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Le virus néolibéral

Le virus néolibéral

Published May 1, 2020 Updated Sep 29, 2020 Politics
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Le virus néolibéral

La pandémie du Covid-19 laissera, dans notre inconscient individuel et collectif, une empreinte durable, essentiellement par l'obligation du confinement, mesure radicale et si peu adaptée au fonctionnement de nos sociétés modernes. Empreinte durable, mais pas indélébile, car le genre humain a ceci de particulier de ne pas garder en mémoire le souvenir permanent des traumatismes, fussent-ils de grande ampleur. C'est sans nul doute nécessaire pour l'hygiène mentale, pour continuer à vivre le plus normalement possible, pour se projeter dans l'avenir, pour construire (ou détruire, hélas !) notre univers.

La situation que nous avons vécue en ce printemps 2020 - et que nous continuons à vivre au moment où j'écris ces lignes - a été qualifiée par les différents milieux, qu'ils soient gouvernementaux, administratifs, médiatiques ou spécialisés dans le domaine de la santé, comme une "crise sanitaire". Or, de mon point de vue, et sans doute de celui de beaucoup d'autres que moi, cette définition est, non pas stricto sensu inexacte, mais plutôt incomplète ou réductrice. Car, à mon sens, ce que nous avons vécu - ce que nous vivons - n'est pas seulement une crise sanitaire, c'est surtout la crise d'un système, celui du néolibéralisme.

Le néolibéralisme, c'est le fonctionnement en flux tendu, en termes financiers et des moyens mis en oeuvre à un moment donné, de tous les secteurs de l'économie productive, mais aussi des services publics. Pour les concepteurs, promoteurs, prosélytes et affidés de cette idéologie du profit à tout crin, il est tout à fait inconcevable qu'il puisse exister des pans de l'organisation socio-économique n'ayant pas à répondre à des critères de "rentabilité", et pour ce monde-là les concepts comme la solidarité, le partage, la réduction des inégalités et l'objectif de leur éradication relèvent de l'aberration la plus totale !

Le néolibéralisme est un modèle dont le crédo absolu est celui de la compétition, conçue et organisée à l'échelle mondiale, pour réduire au maximum les coûts de fabrication et de fonctionnement et pour augmenter de manière exponentielle les marges et les profits des possédants de capitaux, des gros actionnaires, des spéculateurs "classiques", mais également de ceux qui font mumuse avec le dernier joujou en date de ce monde sans éthique et sans pitié, à savoir le 'trading haute  fréquence' (sic !) qui consiste à transmettre automatiquement et à très grande vitesse des ordres sur les marchés financiers, sans intervention humaine, à l'aide d'algorithmes... Une machine infernale de notre temps !

La crise sanitaire actuelle est donc une crise systémique et on pourrait se dire que ce pourrait être un espoir, une opportunité de tourner la page de ce modèle capitaliste arrivé au bout du bout de l'infâme dans sa déclinaison d'une économie qui broie aussi bien les individus que le collectif et les mets sous la coupe et la logique des flux financiers mondialisés. Or, rien n'est moins sûr... car ce serait ignorer que le capitalisme utilise les crises pour se réguler, se débarrasser des "branches mortes", se réorganiser et repartir de plus belle dans son éternelle fuite en avant qui a pour maître mot la croissance à tout prix...

Aussi, ne nous leurrons pas : c'est la perspective que se sont tracés dès le début de la crise actuelle, et malgré des propos donnant l'impression d'une certaine remise en question du modèle, les classes politiques dirigeantes - au premier rang desquels les gouvernants -, les milieux économiques parties prenantes de la mondialisation néo-libérale... les premiers cités étant de fait les exécutants de cette doctrine prédatrice.

Au milieu du chaos, on commence déjà à entendre cette "petite musique" qui est une des caractéristiques fondamentales du capitalisme, à savoir que pour "compenser les conséquences de la crise, il faudra faire des sacrifices, augmenter le temps de travail... mais pas la rémunération (vous n'y pensez pas, quand même !)." Et, bien évidemment, ce sont les acteurs premiers de la production, les laborieux, ceux des échelons les plus bas de la société qui devront les faire ces sacrifices ! Pas les possédants de biens et de capitaux et surtout pas les spéculateurs en tous genres, ceux qui brassent des millions (milliards ?) virtuels devant leurs claviers d'ordinateurs et en quelques clics de souris, les requins de la finance pour qui les hommes qui par leur travail produisent les richesses, ne sont justes que des citrons que l'on presse, des variables d'ajustement !...

Aussi, je suis plus que sceptique devant les résultats émanant du baromètre 'Greenflex' qui mesure chaque année le comportement et l'état d'esprit des Français vis-à-vis du "développement durable", une expression "tarte à la créme" s'il en est... Selon les indications diffusées tout récemment par cette entreprise filiale du Groupe Total - ce qui déjà en soi est assez équivoque... - 57 % des Français estiment désormais (j'adore l'adverbe !) qu'il faut "complètement revoir notre modèle économique et sortir du mythe de la croissance infinie." D'après cette même source, "il y a 2 ans, ils n'étaient que 30 % à avoir cette certitude". Que voilà un changement d'état d'esprit des plus rapides !

En dehors du fait que l'on peut légitimement nourrir quelques doutes sur la sincérité des conclusions provenant d'une entité pas vraiment en adéquation avec un modèle économique alternatif, un sondage reste ce qu'il est : une "photographie" de l'opinion publique - du moins d'un échantillon soi-disant représentatif - prise à un moment donné, avec toute la charge émotionnelle de l'environnement, du contexte, qui influe sur les réponses.

Car, "revoir complètement notre modèle économique et sortir du mythe de la croissance infinie", cela signifierait, au delà de l'abstraction des mots, remettre pour une bonne part en question nos modes de vie et bien de nos conforts, de nos conceptions de la vie en société. Et, pour le coup, je ne suis pas convaincu du tout que la majorité de nos concitoyens, une fois sortie du climat bien particulier de ces dernières semaines, ait attrapé ce virus-là !

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