(Titre alternatif : "Donnez-nous un peu d'espoir, ce soir")

Si la vérité sort bien de la bouche des enfants, et s'il faut appliquer la maxime enfantine qui dit que "c'est celui qui le dit qui l'est", cela ne peut guère m'amener qu'à deux conclusions possibles. 

L'une d'entre elles consistant à me méfier dès l'abord de toute accusation de complot. Parce que la plupart du temps, il n'y a pas complot à proprement parler mais adaptation opportuniste aux circonstances. Quitte à passer parfois à côté d'un vrai complot ponctuel.

Et l'autre étant celle-ci : en voulant fuir une manipulation qui certes nous aurait menés tout droit vers un monde répressif et brutal, ne sommes-nous pas tombés dans une autre manipulation, plus sournoise, qui, elle, nous mène vers un monde peut-être moins (visiblement) brutal et pourtant tout aussi répressif, mais plus manipulateur même de l'intérieur donc d'autant plus dangereux ? 

"Ouf, ce monde est devenu bien trop compliqué"

Les théories du complot, d'où qu'elles viennent, ont l'immense avantage de la simplicité : elles rejettent tous les problèmes du monde sur le dos d'un seul groupe aussi restreint que possible de "tireurs de ficelles" tous assez complices entre eux pour former tous ensemble un responsable unique de tout ce qui ne va pas. 

Elles ont un côté rassurant pour ceux qui y adhèrent parce que même s'ils ne maîtrisent pas le monde dans lequel ils vivent et n'ont aucune prise sur lui, ils gardent quand même l'impression que "il y a au moins un pilote dans l'avion". 

Un monde qui résulte d'un seul coupable "tireur de ficelles" bien précis et bien identifié, c'est - ou tout au moins ça paraît - plus maîtrisable (et c'est en tout cas plus facile à comprendre) que tout un foisonnement de "tireurs de ficelles" escroquant dans tous les sens chacun dans son propre intérêt et/ou d'enchevêtrements spontanés et plus ou moins déterminés de circonstances que personne ne maîtrise vraiment beaucoup plus que soi-même, sur lequel personne n'a aucune prise, donc qui dépasse tout le monde et auquel personne ne peut rien faire même si tout le monde s'en plaint. 

C'est vrai qu'une telle vision est fondamentalement démobilisatrice : "à quoi bon tenter quoi que ce soit pour y changer quelque chose, de toute façon personne ne peut rien y faire, le mieux qu'on puisse faire est encore de tenter de tirer sa propre épingle du jeu le moins mal qu'on peut."

Les théories du complot rendent ce monde lisible et facile à comprendre parce qu'elles lui rendent une simplicité. La simplicité qu'il a perdue en se complexifiant comme il l'a fait. 

Elles donnent aussi un vague espoir d'une action possible - ou tout au moins celui de se mettre à l'abri de la tempête si l'on brandit le bon drapeau. Elles rendent à leurs adhérents une vision mobilisatrice du monde, ou bien alors, à défaut de changer le monde, un espoir de se protéger et d'être sauvé si on choisit le "bon" camp. D'une façon comme de l'autre, elles offrent un espoir de se sortir du chaos du monde. Elles créent l'ordre à partir du chaos (tiens, ça ne vous rappelle rien ?).

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