Image par Ksenia Sergeeva de Pixabay

                                                J’avais eu de belles résolutions. Très belles. Un poil trop ambitieux. Je n’avais aucune idée par où commencer.

            Lire était relativement facile, quand on y pense. Écrire… c’était une autre paire de manches. Les mots s’enchaînèrent dans mon esprit, mais rien n’en sortit. Aucune phrase ne se construisit. La page resta blanche. Allais-je raconter l’histoire d’un preux chevalier, sans peur et sans reproche, allant de ce pas sauver la belle ? Elle ferait un bon 90-60-90, il va de soi, et, bien entendu, je ne parlais pas de la taille de ses cuisses. Sa promise serait captive d’un dragon et il partirait en quête de le passer par le fer. Il serait bien évidemment énorme, tout autant que l’ego du paternel de la douce demoiselle.

             Hum, non. C’est du « déjà vu ». Le complexe du père qui veut gérer la vie de sa fille. Le monstre cracheur de feu qui le représenterait. Le cachot démontrerait l’étouffement des parents, à trop vouloir protéger et enfermer dans leur bulle, l’être aimée. Les flammes seraient à l’image de la rage sur cet enfant, qui ne demanderait qu’à grandir et vivre son propre destin. Le chevalier, quant à lui, serait cet homme qui oserait enlever leur progéniture, alors qu’au fond, ils ne cherchaient que son bonheur. Oui, c’était vraiment trop un grand classique. Je ne pouvais pas écrire là-dessus. Je n’apporterais aucune originalité. 

              J’ai aussitôt pensé à une version anti-héros. Une jeune fille au physique très commun, n’ayant pas la prétention de se faire remarquer ni l’intention de piétiner les autres pour briller autant que l’étoile du matin, remplacerait cette belle princesse pimpante et aussi jolie qu’une fleur du printemps. Rien ne prédestinerait à ce qu’elle rencontre un beau prétendant. Personne ne la remarquerait. Elle ne semblerait pas en souffrir, mais vivre une vie de romance serait secrètement son plus grand désir. Plonger ses yeux dans celui d’un être qui ne verrait qu’elle. Qui ne voudrait que la voir sourire. Qui n’agirait que pour son bien-être. 

             Mais je me suis vite ravisé. Encore une histoire télescopée. Elle finirait par tomber sur un homme extraordinaire. Il l’aurait enfin remarqué pour ce qu’elle était, et non pour son apparence. Il aurait décelé en elle son véritable charme. Son caractère, sa manière de vivre ferait d’elle la femme qui l’aimerait sans concession. Sans contrepartie. Sans exigences. Finalement elle deviendrait notre princesse, sans les attributs de celle-ci. Une histoire servant juste à démontrer que l’espoir existe. Que chacun doit croire que la chance tourne un jour ! Et que tout n’est pas obligatoirement donné qu’aux privilégiés de la vie.

            Je ne souhaitais pas non plus tomber dans les travers des pauvres qui finissent par devenir riches, heureux et toujours bien accompagnés. Ni faire un méli-mélo de personnes aisées qui perdent tout. Fortune, amis, relation professionnelle, emploi. À la rue. Détresse. Tristesse. Mélancolie. J’aurais employé tout cela pour les rendre attachants dans ce drame qu’ils vivraient. Bien sûr, le dénouement ferait qu’ils retrouvent leur dignité, une maison, de vrais amis. Mais voilà, tout ceci a était si souvent lu, que je ne voyais pas l’intérêt de partir dessus. 

             Ma première semaine de vacances fut relativement frustrante, stressante. Mon exigence de pondre une œuvre parfaite me rendait incapable d’écrire une ligne.

                                                 Fort heureusement pour moi, la vie réserve son lot de surprise. Et ces vacances en furent blindées.