La " Faites des mères"
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La " Faites des mères"
Hier matin, je suis tombée sur cette publication sur LinkedIn qui avait été partagée pour la fête des mères ...
J’ai d’abord été attirée par le visuel et par ce que j’ai interprété comme de la cellulite visible sur les fesses de la femme et de l’enfant.
Je me suis dit :
« Mais oui, c’est vrai, ça ! Poupon.ne, nous avons de la cellulite et tout le monde trouve cela adorable. Ça n’a vraiment pas de sens qu’en grandissant, les femmes soient mises au rebut si elles en arborent … »
Mais après réflexion, ce n’était peut-être pas de la cellulite mais du sable … Alors, j’ai commencé la lecture. Et après quelques lignes, je me suis rendue compte que le propos était tout autre !
Je me suis souvenue que j’avais d'ailleurs déjà vu passer ce texte sur FB, il y a longtemps. À l’époque, maman au nez dans le guidon du foyer à chérir, j’avais été absolument d’accord avec ces propos, me retrouvant totalement dans la team « Cendrillon en tenue de forçat ».
Mais aujourd’hui, une colère inattendue a grondé. Et je me suis dit que j’essaierai de retrouver cette publication plus tard, pour démêler le pourquoi de cette colère et exprimer mon point de vue. Je devais justement gérer un rendez-vous médical pour l’un de mes enfants, après un réveil matinal qui ne pouvait laisser que la carte blanche à des trais défaits et un choix vestimentaire à la-va-vite.
Alors voici cette réflexion d’une femme blessée et donc très probablement susceptible. Et terriblement féministe. Terrrrible, quoi. 😏 Mais qui souhaite simplement faire avancer les moeurs humaines.
Chères soeurs,
nous valons toutes tellement plus que cette représentation manichéenne ! Que ces caricatures, que ces carcans !
Je sais : ce texte tâche avant tout de prévenir des apparences et de l’emprise des réseaux sociaux. Mais le choix de cet exemple démagogique hérisse le poil de l’ourse qui sommeille en moi, car il conditionne une fois de plus les femmes à des rôles prédéfinis, et une vision de la société qui ne peut évoluer si l’on ne se révèle pas plus IMAGINATIF dans nos propos !
Ne voyez-vous pas combien il ne fait en rien avancer notre statut ? Mais qu’au contraire, il ne fait que conforter les stéréotypes, en se contentant d’opposer deux camps : la dévouée corps et âme, et la narcissique futile. La gentille et la méchante. La maman et la putain, en somme, non ?
Sa tournure ne peut que faire se réveiller les instincts patriarcaux des uns :
« Tu vois, ma chérie, tu es belle de l’intérieur, toi ! Je suis si fier de toi. »
Et les relents moraux des mamans tout terrain, car enfin auréolées de quelques lignes sanctifiées parce que, - bordel ! - , tout ce sacrifie les vaut bien ! :
« Moi, au moins, je suis une bonne mère ! … « La » Bonne Mère. »
Mais chères soeurs,
nous sommes toutes dans le même camp ! Inconsciemment, nous tentons toutes de répondre à des injonctions épuisantes et irréalisables, ne serait-ce que pour s’acquitter d’une seule d’entre elle !
Celle de la mère idéale : ici, validée et ré.confortée, puisqu’on lui assure que ce n’est pas grave si elle n’arrive pas à s’entretenir ! Que c’est elle qui est dans le juste, même si c’est au détriment d’elle-même ! Et condescendance ultime, on lui concède qu’elle n’a pas à s’en vouloir de ne pas être au top dans son rôle de femme de ménage !
Et celle de la femme toujours jolie et sexy - soit la concubine, vitrine sociale, jugée coupable de vanité. Ah bon ? Parce qu’elle ne fait rêver personne, la bimbo « parfaite » ? Alors pourquoi elle se donne autant de mal à dompter les apparences ? Et elle le ferait juste pour faire rager la "sainte-sur-laquelle-plus-personne-ne-louche" ?
Au moins voit-on dans l’histoire narrée que chacune de ces injonctions nécessitent des sacrifices : l’oubli total de soi ou le délaissement insupportable de l’enfant. Oui, parce que, hein, je suis aussi une lionne instinctive. Ou morale. Ou les deux. Et quelque chose se révolte en moi au paragraphe de la crème solaire qui ne sera pas débouchée : je ne me vois pas laisser cramer la peau de ma portée. Ni de celle des autres autour de moi, d’ailleurs.
Mais la futile que fait-elle, si ce n’est vouloir exister dans le regard des autres, et non plus que par celui de son enfant ? Elle s’égare dans les apparences, certes. Elle se raconte une autre vie, à / pour en oublier le don de soi et les joies simples du maternage ! Outrages ! J’entends déjà les « C’est son rôle ! C’est tellement beau d’être maman ! »
Ah, ouais ? ! Alors, rappelez-vous, je suis de la team « j’ai mouillé le maillot et pas pour le concours de la plus belle poitrine ! ». C’est du flan ! … ( Cette vision, je veux dire. 😆 )
Être parent, c’est une aventure incroyable que pour ma part, je ne regrette pas mais c’est franchement ingrat. Surtout pour les mères pour qui il s’agit de l’activité non-rémunérée à plein temps ! Plein temps = 24 h / 24 h, 7 jours sur 7, et que-même-quand-c’est-les-vacances-scolaires-c’est-l’arnaque-totale !
Ce texte n’incite aucunement à viser un juste milieu.
Un « ne te compare pas, mais sache que tu as aussi le droit de prendre des pauses et soins de toi ».
Finalement, elle a raison la futile : la piscine, c’est un choix en général qui sert à ça - à ce que l’enfant s’amuse seul.e. Ben, oui … SEUL.E ! Pour lâcher du lest … même s’il n’est pas envisageable de lâcher pour le coup les marsupiaux de ton champ de vision …
Parce que pour prendre soins de soi ET d’une famille, cela demande … ?? Hein, cela demande quoi ??? … TA TA !!! D’impliquer quelqu’un d’autre ! Potentiellement quelqu’un qui s’apparente à l’autre parent, peut-être ? 🤔
Pourquoi ces mamans sont-elles seules à la maison ou à la piscine ? Hein ? C’est très réducteur ce choix de situation pour dénoncer les méfaits des réseaux, non ?
Et pourquoi ce ne sont pas les papas à la maison ou à la piscine ? Bien sûr ... parce que Papa tra-vaille. ÔÔôô fatalité ! ( « La tuile… », dirait Sylvain. La vache, elle est allée voir "Un p'tit truc en plus" ! Elle gère, la mégère ! )
Eh ben, oui : tirons complètement sur le fil de cette histoire : ON EN EST ENCORE LÀ ! L’éducation des enfants incombe à la maman. Et le monde à conquérir, au papa.
Moi, je trouve que ce récit aurait été vraiment plus sympathique, précurseur, … en tout cas un peu plus porteur si le personnage débraillé et dépassé mais dans l’instant avec son enfant avait été un papa.
Oui : il y en a. Et même, j’en connais. Mais, ils ne courent pas les pataugeoires, ni les parcs, hein … Surtout en semaine.
Un papa, donc et que cela n’ait surpris personne, ni même attendri … ( Vous voyez ce que je veux dire : ce fameux super pouvoir du super papa qui prend du temps pour sa progéniture. Parce qu’une maman qui s’occupe de son enfant, c’est par contre tout à fait normal. C’est son rôle, on vous dit ! D’ailleurs, le texte ne dit que ça : « Femme : occupe-toi de ton gosse avant tout autre chose ! » ) Là, on aurait peut-être pu prendre la mesure de la façade des réseaux, avoir une réflexion et non baigner dans l’eau conservatrice d’un bénitier.
Ou si ce texte se veut pour la défense des femmes, des mères, j’aurais aimé une morale qui fasse un pied-de-nez :
« Mesdames, postez des photos de vous mais qu’elles soient au naturel, en pilou-pilou, ou même et surtout, lorsque vous êtes en pause et faites alors l’éloge rebelle de votre oisiveté légitime » !
Dans le style :
"Grasse matinée.
J’ai encore une sale tête mais aujourd’hui, je prends soins de moi.
Ne demandez-pas la permission de prendre du temps pour vous.
Bisous ! "
Parce que la vraie vie, la vraie réalité, le vrai portrait d’un parent disponible ou au foyer, que l’on soit homme ou femme, c’est en effet le manque de temps pour soi et d’énergie. Des poils et des cernes en jachère. Une garde-robe ponctuée de tâches, de trous. Et, des bouts de jouets en guet-apens permanent sous votre pied !
Parce que la parentalité à deux, c’est déjà laborieux ! Alors, elle ne devrait jamais reposer sur une seule personne ...
Voilà tout ce que ce texte a suscité en moi. Oui : on va penser que j’ai des comptes à régler. Et c’est bin vrai …
Mais, sincèrement entre nous, maintenant que je vous ai partagé mon point de vue, trouvez-vous réellement que ce récit, autant partagé, a réellement la fonction de faire changer le regard que l’on porte sur les mères, et évoluer les mentalités, ou n’appelle-t-il pas plus simplement à caresser nos petits coeurs de mamans dans le sens du poil pour seulement réussir à faire le buzz ? …
Illustrations : Giselle Dekel
Jackie H 5 months ago
"[...] la vraie vie, la vraie réalité, le vrai portrait d'un parent disponible ou au foyer, que l'on soit homme ou femme, c'est [...] le manque de temps pour soi et d'énergie". Autrement dit : "un poupon" (et même plus grand), "c'est pompant". Tout est dit ! Je plussoie ! Signé : une maman trop souvent en rupture totale d'énergie vitale quand son p'tit bout (TDAH aux besoins intenses...) était bébé...
Quand faire la vaisselle devient une libération...
Aline Gendre 5 months ago
… faire la vaisselle amène à la méditation ! 😉
Je comprends. Oh que je comprends ! 💪
Oren Le Conteur 5 months ago
Excellent, tout est dit, d'accord à 100%.
signé : un père au foyer qu'a les yeux cernés et des lego sous les pieds !
Aline Gendre 5 months ago
Merci infiniment ! ça fait chaud au coeur : je vais pouvoir envisager de mettre ma polaire au placard quelques temps.
Ton combat contre les lego est le mien ! Tu n'es pas seul ! ;-)