Ce soir, quand Elle raccroche, Elle n’a pas envie d’être seule et tourne comme une lionne en cage, en ressassant cette conversation qui lui laisse un goût de cendres au fond de la bouche…BARBARA, comme une nouvelle rivale. 

Barbara, la jolie banquière locale sortie de nulle part, qui devient subitement un danger dans cette relation virtuelle et platonique, totalement à part. Alors, plutôt que de passer sa frustration sur du chocolat, Elle claque des doigts et sonne instamment le petit sucre d’orge, qui traverse la ville pour s’accrocher à ses hanches. C’est beaucoup moins calorique que le Nutella.

Tellement pratique cet amour en livraison, à toute heure du jour ou de la nuit, et plutôt efficace pour lui changer les idées, en règle générale.

Le petit sucre d’orge est un bon amant, soucieux de la satisfaire, toujours à l’écoute, Elle n’a rien à lui reprocher, et pourtant, Elle le trouve terriblement insipide et cruellement sans saveur.

Il est trop… trop mielleux, trop doux, trop toujours d’accord, trop dégoulinant de cet amour sucré qui lui donne la nausée. Un peu comme un loukoum… Ça colle aux dents, c’est pâteux et à force d’en manger ça devient écœurant.

Après des heures de sensualité fauve, il s’endort épuisé, dans son lit à baldaquin tandis qu’Elle le regarde, implacable, tentant encore de se convaincre que ce serait quand même tellement plus simple si Elle pouvait ne serait-ce que l’aimer un peu. Mais, rien ne palpite, en son for intérieur, même en fouillant bien.

« Oui mais lui, il est là ! Il ne fricote pas avec cette « Barbie ».

Ton banquier là, il ne pense pas à toi la nuit, alors que tu as ce mec, qui te décrocherait la lune ! Et puis, franchement lui tu le connais à peine… Tu ne l’as jamais vu en vrai ! Si ça se trouve, il ne te plaira pas, si ça se trouve tu n’aimeras pas son odeur, ou le grain de sa peau… "Non, faut que tu arrêtes ça maintenant, tu te fais du mal pour rien, je ne savais pas que tu étais ce genre de nana mièvrement romantique, beurkkk… Ben oui, c’est ça, en fait, le truc... Le seul moyen d’être vraiment sûre que c’est une énorme connerie et de reprendre une vie normale c’est de le voir ! »
D’un revers de main résolu, Elle fait taire sa foutue petite voix intérieure goguenarde et s’endort enfin. Avec la certitude que si Elle arrivait à Le rencontrer, cette inexplicable et déraisonnable attirance disparaitrait aussi vite qu’elle n’est apparue, un jour de vulnérabilité exacerbée, simplement parce que sa carapace chérie était remisée en salle des armes.

Les jours suivants, Elle réfléchit à différents stratagèmes lui permettant de Le rencontrer physiquement, persuadée qu’à cet instant, le fantasme volerait en éclats au contact de la réalité, si souvent cruelle.
Elle s’est laissée prendre à son propre jeu, dans une version 2.0 de l’arroseur-arrosé, est naïvement tombée sous le charme d’une voix douce, d’un homme dont elle ignorait presque tout.

Si ça se trouve, elle n’existe même pas cette Barbara ? Tu imagines ça, pauvre idiote ? Peut￾être qu’il l’a inventée cette fille, précisément pour te rendre jalouse ! Et toi tu tombes dans le piège, comme une cruche ! 
Ben oui, peut-être… C’est pour ça que je dois en avoir le cœur net, c’est simple non ?