L'averse naissante, alliée à la proximité de nos ennemis, électrise l'atmosphère.

Pendant qu’on réalise l’ampleur du danger qui va s'abattre dans les prochaines secondes, le fond du groupe s’agite. Shailly lâche une de ses béquilles puis fouille précipitamment sa poche.

_ Shailly : “ Tiens ! Garde les fermement dans ta main ! “

_ Maïko : “ Hein ? Mais ? Pourq… ”

_ Shailly : “ Fais-moi confiance !! “

Sous pression, Maïko exécute machinalement malgré sa confusion.

Parallèlement, des grognements intenses se font entendre. La chasse est imminente.

Je prends une profonde inspiration, puis tourne ma tête vers mon groupe, la détermination ainsi que l'adrénaline gravées dans mes traits.

_ Ayden : “ COUREZ !! “

L’alerte déclenchée, tous se précipitent, s'immisçant dans un labyrinthe de feuillage. Des lianes épaisses et noueuses pendent des branches les plus hautes, tandis que la mousse humide recouvre le sol.

Tous, sauf une.

Shailly, appuyée sur sa dernière béquille, reste stoïque, la mâchoire crispée. Mais dans un contraste saisissant, ses yeux brûlent d'une flamme intérieure.

_ Son : “ Qu’est-ce qu’elle fiche ?? “ dit-il, prolongeant sa course, la tête tournée

_ Maïko : “ FAITE LA CONFIANCE !! “ hurle-t-elle, poussant de ses mains son camarade du dos, l’incitant à ne pas freiner sa course

Par cette étonnante diversion, elle attire naturellement deux des trois hyènes. Cependant, la troisième prend l’initiative de nous pourchasser. Sans perdre de temps, je réfléchis à un moyen d’augmenter nos chances de survie, tout en analysant mon environnement.

_ Son : “ C’est abusé comment elle cavale ! “

_ Hazel : “ Elle va clairement nous rattraper ! “

_ Ayden : “ Séparons-nous en 3 groupes ! Elle n’aura pas le choix de prendre une décision ! “

Un regard furtif me vise.

_ Maïko : “ Tu veux que l’un de nous se jette en pâture !? “

_ Kaya : “ FERME-LA ET EXÉCUTE ! “

Dans la précipitation et de manière naturelle, des groupes se forment puis se séparent.

Accompagné seulement de Kaya, un chemin légèrement débroussaillé se présente sur notre flanc droit. Puis, surgissant à quelques mètres derrière nous, une troisième personne inattendue se joint à la course : Edna. Courant à toute allure, elle dévale également sur notre chemin. Malheureusement, étant la plus proche de la hyène, cette dernière décide de la prendre en chasse, et par conséquent, de nous viser également.

Successivement, de l’autre côté, une aura magnétique enveloppe légèrement le corps de Shailly, prévenant d’une potentielle action.

_ Shailly : “ Moi aussi je vais aider l’équipe ! Blessée ou non ! “

À quelques enjambées de la gueule béante des prédatrices dégoulinantes de salive, Shailly abandonne sa dernière béquille. Sur une jambe, elle tient quelques secondes, puis, dans un élan de désespoir, elle intensifie sa Source. Avant l'impact, elle se téléporte in extremis auprès de Maïko, déjà éloignée, du côté gauche.

_ Maïko & Son : “ Shailly !! “

L'intensité de la téléportation, sollicitant tout son corps, rouvre la cicatrice de sa cuisse.

_ Maïko : “ T’es pas bien d’avoir fait ça ?! “ dit-elle, tentant de redresser tant bien que mal son amie

La principale concernée reste muette, mordant ses lèvres pour étouffer sa souffrance, les paupières fermées.

_ Son : “ Tiens là encore deux secondes le temps qu’elle monte sur mon dos ! “

_ Maïko : “ D’accord ! “

_ Son : “ Heureusement cet animal nous a ignorés. “

_ Maïko : “ Oui mais les deux autres ne vont pas tarder non plus. “

_ Son : “ Oui, dépêchons-nous ! “

La blessée enfin portée au dos, la course reprend dans l’immédiat.

De notre côté, la hyène, ombre menaçante, se rapproche à chaque instant, transformant notre fuite en un véritable cauchemar.

_ Ayden : “ D’après M.Blaike, les grottes ne devraient plus être loin… “

Promenant mes yeux de droite à gauche, espérant tomber sur un quelconque élément, mon regard se concentre sur un point en particulier.

_ Ayden : “ Un… talus ? “

Les secondes, étirées à l'infini, se transforment en minutes de supplice. Mon endurance, mise à rude épreuve, commence à faiblir, tandis qu'une chaleur accablante me fait douter de ma capacité à poursuivre.

_ Ayden : “ C’est normal cette chaleur ? C’est car je m’essouffle ? “

Puis, je scrute l’horizon sur notre chemin.

_ Ayden : “ Ou alors… “

_ Kaya : “ Là ! La grotte ! “

La grotte vient à point nommé. Dans un dernier sursaut d’énergie, nous nous hâtons vers elle, mais elle se révèle étrangement petite. En effet, à première vue, elle mesure moins d’un mètre. Dans le feu de l’action, nous nous hissons vers son entrée minuscule. Un simple trou dans la roche, un refuge improbable, mais théoriquement suffisant pour échapper aux crocs de la hyène au vu de son gabarit.

Accroupis dans ce trou, nous observons de près Edna et la hyène à quelques pas. Consciente qu'un arrêt brutal lui serait fatal, elle tente une glissade désespérée dans notre trou, facilitée par la pluie, mais sa jambe racle le sol en conséquence.

L’instant qui suit, la bête s'arrête net, bloquée par l'étroitesse du passage. Un soupir de soulagement m'échappe. Mon hypothèse était juste.

_ Kaya : “ T’es culottée de… te pointer ici… “ dit-elle, essoufflée

_ Edna : “ Boucle-là… Ça ne… m’enchante pas non plus… “ dit-elle, également essoufflée

_ Ayden : “ Bon… Et maintenant ? “

De l’autre côté, Son, Maïko et Shailly arrivent également dans l’antre d’une grotte, chacun surpris par sa taille.

_ Son : “ Sérieusement c’est ça leur grotte ? Ce n’est qu’un vulgaire trou ! “

_ Maïko : “ Je savais qu’il ne fallait pas faire confiance au vieillard ! “

_ Shailly : “ Calmez-vous… Je pense que ces animaux ne pourront pas nous atteindre… “

_ Maïko : “ Arrête de parler ! Déjà, on doit recouvrir ta plaie. “

_ Son : “ Les kits de soins sont dans le sac de Kona. “

Des yeux se lèvent au plafond. La jeune fille, frustrée, grimace.

_ Maïko : “ Putain de merde ! “

_ Shailly : “ Ça va aller… Je peux encore tenir le rythme. “

Dans le tumulte de la pluie, les pas de l’animal résonnent, amplifiés par les flaques d'eau. Son souffle chaud se mêle à l'air humide tandis qu'elle s'approche, gueule béante. À cette venue, le cœur des enfants palpite davantage, pris au piège. Cependant, l’animal s’immobilise après quelques mètres, offrant aux enfants un répit inespéré.

Un léger sourire se dessine par la suite.

_ Shailly : “ Tu vois… Je… t’avais dit quoi ? “

Maïko la regarde en retour sans dire un mot, juste enragée par la situation actuelle.

Parallèlement, Hazel et Kona, également dans une grotte, observent attentivement la dernière hyène se rapprocher d’eux, et, comme ses congénères, se stoppe.

_ Hazel : “ C’est bien ce qu’il me semblait, nous sommes en sécurité. “

_ Kona : “ Oui mais pour combien de temps ? “

_ Hazel : “ Je l'ignore mais je réfléchis à ce problème. “

Un soupir s’échappe peu après.

_ Kona : “ J’espère que tout le monde va bien… “

De mon côté, prisonnier avec les filles, je me remémore toutes les informations récoltées durant notre fuite. Mais ma concentration se dissipe à l'écoute du grognement de cette fichue hyène.

_ Kaya : “ C’est bien beau tout ça mais on n'est toujours pas tiré d'affaires. “

Faute d’alternative immédiate, je rentre mes mains dans mes poches, résolu à agir.

_ Ayden : “ J’ai deux moineaux en ma possession. Je compte faire diversion avec. Une fois la hyène appâtée, on pourra sortir. “

Des yeux s’écarquillent aussitôt.

_ Kaya : “ Mais… ils sont morts ?! “

_ Ayden : “ Oui. “

Toujours les yeux écarquillés, Kaya me fixe.

_ Kaya : “ Ayden… Pourquoi t’as des moineaux dans tes poches ? “

_ Ayden : “ Je les ai tués. “

_ Kaya : “ … Pourquoi ? “

Je plonge mes yeux dans les siens, mon regard débordant de détermination.

_ Ayden : “ Si ça peut me permettre de survivre, alors je ne vais pas hésiter. “

Je lâche ma réponse sans aucune pression. Visiblement choquée par mon propos, elle se contente de me fixer, le visage à la fois abasourdi et apeuré.

À peine ma phrase finie, Edna me prend par le col.

_ Edna : “ Putain si ça s’trouve depuis le début elles sont attirées par ta faute ! “

_ Ayden : “ Tu as bien entendu l’autre Reclu tout à l’heure, il nous a piégé avec sa Source. “

_ Edna : “ Peut-être mais sans son intervention tu nous aurais condamné tôt ou tard. “

Impassible, je la défie du regard.

_ Ayden : “ Je n'ai pas de leçons de morale à recevoir de quelqu'un qui a achevé Jenna. “

Un étonnement bref mais furtif se lit sur son visage.

_ Edna : “ Jenna ? C’est qui ? J’étais évanouie pendant notre bataille. “

Puis se remémore leur retrouvaille.

_ Edna : “ Maintenant que j’y pense, ils ne sont pas au complet. “

Un visage inexpressif se révèle alors.

_ Edna : “ Laisse-moi deviner, c’est Memba le meurtrier ? “ dit-elle, le ton étrangement calme

_ Ayden : “ Qu’est-ce-que ça peut foutre ? Les faits sont là. “

Elle me lâche le col puis détourne le regard.

_ Edna : “ Putain quel con ce Memba. “

Le paradoxe de ses propos nous laisse perplexe. Cet agacement envers Memba, son ancien compagnon d'arme, est incompréhensible.

_ Edna : “ Bref, c’est quoi ta strat alors ? “

Malgré ma curiosité piquée, je privilégie avant tout notre évasion, principale priorité au vu du temps qui défile.

_ Ayden : “ Tout d’abord, lancer le premier moineau le plus loin possible de notre position pour faire diversion. Ensuite, une personne court en sens inverse avec le second moineau pour servir d'appât. “

Une mâchoire se serre.

_ Kaya : “ C’est absurde ! Tu as conscience de ce que tu dis ?? “

_ Ayden : “ Ne t’inquiète pas. Pendant qu’on courait, j’ai observé un terrain en pente, une sorte de talus à l'ouest qu’on peut escalader. “

_ Kaya : “ Et alors ? “

_ Ayden : “ À mi-hauteur, ces hyènes ne peuvent pas nous atteindre. Elles sont trop corpulentes. À partir de là, l’appât lancera le second moineau et pourra fuir. “

Un énorme soupir se profile, me voyant très sérieux dans ma stratégie.

_ Kaya : “ T’es un grand malade. “

_ Ayden : “ Face au cannibale ça a pourtant bien marché. “

_ Kaya : “ C’est différent ! Maintenant tu nous demande de jouer l’appât ! “

Je la regarde droit dans les yeux.

_ Ayden : “ Qui a dit que ce serait vous ? Je vais jouer l’appât. “

_ Kaya : “ T’es sérieux ? “

Avant de poursuivre, je me redresse avec difficulté dans cet antre étroit, me préparant à l’action.

_ Ayden : “ C’est ma stratégie, ma responsabilité. Pendant ce temps-là, vous profiterez pour fu… “

Soudain, une main tendue se dessine sous mes yeux.

_ Edna : “ Passe. “

Puis je redresse ma tête, légèrement surpris.

_ Ayden : “ Comment ça ? “

_ Edna : “ Joue pas au con avec moi. Passe le moi. “

_ Ayden : “ Je peux gérer moi-même. “

_ Edna : “ Ah oui ? Et si la première diversion ne marche pas et qu’il te rattrape, tu vas faire comment ? “

Connaissant déjà cette probabilité, mon avis reste inchangé. Ceci-dit, cette même phrase m’interpelle.

_ Ayden : “ En quoi ça te dérange ? Ce n’est pas comme si tu allais te soucier de ma mort, je me trompe ? “

Un sourire se dégage.

_ Edna : “ C’est vrai, j’en ai rien à foutre si vous crevez. Mais survivre grâce aux directives de quelqu'un d’autre ? Certainement pas. Quitte à agir, ce sera à ma manière. “

_ Ayden : “ ... ”

_ Edna : “ De toute façon, je suis plus athlétique que vous tous. Il n’y a que moi pour réussir ta strat à la con. “

Je descends légèrement mon regard, observant les stigmates qu’elle porte.

_ Ayden : “ Tu es pourtant bien amochée. “

_ Edna : “ Boucle-là, passe-moi ta merde et cassez-vous de ma vue. “

Résignée dans sa motivation, je ne m’obstine pas, et lui donne le moineau.

Dans le même temps, dans l’autre refuge, la hyène bave à quelques pas du groupe de Son, les crocs aiguisés, n’attendant que le moment de commencer son repas. Chacun cherche une solution, en vain.

_ Son : “ Je fais pitié ! Je suis incapable de trouver une solution dans ces moments-là ! Ayden et Hazel, eux, auraient trouvé ! “

Puis, regarde les filles du coin de l'œil.

_ Son : “ J’ai fauté avec Jenna, il est hors de question que ça recommence ! “

Le poing se serre.

_ Son : “ Allez réfléchis, réfléchis, réfléchis, réfléchis ! “

Peu après, une idée traverse son esprit. Il regarde immédiatement les filles.

_ Son : “ Maïko ! “

_ Maïko : “ Oui ? “

_ Son : “ Tu as toujours avec toi le sifflet de Ayden ?? “

_ Maïko : “ Le sifflet ? “

Elle fouille dans toutes ses poches, réfléchissant aux événements passés.

_ Maïko : “ J’ai complètement oublié de lui redonner son sifflet maintenant que j’y pense. Normalement, il devrait être… “

Un sifflet sort de l’ombre.

_ Maïko : “ Trouvée ! “

_ Son : “ Parfait ! Ayden m’a raconté votre première exploration. On pourrait s’en servir pour les attirer ! “

_ Maïko : “ Ah oui exact ! “

Voyant une lueur d’espoir se dessiner sur eux, Shailly garde son sang-froid.

_ Shailly : “ Oui, mais vous êtes sûr que ça marchera ? “

_ Maïko : “ Aucune idée. Perso, je n’y connais rien aux animaux. “

_ Son : “ Moi non plus, mais ça vaut le coup d’essayer. “

Ayant aucune alternative sous la main, Shailly donne sa confiance.

_ Shailly : “ D’accord, faisons ça ! “

Dans le même temps, Son regarde droit dans les yeux sa camarade.

_ Son : “ Je sais que c’est dangereux mais… Tu serais capable de retenter le coup ? “

Cette dernière, étonnamment calme, démontre une détermination cachée.

_ Maïko : “ Oui, je peux le faire. “

Puis, regarde l’environnement à travers leur trou.

_ Maïko : “ Et puis les conditions sont bonnes. Il pleut, les arbres sont très humides et mes gourdes sont remplies. “

Se retourne de nouveau.

_ Maïko : “ Je ne vais pas avoir de mal à exploiter ma Source, mais pour Shailly ? “

_ Shailly : “ Oui, ça va aller pour me porter de nouveau ? Tu es fatigué. “ dit-elle, en croisant instinctivement du regard l’enfant à crête

_ Son : “ T’en fais pas pour moi, je vais te porter et courir aussi vite que je peux. Je suis un homme, et même si la situation est stressante, ce n'est pas une raison pour abandonner. “

Un geste du bras se dévoile, le poing fermé.

_ Son : “ Alors on survivra, ok ? “

Après ces mots, Maïko, Son et Shailly tapent leurs poings l'un contre l'autre, un geste simple mais puissant, symbole d'une détermination sans faille.

_ Maïko : “ Carrément ! “

_ Shailly : “ Oui ! “

Prêt pour l’opération, je tiens fermement le second moineau dans ma main et je me positionne de sorte à étendre mon bras au maximum pour un meilleur lancer. Avant mon tir, je regarde une dernière fois les filles.

_ Ayden : “ Prêtes ? “

_ Kaya : “ Quand tu veux. “

_ Edna : “ … “

Je lance mon moineau de toutes mes forces. L’inertie le fait rebondir légèrement avant qu’il ne se pose tout près d’un buisson, suffisant, comme espérer, pour attirer la hyène. La seconde qui suit, Edna sort totalement de la grotte, se sentant libérée, puis se hâte en direction du talus. Les bruits de pas résonnant à travers certaines flaques d’eau perturbent de nouveau la hyène qui, sentant les odeurs se disperser, hésite un instant. En fin de compte, elle décide de prendre en chasse Edna.

La voie étant libre, nous attendons cinq secondes supplémentaires par mesure de sécurité. Je lève ma main, signifiant à Kaya notre top départ.

Successivement, dans l’autre grotte, Maïko place le sifflet dans sa bouche, prête à agir. Malgré l’imposante taille de la hyène qui cache partiellement sa vue globale, cela ne l’empêche pas d’activer sa Source et de transposer idéalement son corps sur un arbre.

Imperturbable face à la situation, la hyène demeure stoïque, ses grognements réguliers accompagnant sa concentration sur les proies restantes.

Pendant ce temps-là, Son déchire une partie de son short avec l’intention de bâillonner Shailly, mais le doute le ronge.

_ Son : “ Tu es sûr ce n’est pas mieux de bander plutôt ta plaie ? Ça saigne de plus en plus. “

_ Shailly : “ Non… Je préfère plutôt que tu me bâillonne. Si je crie à cause de la douleur… cet animal va nous attaquer… et tous les efforts de Maïko ne serviront à rien. “

La mâchoire serrée, le jeune garçon exécute la tâche à contre-cœur.

_ Son : “ Tiens le coup encore quelque temps. Quand on aura retrouvé Kona, on pansera ta plaie comme il faut ! “

Un simple hochement de tête de cette dernière se produit, signifiant une affirmation.

Maïko utilise le sifflet durant plusieurs secondes espérant attirer l’animal. L’ultrason aigu produit distrait l’animal, qui détourne son regard de ses proies et se hâte en direction du bruit émis.

Rassurée par l’action de la hyène, Maïko recommence la procédure en transposant son corps sur un nouvel arbre, afin d’éloigner l’animal de ses compagnons.

Attentif à la situation, Son extirpe difficilement Shailly du trou étroit, la tirant par le bras. Les cris, étouffés par le bâillon, se dissipent.

De mon côté, après plusieurs mètres parcourus, je stoppe subitement ma course, une idée bien définie en tête. Cet arrêt brusque et soudain se remarque sans surprise chez ma camarade.

_ Kaya : “ Qu'est-ce que tu fous ?? “

_ Ayden : “ Continue sur ce chemin là. Au bout de l’allée, il y a une source de chaleur. “

_ Kaya : “ Quoi ?? “

_ Ayden : “ Fait tout ton possible pour y parvenir. J’ai encore une tâche à réaliser. “

Puis, je pars dans une nouvelle direction sans en dire plus, également pressé par le temps.

Frustrée et n'ayant ni le temps de polémiquer, ni celui de me retenir, la jumelle reprend sa course.

_ Kaya : “ Fait chier ! “

Seul l’horizon captive mes yeux.

_ Ayden : “ J’ignore d’où provient cette chaleur, mais si j’ai raison, ça peut être notre ultime échappatoire. Mais d’abord, je dois m’assurer de quelque chose. “

Plusieurs minutes passent. La vue se dégage au bout de l’allée, la chaleur devient insoutenable. Kaya arrive enfin à destination et découvre avec surprise un pont de corde en bois. Ce pont, visuellement solide, ne la rassure pas pour autant. Elle observe attentivement l'état des cordes et constate l’usure présente. Intriguée également par cette chaleur suffocante, elle s’approche et constate avec étonnement une coulée de lave à une quinzaine de mètres en contrebas.

_ Kaya : “ Voilà d’où provient cette chaleur… Mais comment a-t-il su ? “

La pluie battante rythme le temps qui s'écoule, tandis que Hazel, pensif, laisse ses pensées vagabonder. De son côté, Kona utilise sa Source dans l’espoir qu’elle affecte l’animal, mais en vain.

_ Kona : “ Et merde… Mon pouvoir a l’air inefficace contre les animaux. “

Par la suite, une soudaine clarté d’esprit se distingue.

_ Hazel : “ Écoute… Je vais piéger les pattes de l’animal dans ma boue, tu en profiteras pour fuir. “

La concernée se retourne immédiatement, les yeux écarquillés.

_ Kona : “ Hors de question ! Je ne pars pas sans toi ! “

_ Hazel : “ Nous n’avons pas le choix. Actuellement je ne vois que ça comme solution. “

_ Kona : “ Et tu comptes t’y prendre comment après ?? Tu n'as pas le choix de lâcher prise pour bouger à nouveau. “

_ Hazel : “ J’arrive très légèrement à bouger tout en maintenant ma Source active. Une fois la distance adéquate entre lui et moi, je prends la fuite. “

_ Kona : “ Quand bien même ça marche, c’est trop risqué ! Ne précipitons pas les choses, nous avons encore un peu de temps. Attendons plutôt du renfort. “

Cette information, à priori saine d'esprit, surprend le jeune homme, révélant à ses yeux l'évidence que sa partenaire s'obstine à nier.

_ Hazel : “ Ne te mens pas à toi-même, tu sais très bien que personne viendra nous secourir. “

_ Kona : “ Mais… “

Hazel pose fermement ses deux mains sur les épaules de Kona, interrompant sa phrase.

_ Hazel : “ Écoute-moi, je ne vais pas te laisser mourir ici. De plus, tu as avec toi le sac contenant les kits de premiers soins. Les autres en auront sûrement besoin, raison de plus pour que tu quittes les lieux maintenant. Alors, s’il te plaît, fais-moi confiance, d’accord ? “

Un combat intérieur se livre chez la jeune fille, et des larmes, reflets de son impuissance, s'échappent de ses yeux. Elle doit se résoudre à laisser Hazel porter le fardeau.

Puis, elle pose ses deux mains sur les joues de Hazel et le regarde droit dans les yeux, les sourcils froncés.

_ Kona : “ T’as intérêt à revenir en vie ! “

Ces paroles profondes et sincères le galvanisent. Les mains retirées, Hazel fixe son objectif des yeux, prêt à agir. La hyène, légèrement éloignée de leur position, offre une opportunité au jeune homme qui active sa Source. Un épais amas de boue se forme alors autour de l’animal piégé. Une lutte s’engage, mais la boue, solide, bloque toute tentative d'échappement. Saisissant l’opportunité , Hazel croise le regard de la jumelle.

_ Hazel : “ Maintenant ! “

Sans un regard en arrière, Kona s'élance, le cœur lourd, vers l'horizon qui se dérobe. Hazel, abandonné à son sort, reste seul face à l'immensité de sa tâche.

Dans le même temps, Son et Shailly arrivent enfin au niveau du pont, les pupilles dilatées respectivement.

_ Son : “ Wow c’est super haut ! “

Puis, regarde au loin l’une des jumelles déjà au bout.

_ Son : “ C’est Kaya ! “

_ Kaya : “ Passez ! Le pont tient ! Mais comme tu la portes, marche doucement ! “ dit-elle, les mains jointent autour de la bouche

_ Son : “ Ça marche ! “

La coulée de lave, un spectacle hypnotique à ses yeux, l'attire comme un aimant. Il avance, le souffle court, partagé entre l'admiration et la crainte.

La traversée achevée, un soupir de délivrance s’échappe. Il dépose Shailly délicatement et en profite également pour retirer le bâillon de sa bouche.

_ Son : “ Ça va ? “

_ Shailly : “ Ma cuisse picote pas mal… mais je peux encore tenir… “ dit-elle, en grimaçant

Sans un mot, Kaya déchire une partie de son short et l’enroule autour de la plaie. Un geste rempli de délicatesse qui contraste avec son visage impassible. Un sourire se dessine.

_ Shailly : “ Je te remercie. “

_ Kaya : “ ... “

_ Son : “ Content de te voir saine et sauve Kaya. “

_ Kaya : “ Réjouis-toi plutôt quand tout le monde sera là. “

_ Son : “ Tu as raison. J'espère qu'ils n’ont rien. “

Alors que l'énergie de sa Source pulse, Hazel gagne quelques petits mètres, reculant pas à pas avec une concentration extrême, son attention rivée sur la créature. Mais la bête, d'une force herculéenne, arrache deux pattes de la boue, signalant un affaiblissement de la Source. Une sueur froide perle sur le front de Hazel, annonçant le danger imminent.

_ Hazel : “ Et merde ! Il va se libérer plus tôt que prévu ! “

Dès la troisième patte retirée, Hazel abandonne l’opération et court à toute allure. La dernière patte libérée, synonyme d’assaut, amplifie l'instinct de l’animal, plus que jamais déterminé à attraper sa proie.

Une course-poursuite effrénée s'engage, les deux silhouettes se fondent dans le décor, rythmées par le martèlement des flaques d'eau. Dérivant de l’allée principale,

Hazel s’enfonce dans des buissons remplies d’épines. Il lutte, esquivant tant bien que mal les épines mais les griffures à répétition sur sa peau le torture intérieurement. La créature, indifférente à la souffrance, le talonne sans faillir, ignorant les épines qui lacèrent sa chair.

La distance se réduisant progressivement, observée avec amertume du coin de l'œil, diminue sa confiance. Le souffle court et la mâchoire serrée, une pensée obscure se manifeste en lui.

_ Hazel : “ Je ne tiens plus… Je crois bien que c’est la fin pour moi… “

Pensant l’espoir éteint, un mur de granit surgit, constituant un ultime obstacle. L'animal, dans un élan de rage et un rugissement de défi, s'y jette, le brisant sous l'impact, mais la violence de l'assaut le déséquilibre, et il s'effondre sous une nouvelle salve d'épines.

_ Ayden : “ Accroche-toi à moi et continue de courir ! “

La fuite reprend aussitôt, avec un bras autour de l’épaule pour se soutenir, distançant la hyène encore couchée. Dans cette lancée, l’atmosphère oppressante, un son émet.

_ Hazel : “ Comment as-tu su que j’étais là ? “ dit-il, reprenant difficilement son souffle

_ Ayden : “ J’ai croisé Kona au retour, elle a dit que tu immobilisais l’animal mais plus pour longtemps. À force de m’approcher et de n’apercevoir personne, j’en ai déduit que tu as dévié de l’allée principale. “

_ Hazel : “ Tu as dit “au retour”. Ton demi-tour était intentionnel. Mais pourquoi ? C’est du sucide de retourner dans la gueule du loup. “

_ Ayden : “ Car je savais que toi et Kona étiez dans la merde. “

Un regard s’attarde sur moi.

_ Hazel : “ Mais… comment… “

_ Ayden : “ On aura le temps d’en débattre plus tard, continue juste de courir. “

Sortis de ce labyrinthe infernal, nous reprenons l’allée principale, la vue s’étant dégagée.

Soudain, une silhouette émerge également du décor.

_ Maïko : “ Ayden ! Hazel ! “

_ Hazel : “ Maïko ! “

_ Ayden : “ Je vois que tu es indemne. Tant mieux. “

_ Maïko : “ C’est plus facile d’amadouer un animal qu’un être humain. “

Sans interrompre la course, des pupilles se dilatent aussitôt.

_ Maïko : “ Oh non t’es blessé de partout Hazel ! “

_ Hazel : “ Ne t’inquiète pas, rien n’est profond. “

_ Ayden : “ Nos poursuivantes ne vont pas tarder. Continuons sur ce rythme. “

Sur l'autre rive du pont, l'impatience des orphelins grandit, chaque minute alourdissant l'attente. L'air vibre de tension, jusqu'à ce qu'une silhouette vienne rompre le silence.

_ Shailly & Kaya & Son : “ Kona ! Par ici ! “

Un soupir de soulagement se mêle à son souffle haletant. Cependant une seconde silhouette vient secouer cette émotion.

_ Kaya : “ Derrière-toi ! “

La concernée pivote subitement, ses pupilles se dilatant sous le choc.

_ Edna : “ Fermez-la on vous entend d’ici. “

Malgré les stigmates qui marquent tout son corps, elle prouve aux orphelins sa force intérieure, une ténacité à toute épreuve.

_ Kona : “ J’aurais préféré voir un autre visage. J’espère vraiment que les autres vont s’en sortir. “

Une voix s’élève, brisant le fil de ses pensées.

_ Kaya : “ Qu’est-ce que tu attends ? Dépêche-toi de traverser ! “

_ Kona : “ Mais les autres ne sont pas encore là ! “

_ Kaya : “ Vous ne pouvez pas passer tous en même temps, le pont risque de céder. Alors viens ! “

Forcée de se convaincre, la résignation s’impose.

_ Kona : “ D’accord ! “

Edna, assez proche du pont, constate l’état des lieux. Impassible, elle se rapproche davantage, détournant distraitement son regard. Subitement, tout proche de l’orpheline, elle lui attrape violemment les cheveux, sous le regard choqué des enfants.

_ Kona : “ Qu’est-ce qui te prends ?! “

_ Edna : “ Si pour une quelconque raison ce pont doit céder, je ne tomberai pas toute seule. “

Outré du geste, la rage monte chez chacun.

_ Shailly : “ Kona !! “

_ Kaya : “ Arrête !! “

_ Son : “ Lâche-là tout de suite !! “

Indifférente à l’ordre, la concernée affiche en réponse un sourire malicieux.

.

_ Edna : “ Je n’ai toujours pas digéré tes petits coups de p*tes, alors… “

Puis croise le regard de sa nouvelle otage, l’expression inchangée.

_ Edna : “ Tu vas me faire le plaisir d’avancer, d’accord ? “