Chapitre 2 - Le garçon dans le grenier
On Panodyssey, you can read up to 30 publications per month without being logged in. Enjoy29 articles to discover this month.
To gain unlimited access, log in or create an account by clicking below. It's free!
Log in
Chapitre 2 - Le garçon dans le grenier
La lumière du téléphone de Liam se fit plus frémissante, et il lui fallut plusieurs secondes pour comprendre que c’était à cause de sa main qui était prise de tremblements incontrôlables. Et sa réaction était on ne peut plus compréhensible !
Il y avait un pied devant lui. Pire encore : il y en avait un deuxième, avec deux jambes.
Orion, comme dépourvu du moindre instinct de survie animal, s’approcha de la silhouette étalée dans le grenier et renifla sa chaussure avec intérêt. À cet instant, l’adolescent n’avait qu’une envie : prendre son chat, foutre le camp de ce grenier, fermer la porte comme il le pourrait et appeler les flics ! Mais aucun de ses muscles ne semblait vouloir répondre aux ordres de son cerveau.
La main toujours tremblante, Liam redressa son téléphone pour éclairer complètement devant lui. Il se pinça le bras avec force pour essayer de se réveiller de ce cauchemar. Mais à son grand malheur, il était coincé dans la réalité !
Pourtant, ce qu’il avait devant les yeux lui semblait tout sauf réaliste ! Un adolescent était étalé dans son grenier ! Pas un cadavre de souris, mais bien un être humain complet !
La première chose qui lui sauta aux yeux fut la grande blessure qui traversait le torse de l’intrus. Le sang avait imprégné sa chemise bleu nuit et s’était écoulé sur le sol dans une grande flaque. Sa main droite était encore posée sur la plaie, comme s’il avait essayé d’en arrêter l’hémorragie.
La respiration toujours haletante, le blond leva les yeux vers son visage. Sans la crispation dans ses traits, il aurait presque pu croire qu’il dormait. Mais ce qui le rendait presque surnaturel, c’étaient les mèches bleu néon qui tranchaient la masse de ses cheveux sombres ! Ça paraissait trop… brillant pour être une teinture !
Mais ressaisis-toi, Liam ! Il y a un mec peut-être mort dans ton grenier, et toi tu reluques ses cheveux ?! se raisonna l’adolescent en secouant brutalement la tête.
Avec un courage (ou une stupidité) qu’il ne se connaissait pas, il s’approcha de l’adolescent en rampant. Orion, qui avait fini de renifler les chaussures, grimpa sur sa jambe en ronronnant.
Mais griffe-le, crétin de chat ! pesta mentalement Liam. Pourquoi tu es une panthère avec moi et mignon avec les intrus ?!
Avec hésitation, le blond tendit une main vers le poignet de l’inconnu. Il voulait simplement savoir si ce type était encore vivant et si appeler une ambulance était pertinent. Il déposa deux doigts tremblant à la base de son poignet pour tâter son pouls. Sa peau était à peine tiède, presque froide, et recouverte d’une très fine couche d’humidité. Mais à son grand soulagement, ce n’était pas un cadavre dans son grenier, mais « simplement » un garçon à l’agonie !
Journée de merde !!
Liam se pencha sur la blessure qui traversait son torse et l’examina à la lueur de son téléphone. Elle était plus impressionnante que profonde, et loin d’être un expert en la matière, il supposait que l’arme qui lui avait fait cette plaie était au minimum un couteau de cuisine !
Du coin de l’œil, l’adolescent remarqua quelque chose. Il releva la tête pour regarder à nouveau le visage de l’intrus. Et ce qui avait attiré son attention était simplement le changement de couleur de ses cheveux : les mèches bleues disparurent et laissèrent une chevelure noire.
Et il était impossible de dire si c’était le sursaut de surprise de Liam ou la patte d’Orion sur la blessure de l’inconnu, mais ce dernier ouvrit brutalement les yeux et se redressa d’un coup. Le chaton sauta à côté de lui lorsque son matelas humain se retrouva à la verticale.
L’adolescent, lui, était maintenant juste en face du noiraud. Leurs visages n’étaient qu’à quelques centimètres l’un de l’autre, et Liam pouvait sentir sur sa peau le souffle de la respiration de son vis-à-vis. Ses yeux noisettes étaient plongés dans deux prunelles bleu-gris claires et ne parvenaient pas s’en détacher.
Ce fut l’intrus qui rompit le contact visuel en premier. Il tenta de s’accroupir, la main crispée sur sa poitrine, mais perdit l’équilibre et vacilla vers l’avant. Se trouvant juste devant lui, Liam le rattrapa par réflexe, mais entraîné par son poids, il retomba avec lui sur le sol. Son téléphone se cogna sur le sol, mais la lumière dirigée vers le plafond éclairait toujours.
Liam pouvait sentir sa respiration troublée contre son cou et l’odeur métallique et persistante du sang lui assaillit les narines. Il sentit quelque chose de chaud et poisseux tomber sur sa chemise.
Génial, du sang bien rouge sur sa chemise bien blanche !
Posant une main dégoulinante d’hémoglobine à côté de sa tête, l’inconnu essaya de se redresser en marmonnant quelque chose qui pouvait ressembler, avec beaucoup d’imagination, à une excuse. S’appuyant sur ses bras tremblants, le garçon regarda Liam dans les yeux quelques secondes. Ce fut à cet instant que ce dernier se décida à arrêter d’être une plante d’appartement inutile.
Même si ce type était entré d’une façon inconnue dans l’immeuble, il était tout de même blessé et avait besoin de soins ! Il devait avoir seize ou dix-sept ans comme lui, il ne pourrait jamais se débrouiller tout seul dans cet état.
— Tu… tu devrais éviter de bouger ! conseilla-t-il en bafouillant. Je vais appeler une ambulan…
— Non, l’interrompit immédiatement l’intrus avec fermeté. Je dois… partir…
— Ne dis pas n’importe quoi ! protesta Liam. Tu ne feras pas dix mètres avant de t’écrouler !
— Qui t’autorise… à me tutoyer ? haleta le noiraud d’un air insulté, fronçant les sourcils. Les jeunes d’aujourd’hui… j’vous jure…
Le blond le regarda en plissant les yeux, vexé d’être pris pour le dernier des gamins alors qu’ils avaient l’air d’avoir le même âge.
— Tu peux parler ! répliqua-t-il en se redressant sur les coudes. Tu as encore une tête de bébé !
Son interlocuteur le fixa avec un air méprisant, avant que ses yeux clairs ne se posent sur sa main ensanglantée. Son visage passa de la crispation à l’étonnement. Il leva sa main devant lui et l’examina longuement, comme en état de choc. Du bout de deux doigts, il attrapa une mèche de cheveux et la tira pour pouvoir la regarder. Sa bouche s’entrouvrit dans une expression de stupéfaction.
— Pourquoi j’ai… j’ai cette apparence ? bredouilla-t-il d’une petite voix. J’avais des… cheveux blonds…
— De quoi tu parles ? interrogea Liam, totalement perdu face à son comportement étrange.
— Et ma main… elle est minuscule…
— Je… écoute, je ne sais pas pourquoi ça t’arrive, soupira le blond en adoptant la voix la plus apaisante possible. On va appeler une ambulance pour ta blessure, et on réfléchira à ça après, d’accord ?
Le garçon le toisa du regard en silence, avant de simplement hausser un sourcil agacé. Une main toujours crispée sur son abdomen, il soupira.
— Tu me prends pour un cinglé de l’asile ou je rêve ? cracha-t-il avec exaspération. Tu vas appeler rien du tout ! Essaye seulement et t’inquiète pas que tu vas pas faire long feu !
Liam essaya de rester le plus calme possible, mais il commençait à paniquer. Ce type avait l’air d’avoir totalement perdu la tête ! Il avait essayé de mettre en pratique ce que Skye lui avait dit un jour : « on ne contrarie pas les fous ». Mais il fallait croire que sa meilleure amie n’était pas une fine psychologue !
Maintenant il pétait totalement un câble !
— B-bon, d’accord, je téléphonerai pas, bafouilla-t-il en sentant la panique déferler en lui comme des voitures sur l’autoroute le lundi matin. Mais s’il te plaît, il faut soigner ta blessure… Tu vas finir par…
Le noiraud retomba sur le sol, comme totalement vidé de son énergie, et retomba sur Liam.
— … tomber dans les pommes, acheva ce dernier avec surprise. Hey, réveille-toi !
Liam le secoua délicatement par l’épaule pour essayer de le tirer de l’inconscience, mais rien à faire. Orion revint près de lui et frotta sa petite tête noire contre le front de son humain.
— On a pas le choix, pas vrai ? soupira le blond.
En réponse, le chaton lui lécha gentiment la joue de sa langue râpeuse en ronronnant. L’adolescent s’extirpa d’en dessous l’intrus et récupéra son téléphone dont la lumière était toujours allumée. Il regarda l’écran : il lui restait plus d’une bonne demi-heure avant que sa mère ne rentre.
Théoriquement, le noiraud était inconscient, il pourrait appeler les flics sur le champ. Mais il commençait à craindre que ce malade mental ne mette sa menace à exécution ! Il ne préférait pas tenter le diable…
— On va le cacher dans ma chambre en attendant de savoir quoi faire, murmura Liam à l’adresse de son chat, bien qu’il ne s’attendait pas vraiment à une réponse.
Coinçant son téléphone dans la poche de son pantalon, il passa ses bras en dessous des aisselles de l’inconnu et le tira pour le faire sortir du grenier. Orion le précéda en balançant sa queue derrière lui.
Il refit péniblement le trajet en sens inverse, sentant la chaleur de l’effort le consumer dans l’espace étroit du grenier. Lorsqu’il atteignit enfin la porte, une fine pellicule de sueur recouvrait sa peau. Son chat commença déjà à descendre les marches. Liam passa un bras sous les genoux du noiraud, et le second autour de ses épaules pour le porter comme une princesse.
L’adolescent n’était pas très lourd, mais le blond s’appliqua à descendre l’escalier avec beaucoup de délicatesse. Il retourna à l’intérieur de l’appartement, et voyant du coin de l’œil qu’Orion était de retour sur le buffet de la cuisine, il ferma la porte du bout du pied.
Liam prit quelques secondes, debout devant la porte, pour réfléchir. Il ne pouvait pas laisser ce gamin se vider totalement de son sang. Et il devait absolument changer de vêtements avant le retour de sa mère et les laver !
Il partit en direction de la salle de bain dont il poussa la porte d’un coup de pied. C’était la seule pièce dont le sol était recouvert de carrelage, qui était plus facile à nettoyer que de la moquette ou du parquet. Il déposa le garçon sur sol et retourna rapidement au salon pour prendre un coussin sur le canapé. Intrigué par ses allées et venues, Orion le suivit lorsqu’il alla le caler sous la tête du noiraud.
Liam prit une grande inspiration, essayant de faire abstraction de l’évidence : le sang. Les doigts tremblants, il défit les boutons de la chemise bleu nuit un à un pour évaluer la gravité de la blessure.
Heureusement, le saignement s’était arrêté, et la plaie n’était pas trop profonde. En réalité, elle semblait déjà commencer à cicatriser.
Le blond se releva et se lava consciencieusement les mains. Il les savonna pendant plus de deux minutes pour être sûr qu’elles soient le plus propres possible. Au moment où il les essuyait sur une serviette, il entendit la sonnerie d’une notification sur son téléphone. Il le sortit de sa poche, éteignit la lampe et le déverrouilla : il avait reçu un message de sa mère.
« J’ai une intervention importante, je rentrerai sans doute vers 2 h
Bonne nuit Liam »
— Pff, comme d’habitude, soupira-t-il avec exaspération.
Sa mère était chirurgienne de renom dans un grand hôpital de Londres. Bien sûr, elle était très demandée, mais elle était tellement plongée dans son travail qu’elle donnait l’impression d’oublier l’existence de son fils. Pourtant, c’était bien dans un moment pareil qu’il aimerait avoir une mère sur qui compter.
La seule chose utile qu’il avait pu apprendre d’elle étaient les premiers soins à donner à quelques, et heureusement, bander une plaie aussi grande en faisait partie !
— Ne touche à rien, Orion, avertit Liam avant de courir vers un placard de la cuisine.
Il l’ouvrit avec vivacité et fouilla dans le fond pour retrouver la boîte qu’il cherchait. Il y récupéra deux gants jetables. Il retourna ensuite dans la salle de bain et examina le tiroir où sa mère rangeait toutes ses affaires de pharmacie. Il en ressortit des compresses, de l’antiseptique et des bandages. Il enfila ses gants, sortit une compresse de son emballage et l’humidifia légèrement au robinet.
Liam s’accroupit près du garçon, tandis qu’Orion s’installait sur un tabouret, et après une longue inspiration, le blond commença à nettoyer la plaie avec beaucoup de délicatesse. Il ne savait pas comment il faisait pour ne pas vomir face à l’horreur de la chose. Peut-être sa concentration l’emportait-elle sur son dégoût…
Lorsqu’il eut terminé, il utilisa l’antiseptique pour la désinfecter. Il reprit d’autres compresses propres pour couvrir la blessure et les maintint avec un bandage propre. Il le releva légèrement pour passer dans son dos, et fit plusieurs fois le tour de son torse pour être sûr que les pansements tiennent.
Satisfait de son travail, il rangea son matériel et jeta les compresses dans le fond de la poubelle pour que sa mère ne les voie pas.
Liam retourna dans sa chambre, prit un t-shirt et un short confortable. Il ne pouvait pas laisser ce garçon dans ses vêtements mouillés. Tout ce qu’il espérait, c’était que le noiraud ne lui en tiendrait pas rigueur pour l’avoir déshabillé.
Il lui ôta ses chaussures, ses chaussettes et son pantalon, avant de lui enfiler ses propres vêtements. À son grand soulagement, il ne se réveilla pas en pendant le processus. Il se voyait mal expliquer une situation pareille !
Le blond le porta à nouveau pour l’amener dans sa chambre, et n’ayant pas d’autre solution, il l’installa sur son lit. Il le recouvrit à l’aide de la couette et se décida à changer également de vêtement. Abandonnant sa chemise blanche tachée de sang et son pantalon noir, il se passa également un t-shirt et un short.
Reprenant son téléphone, il envoya un rapide message à sa mère :
« D’accord, Skye vient de partir. Je démarre une lessive et je vais me coucher.
Bonne nuit »
En réalité, il allait devoir passer quinze minutes à nettoyer les vêtements à la main, à l’eau froide pour éviter que le sang ne s’incruste dans les fibres du tissu. Avant tout, il vérifia que les poches étaient vides, histoire de ne pas passer un téléphone portable à la machine. En vidant celle de l’inconnu, il trouva un petit étui qui contenait des cartes. Il l’ouvrit et sortit sa carte de débit, non pas pour le voler, mais pour connaître son identité. Le nom qui y était écrit était « Sevan Doyle ». Il garda l’étui, se promettant de le rendre au garçon lorsqu’il se réveillerait. Une fois qu’il eut débarrassé les habits des taches sombres, il les mit dans la machine et la démarra.
Liam poussa un profond soupir en remettant le coussin qu’il avait pris sur le canapé avant de regagner sa chambre. Maintenant, il lui restait un dernier souci à régler : où allait-il dormir ?
Sa mère avait bien un tapis de sport qu’elle utilisait jadis quand elle s’était mise au yoga, et ça pouvait faire un matelas un peu plus confortable que le sol lui-même… Il pourrait trouver une couverture et un coussin et il aurait un lit. Un lit nul, certes, mais un lit quand même.
Mais un mouvement attira l’attention du blond : Sevan Doyle remuait légèrement. Il frissonnait pour être plus exact ! Il semblait se recroqueviller, serrant la couette contre lui. Après une petite hésitation, Liam posa une main sur son front. Il était brûlant sous ses doigts. Sans doute avait-il pris froid…
Liam réfléchit quelques instants, et abandonnant l’idée de s’installer par terre, il s’allongea sur le lit, à côté de l’autre garçon. Ce dernier, sentant sa chaleur, se tourna vers lui et le blond sentit une tête se poser sur son épaule.
Il savait bien que ce qu’il avait fait ce soir était stupide, qu’il aurait dû appeler une ambulance et la police. Mais l’insistance du noiraud pour qu’il n’appelle personne lui avait fait perdre contenance. Il espérait bien avoir des réponses à ses questions.
Ce fut fatigué, bercé par la respiration de Doyle qu’il ferma les yeux pour une douce nuit de sommeil.
Dessin original d'Elysio Anemo