de sortir qu'une fois par jour, une heure pour aller faire les courses dans le village le plus proche. L'enfant lui n'a pas le droit de sortir du tout. Je lui interdis. Enfin, c'est plutôt l'autre qui l'interdit. Mais je dois respecter les règles. Je n'ai pas le choix. Bien que ça me fende le coeur de voir cet enfant enfermé toute la journée à rêver de ce que peut être ne serait-ce qu'une ballade dehors...
A midi pile nous mangeons. Ce midi encore, l'enfant ne touche pas à l'assiette. Je débarrasse et je jette.
L'après-midi nous aimons faire encore des jeux et lorsqu'on a de la chance on a assez de nourriture pour faire un gâteau alors nous y travaillons toute l'après-midi pour le manger au goûter. Enfin, en soirée, nous faisons des activités manuelles et des mathématiques ensembles jusqu'à dix-huit heures trente cinq. Pourquoi cette heure en particulier ? Et bien parce que c'est à cette heure précise tous les soirs que l'autre revient. Et lorsqu'il revient tout ce qui a pu me provoquer un peu de plaisir dans la journée disparaît pour laisser place à l'adrénaline. Tout doit être nickel avant qu'il arrive, tout. Je dois aussi lui avoir préparé son verre et sa bière posés sur la petite table de nuit avec un petit bol de cacahuètes sans sel. Je dois cacher l'enfant car il n'aime pas l'avoir dans les pattes. Alors, je dis à l'enfant d'aller dans sa chambre qui est en fait le poste de conducteur du van. Je lui ai installé des couvertures et des BDs. La "pièce" n'est pas visible grâce à un rideau noir. En revanche l'enfant entend tout et je le sais. Il me l'a dit.
Lorsqu'il entre ce soir, comme tous les soirs, il me scrute d'un regard froid, vérifie que rien n'ait bougé au niveau des fenêtres, que tout soit correctement bouché pour ne rien voir du monde extérieur. Il vérifie que son bol de cacahuète et sa bière soient bien présents, puis il s'installe au milieu du lit et regarde la télévision jusqu'au repas. Le repas nous le prenons à deux. L'enfant n'a pas le droit d'y participer. Je lui donne son assiette qu'il mange seul dans sa chambre. Puis, à vingt-deux heures si tout va bien, je vais me coucher à côté de l'autre, du côté gauche et je tente tant bien que mal de fermer les yeux.
Cependant, si quelque chose ne va pas. Si j'ai le malheur de cuisiner un repas qui ne convient pas, d'avoir pris des cacahuètes salées ou encore de ne pas avoir fini de tout nettoyer alors je sais que la nuit va être très dure. D'abord quelques coups, puis des menaces. Ensuite il me désigne le tapis au pied du lit. Où je dois passer la nuit, tel un chien. "Sale chienne", c'est comme ça qu'il aime m'appeler. Alors selon lui, ce tapis est la seule place que je mérite.
Un jour j'ai eu le malheur de sortir plus longtemps que les une heures imposées pour faire les courses car il y avait énormément de queue au supermarché. Ce jour là j'ai pris très cher. Il sait quand je rentre dans le van et quand j'en sors. Il a mis un système de détection sur la porte et des caméras de partout.
Lorsque j'essaie de m'endormir je songe à l'enfant. Je sais pourquoi il était triste aujourd'hui. Ou plutôt pourquoi il est tout le temps triste en ce moment.
Tous les jours depuis des mois il me demande de sortir et je lui dis non. Il veut voir le monde extérieur, le même qu'il voit à la télévision, et même si ça me fend le coeur, je lui dis non. Parce que si l'autre s'aperçoit qu'il est sorti avec moi, ce sera terrible, terrible pour moi, certes, mais surtout terrible pour lui. Et bien que ce ne soit pas mon enfant, je l'aime comme tel.
Il est ma seule consolation, la seule chose qu'il me reste. Le seul point positif de ma vie. Je ne veux pas que l'autre s'en prenne à lui.
***
Paul
Un mois avant la disparition...
Une journée banale. Un vendredi habituel. Des cours de huit heures jusqu'à dix-huit heures qui te font mal à la tête. La prof de maths qui t'engueule parce que t'as pas fait son exercice. Mais toi tu t'en fous. T'aimes pas les maths. Qui peut aimer les maths ? Ah oui, ta petite soeur, c'est vrai... Tu te demandes comment elle fait. Passage à la cafétéria ce midi. Tu n'as pas très faim, tu prends un sandwich jambon beurre que tu avales en trois bouchées. Ton pote Jules est avec toi, il s'est encore pris trois sandwichs pour lui tout seul. Un vrai ventre sur pattes... Vous parlez filles, jeux vidéos, cartes Pokémon et bien sûr Urbex, votre passion. Après la pause retour en cours. Physique puis philosophie. Tu n'es pas concentré, comme tu ne l'es jamais en fait. Surtout l'après-midi. Vers 18h30, tu arrives chez toi et tu fonces dans ta chambre. Tu salues au passage ta mère et ta petite soeur qui sont dans le salon. Tu lis un peu, joue un peu à Minecraft sauf qu'à un moment donné t'en as marre donc tu regardes les messages sur ton téléphone.
Jules:
On sort ce soir ?
Toi:
Je sais pas, ça va être compliqué de m'échapper sans que ma soeur m'entende.
Jules:
Attend qu'elle dorme non ?
Toi:
Je vais voir, je te dis.
Jules:
D'acc
Vers 20h, on t'appelle pour manger. Tu y vas sans discuter. Peut être qu'en agissant ainsi, ils te laisseront tranquille et ce sera plus facile de t'échapper plus tard. Une fois ton repas terminé, tu regardes le match de foot avec ton père : France contre Pays-Bas. Ton père hurle de joie lorsque Mbappé marque le premier but. Toi, tu l'observes en riant. Le match se termine vers 23h, vous avez gagné 3-0. Tu montes dans ta chambre, dis bonne nuit à tes parents. Tu éteins ta lumière vers 23h3à pour ne pas attirer des soupçons. Tu attends que le silence règne, puis, vers minuit dix, tu prends ton courage à deux mains et ouvre ta porte.
Tu descends pas à pas chaque marche sur la pointe des pieds. Tu as vérifié et la chambre de ta soeur est bien éteinte. Dans le pire des cas, tu feras genre que t'allais juste chercher un verre d'eau.
Tu continues d'avancer tout en sursautant à chaque fois que tu entends un léger craquement. Heureusement, ce n'est rien. Juste les murs qui craquent, à cause du vent sûrement. Tu sors tes clefs de ta poche et ouvre doucement la porte. Tu attends quelques secondes. Le silence règne encore.
Tu prends ton courage à deux mains et sors dans le froid en prenant garde à bien refermer la porte derrière toi. Exactement comme elle l'était. Puis, tu détaches ton vélo de sa chaîne et tu files vers le centre ville.
Tu ne croises que quelques voitures sur ton chemin et heureusement, ce ne sont que des inconnus.
Jules t'a donné rendez-vous à votre endroit habituel : le Pritz. Un bar dansant en centre ville. Il y aura aussi ton pote Bastien. Une fois arrivé, tu gares ton vélo au coin de la rue et marche en direction du bar. Les rues sont vides et le seul bruit qu'on entend est celui de la musique du Pritz. C'est dans ces moments-là que tu te rends compte que tu vis dans une ville de vieux. Tu as hâte de partir faire tes études. Tu les feras sûrement à Nice mais tu hésite encore avec une école de commerce à Lyon.
Tu viens saluer tes potes que tu aperçois au loin. Jules a mis une chemise blanche pour l'occasion. Bastien lui, est habillé comme tout le temps, c'est à dire en short de sport et maillot de foot; Il y a d'autres personnes à côté d'eux. Des mecs qui ont l'air d'avoir la vingtaine. Un rouquin un peu gros, un blondinet très grand et un autre aux cheveux bouclés.
-Hey bro ! Te lance Jules.
-Salut Paul ! Dis Bastien.
Tu leur rend leur salut. Jules voit que tu dévisages les autres gars qui ont l'air de parler une autre langue mais tu ne sais pas laquelle.
-Ah oui, j'ai oublié de te dire. On a rencontré ces gars tout à l'heure sur le chemin avant que t'arrive. Ils sont allemands et ils sont grave cool, ils cherchaient un endroit pour sortir ce soir alors je leur ai proposé de venir.
Un de ces gars, le rouquin avec des tâches sur tout le visage s'approche justement de toi et te tend la main.
-Bonjour, je m'appelle Kevin, dit-il d'un accent très prononcé.
-Salut! Tu réponds.
Puis avant que les deux autres ne puissent s'exprimer il ajoute :
-Et ça c'est Emmerich. Il désigne le gars aux cheveux bouclés.
Emmerich s'approche et me sert la main.
Enfin, le blondinet ose s'approcher et lance d'une voix plus timide, presque rauque :
-Moi, c'est Jonas. Jonas Hohenberg.

