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Immigration

Immigration

Published Apr 23, 2025 Updated Apr 23, 2025 Society
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Immigration

Ceci est un exercice de pensée.

Toute ressemblance avec des situations, localités ou personnalités existantes serait purement fortuite


C'est la guerre. L'Europe est ravagée.

Des millions sont déjà morts. Au front, sous les bombes, par la famine...

Des maladies tout droit sorties d'un autre temps ravagent les rangs des survivants: Variole. Choléra. Tétanos... Les rares soins encore disponibles ne sont accessibles qu'à une minuscule frange de la population. Les exodes massifs sur les routes ont provoqué l'entassement de milliers voire de millions d'individus dans des camps de réfugiés. On y souffre de la faim et de conditions d'hygiènes déplorables.

Les services officiels n'existent plus.

Les États sont en ruine.

On vole, on tue, on pille pour survivre.


Vous refusant à vous laisser aller aux pires des comportements humains, vous prenez une décision grave: celle de partir.

Vous ne le faites pas de gaieté de cœur: vous laissez derrière vous votre vie. Quelle qu'elle fût. Votre maison a été détruite dans un bombardement et votre famille a péri sous les décombres. Vous êtes un miraculé.

Vous avez une seconde chance. Celle de refaire votre vie. Ailleurs. Car ici, c'est malheureusement devenu impossible.


Vous préparez alors votre voyage, en songeant en premier lieu à votre destination. Il faut que ce ne soit ni trop loin, ni trop compliqué à atteindre. Vous pensez en premier lieu au Canada, puisque l'on parle français au Québec. Mais l'Amérique du nord a mis en place des mesures draconiennes pour faire face à l'afflux massif de réfugiés européens...

Traverser un océan est déjà périlleux, alors prendre le risque de se faire renvoyer chez soi à peine arrivé... non merci.

Vous faites le tri mentalement et en arrivez à la conclusion que quoi qu'il arrive le voyage sera probablement terrible. Mais avez-vous le choix? Voyons, quel pays serait à la fois proche et atteignable? Il faudrait idéalement qu'on y parle le français car qui sait combien de temps vous allez passer là-bas?

L'Afrique!

Et plus précisément l'Afrique occidentale, on y parle le français, les mesures de lutte contre l'immigration y sont à votre connaissance moins ardues qu'ailleurs. C'est donc décidé. Vous partez en n'emportant que vos vêtements. Votre nouvelle vie vous attend.


L'arrivée

Enfin! Enfin c'est fini! Vous y êtes!

Vous avez vaillamment bravé tous les obstacles sur votre chemin: passeurs louches, personnes malintentionnées prête à vous sacrifier pour s'emparer de vos chaussures ou de vos dents en or...

Mais vous y êtes dans ce nouveau pays.

Ici, point de guerre ni de famine. Alors certes, votre pays vous manque déjà, mais quand vous revoyez les horreurs de votre passé vous vous dites que vous avez pris la bonne décision...

L'accueil fût plutôt chaleureux, vous avez été pris en charge par des bénévoles d'ONG qui vous ont fourni toit et nourriture. Mais ce n'est qu'une solution temporaire. Déjà vous entendez des habitants se plaindre: "On accueille trop ces gens-là!" "Renvoyez-les chez eux!"

Il semble que votre place va devoir se mériter. Et ça ne vous fait pas peur: vous avez déjà traverser l'enfer, et par rapport à ça trouver votre place dans ce pays ne devrait pas être si compliqué, pensez-vous.


Les mois passent

Tout s'est accéléré depuis votre arrivée. Vous n'avez pas le temps de souffler!

Entre les démarches administratives pour faire valoir votre statut de réfugié, obtenir des papiers officiels, trouver un emploi, un logement, un moyen de transport... Vous n'avez clairement pas chômé!

Aujourd'hui est un de ces jours où vous vous accordez un peu de repos. Il est temps de faire le point. Ce nouveau pays est étrange. Vos repères, bouleversés. Naturellement vous avez fait quelque bourdes lors de votre arrivée, mais les locaux vous ont aimablement fait comprendre les mœurs de ce nouveau pays. Tout vous semble si différent. Vous vous prenez à espérer pouvoir rentrer chez vous un jour. Malheureusement les dernières nouvelles ne sont que plus terribles. En Europe, les combats continuent, les morts s'accumulent... Rentrer n'est pour l'instant pas une option.


Puis un jour, alors que vous discutiez avec de nouveaux amis rencontrés sur votre lieu de travail, l'incroyable se produit: il semblerait qu'un français vienne de postuler dans la même entreprise que vous! Un français!

Depuis le temps que vous n'avez pas eu de conversation avec un compatriote! Votre employeur engage l'inconnu et vous le présente, tout sourire: "Deux français valent mieux qu'un" vous dit-il en riant! Vous commencez alors à former votre compatriote au travail et discutez un peu de vos vies. Vous avez tellement de points communs! Lui aussi a tout perdu. Lui aussi en a bavé pour atteindre ce pays.


Les années passent

C'est quand même pas si mal la vie ici! Vous vous surprenez vous-même par vos progrès, vous avez appris énormément de choses sur la culture locale et avez appris dans quels pièges ne pas tomber pour passer pour une personne mal élevée. Vous êtes travailleur, volontaire et votre patron fait l'éloge de votre boulot! Comme à votre habitude vous vous retrouvez avec quelque réfugiés français au salon de thé après le travail pour discuter "comme avant". Vous avez la même culture, les mêmes références, ça fait plaisir de ne pas avoir l'impression de devoir jouer un rôle. Avec eux vous pouvez être vous-même.


La télévision du salon diffuse alors l'interview d'un politique. Il a l'air très remonté contre la situation de "submersion migratoire" que traverse son pays.

-"C'est une question de culture, ils ne sont pas comme nous, comment voulez-vous les intégrer?"

-"Ce sont des voleurs! Ce sont des violeurs! Ce sont des assassins!"

-"Le multiculturalisme ça ne peut mener qu'à la guerre civile"


Un tas d'âneries pareilles pourrait vous faire sourire. Mais vous sentez très bien le danger que peut faire courir ce genre de discours à votre situation fragile.

Déjà dans les rues vous croisez des gens qui changent de chemin en vous voyant. Étrange. Vous êtes pourtant un petit peu connu dans le quartier, tout le monde sait les efforts que vous avez fait depuis votre arrivée.

Le long des murs d'un grand bâtiment abandonné vous voyez fleurir des affiches aux propos inquiétants: "Sauvons notre pays! Halte à l'immigration Toubab!"


Finalement, ce pays devient votre pays

Les années ont passé. Vous avez traversé mille épreuves de plus. Certaines peu joyeuses comme la fois où de jeunes écervelés vous ont passé à tabac en criant "sale toubab!" Mais vous êtes fort. Et vous vous relevez à chaque fois.

Vous avez trouvé un(e) époux(se), un(e) français(e). Vous avez eu des enfants. Si vous avez dû fuir votre terre natale, cette terre sera la leur. Ils sont nés ici. Ils n'auront plus à s'inquiéter de se faire taxer de toubab pensez-vous naïvement.


Mais les violences redoublent. Plus les années passent, plus vous voyez de manifestations scander en cœur "On est chez nous! On est chez nous!". Dans votre boîte aux lettres, ce sont des menaces de mort que vous interceptez avant votre famille afin de n'inquiéter personne.

Un beau jour, vos amis vous proposent de faire un bon vieux barbecue "à l'ancienne" dans un parc fort joli. Enfin une occasion de se vider la tête! Vous buvez du vin et quelque bières avec eux, et sans que vous ne vous en rendiez compte, vous voilà déjà à chanter haut et fort du Patrick Sébastien en dansant avec vos proches. Un grand moment de partage!


Le lendemain les journaux titrent: "Ivres, ils hurlent des insanités et salissent nos rues!"

Vous ne vous attendiez pas à ce que l'on parle de vous dans le journal pour si peu, vous avez de nombreux amis locaux qui font la fête à tout bout de champ, et bizarrement, eux ne finissent jamais en première page du journal local...

Finalement las de tous ces petits jeux, vous vous retrouvez pour un bon repas en famille. Vous demandez aux enfants comment c'était à l'école. Votre fils aîné vous demande "C'est quoi un Toubab?" Et c'est à ce moment là que quelqu'un frappe vigoureusement à votre porte.

-Monsieur? Veuillez nous suivre s'il vous plaît.

La police? mais enfin... pourquoi? ai-je fait quelque chose de mal? ou les enfants peut-être? Qu'est-ce qui se passe enfin?

-"Simple vérification de routine monsieur, laissez-vous faire je vous prie."

-"Chéri(e)? Qu'est-ce qui se passe?"

-"Surement rien ne t'inquiète pas, je devrai être rapidement de retour!"


Vous revenez chez vous une semaine plus tard.

Votre famille était morte d'inquiétude, vous avez subi des violences pour vous faire avouer n'importe quoi... Ils ont prétendu que vous étiez un espion, ou un passeur de drogue, ou n'importe quoi d'autre "Les gens comme toi on les connaît..." ont-ils dit... C'est de l'intimidation. Et vous ne comptez pas vous laisser faire.


La télévision vous retransmets des "spécialistes des toubab" qui parlent du danger du communautarisme:

-"Ces gens sont inadaptés à notre société, ils ne vivent qu'entre eux et refusent de se joindre à la société. Ils sont un danger pour la cohésion de notre pays! Et puis le climat est trop rude pour leurs peaux blanches ici: renvoyons-les en Europe, ils y seront bien plus heureux!"

"Quel ramassis de conneries" vous dites-vous en vous-même. Depuis des années que vous travaillez sang et eau pour ce pays, vous y avez des amis, une famille, vos enfants sont nés ici! Et il faudrait les renvoyer en France? Dans un pays qu'ils n'ont jamais connu où violences et guerres des gangs ont succédé à la guerre? Autant les condamner à mort, ça irait plus vite et ce serait plus honnête.


Les générations passent

-"Je me demande ce que Grand-Papi penserait de tout ça" soliloque votre arrière petit-fils.


Vous avez bien vécu, affronté les dangers, mis votre famille à l'abri profité de vos rares moments de joie intensément et finalement rendu votre dernier souffle dans ce pays, devenu le vôtre.


Votre arrière petit-fils observe de sa fenêtre un cortège scandant des slogans incisif: "Toubab, rentre chez-toi!" "Ils nous volent notre travail!"

Il ne se fait pas d'illusions. Bien que sa famille soit ici depuis quatre générations maintenant, il sait qu'il doit faire profil bas. Que pour ces gens, ce pays ne sera jamais le sien simplement à cause de la couleur de sa peau.

Tous les efforts et le travail du monde n'y changeront rien.

Dans leur tête c'est tout vu: les toubab sont la lie de l'humanité et la source de tous leurs malheurs. C'est pratique il faut bien avouer. Avoir un bouc émissaire c'est toujours plus facile que d'affronter les réelles transformations dont a besoin le pays.

Enfin, je peux toujours aller rejoindre mes amis français, leurs grands- parents étaient les amis de Grand-Papi. Avec eux, je me sens en sécurité. On reste solidaires. Mais même ça on veut nous l'enlever. Il paraît que c'est du "communautarisme". et que c'est mal. Ah bon.


Pourtant moi je ne vois que des gens qui essaient de s'en sortir et d'être heureux.

C'est dangereux de vouloir être heureux?


Quand je cherche du travaille on me dit "on n'embauche pas les toubabs!"

Puis quand les autres me voient inoccupés j'ai droit à "Trouve-toi un travail sale parasite toubab!"

Faudrait savoir... Trouve toi un boulot, on n'embauche pas les gens comme toi... un peu de cohérence dans votre haine messieurs serait la bienvenue.

Quand j'explique ma situation à des conseillers j'ai droit au traditionnel: "Et... avez-vous pensé à retourner en France?" En France? Mais je ne connais pas la France! Je suis né ici! ma mère aussi et sa grand-mère aussi!!


Il est très facile de jeter l'opprobre sur une communauté.

Alors pourquoi s'en priver?

De toute façon ce qui compte ça n'a jamais été la vérité.

Mais ce dont on accepte de se laisser convaincre.





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c.lair.e verif

C.lair.e 2 hours ago

C'est l'histoire d'un étranger qui mangeait le pain des français... Fernand Raynaud n'est pas loin.
Bravo !

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