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De plein fouet

De plein fouet

Published Apr 18, 2024 Updated Apr 19, 2024 Romance
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De plein fouet

 

                                                                                     Un soupçon de 1858 aux allures d’Ansouis

Lettrine v majuscule

 

 

ous allez abîmer votre livre.

Alfred, niché contre l’arbre centenaire bordant le petit lac du domaine, sursauta ; il quitta sa page des yeux pour apercevoir une demoiselle décoiffée dont la robe était entachée de boue, du moins sur l’ourlet. Quelque chose dans l’attitude de la jeune fille lui fit comprendre qu’elle ne saisissait pas l’incongruité de la situation : seule avec un inconnu, tous deux apparemment du même âge et sans chaperon pour la protéger.

Par réflexe de bonne éducation il se leva et semblant donner raison à son apparition, le livre tomba dans l’herbe du côté le plus fragile. Les pages en seraient irrémédiablement tachées.

- Vous n’êtes pas très soigneux.

Constat qui l’agaça car oui, justement, il l’était.
Il ramassa l’ouvrage, vérifia l’étendue des dommages qui se résuma à un brin d’herbe. Il respira plus librement puis il sursauta encore car la jeune fille s’était approchée, trop selon les convenances.
Du haut de ses dix-huit ans il ne savait comment gérer ce moment fait d’étrangeté et de douceur.

- Je ne vous prêterai jamais de livre ! Résonna comme une condamnation si immuable qu’il se surprit à sourire.
- En avez-vous beaucoup ?
Elle réfléchit en pinçant les lèvres - qu’elle avait fort jolies.
- J’en ai compté douze.
Elle avait réfléchi trop longtemps, ce qui fit revenir en lui le malaise d’origine au point de lui faire détourner le regard sans trouver à dire quoi que ce soit.
Elle en tourna les talons et s’enfuit.

Lors du dîner ayant lieu le soir même, entouré de sa famille et de quelques voisins, Alfred s’arrangea pour se renseigner sur son inconnue. Alors que la discussion s’enflammait autour de l’attentat visant Napoléon III, il se pencha vers Charles, son cousin qui vivant dans la région (Alfred et ses parents avaient été invités durant les mois d’été) était au fait de tout ce qui se passait dans la région.

- Beaucoup de jeunes filles résident autour de chez vous ?
- Tu veux dire de bonne famille ?
Sur un petit rire Charles fit gigoter ses sourcils sans doute en une allusion malsaine.
- À part les demoiselles de Brieve qui n’ont pas l’honneur d’être à notre table ce soir, je ne vois personne …

Charles le scruta cette fois sans aucune mimique, ce qui aurait pu paraître presque inquiétant.
- Sauf si tu fais allusion à …
Charles mit de façon ostensible un doigt sur sa bouche.
- Personne n’a le droit d’en parler.
et sur une expression théâtrale ajouta :
- ni même de l’évoquer.
Devant la perplexité d’Alfred il se rengorgea.
- Il existe un cas particulier !
- Particulier ?
- La fille du duc de Sabran.
Il ménagea une pause et compléta avec fatuité :
- Le duc Elzéar-Louis de Sabran n’a pas eu d’enfants de sa femme (une histoire de chasteté assez embarrassante …) donc il a institué ses deux neveux comme héritiers : les Pontevès-Bargème. Une ordonnance royale en 1825 a autorisé la transmission du titre. Le nom de Sabran est depuis porté dans la famille de Pontevès par adoption depuis 1832.
- Un véritable généalogiste !
- Bien obligé mon cher quand on cherche une alliance productive ! Le dernier duc a eu six enfants, 3 filles et 3 fils. La plus jeune est celle que tu as rencontrée. À cause d’un accident survenu enfant, on la dit « simplette ».

Si Alfred fut plus à même de comprendre la situation, il en fut également intrigué. Il revint donc chaque après-midi au même endroit dans l’espoir de revoir sa visiteuse.

Pasyge de chateau

Elle ne réapparut que dix jours pour tard alors qu’il tournait le dos au bois dont elle avait auparavant surgi.

- Vous aller me marier ?

Il se retourna promptement.
Elle était là dans une nouvelle robe chiffonnée avec sa chevelure en lierre sur l’épaule où serpentait un ruban.

- Vous aller me marier ? Répéta-t-elle

Bouche-bée tant par son apparition que par ses mots, ses yeux dans les siens, il demeura coi.

- Vous êtes venu tous les jours pour m’attendre - devant sa surprise elle lâcha un petit rire - je me suis cachée pour vous espionner …
Elle fronça les sourcils.
- D’habitude je ne fais pas ça mais vous me rendez un peu timide.

Un aveu aussi candide ne pouvait qu’émouvoir.
Il devait pourtant lui dire qu’elle se faisait des idées, qu’il n’avait aucune intention de la courtiser, qu’il ne s’intéressait pas vraiment à elle et que c’est seulement la curiosité qui l’avait attiré ici.
- Vous ne dites rien. Vous êtes fâché ?
- Non non … Je …
- Ah ! On vous a parlé de moi …
Une question sans l’être.
- Mes soeurs disent que je n’ai pas toute ma tête …
- Pour vous dire cela, elles - ne doivent pas avoir tout leur coeur.

Elle lui dédia un sourire qui irradia jusqu’au plus profond de son être.
- C’est vrai que vous êtes quand même revenu !

Oui mais cela ne voulait rien dire.

Bien sûr en tant que cadet de quatre fils il n’avait pas le poids du titre à porter et la faible allocation que son aîné, après succession, daignerait lui accorder ne suffirait peut-être pas à son train de vie. Ses parents envisageraient une telle union comme une chance pour lui malgré le « contexte ». D’autre part le père de la jeune fille verrait peut-être là une solution au problème de sa fille …

- Je savais que vous seriez mon prétendant. C’est ainsi que l’on appelle son amoureux quand il cherche à vous voir tout le temps, comme vous. Ma soeur aînée en a un, j’ai appris le mot comme ça.

Très fière elle pointa un menton défiant que la gêne fit soudain baisser sur les plis de sa robe ; elle les tritura avec beaucoup d’application.
Ses changements d’humeur le fascinait.
Ce qui expliquait sans doute son attitude de fantoche.

- Je m’appelle Sybille et vous ?
- Alfred.
- Cela me plaît.

Il en fut stupidement content parce que ce prénom féminin prêt à l’envol tel son coeur dès qu’il la voyait, présageait le meilleur.

Portrait d'amoureux

 

- Si vous voulez qu’on se marie, il faut en parler à mon père.
Elle était soudain si délicieusement sévère qu’il ne put que la suivre lorsqu’elle y encouragea.

On ne contrariait pas une femme qui prédisait l’avenir.

 

 

 

Photo de couverture Lettrine et illustrations : Chantal Perrin Verdier

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Sybille : Dérivé de Sibylle, du grec sibylla, «prophétesse». À Rome et en Grèce, Sibylle était un prénom attribué aux femmes qui lisaient l'avenir dans les oracles.

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