CHAPITRE X :
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CHAPITRE X :
CHAPITRE X : Où l’on n’a rien sans rien
Lors de la réunion du 24 septembre, ainsi fixée au mardi pour permettre aux parents de s’occuper de leurs enfants, le délégué du service voirie, avec l’appui tacite[1] de l’adjoint en charge, intervient :
« Nous recevons trop fréquemment des demandes d’intervention, de prêt de matériel, avec des délais de plus en plus courts. »
« Le service des notes internes nous transmet systématiquement les courriers d’organisateurs divers et variés, dont le service festivités se débarrasse ! »
« Monsieur le Délégué, je vous rappelle que nous avons une mission, que nous remplissons avec rigueur et célérité, dont l’importance ne peut être mise en doute ! » : répond l’adjoint en charge du service festivités.
« Si nous vous transmettons immédiatement les courriers visés par mon service, c’est, bien entendu, dans votre intérêt exclusif. Nous vous permettons ainsi d’organiser au mieux votre planning. »
« Dès cette transmission, nous réservons les barrières nécessaires et établissons la pré-note de service, dans l’attente de votre retour. »
Le délégué, devant l’absence d’intervention de l’adjoint[2] en charge de son service, présente ses excuses et explique :
« Il s’agit à l’évidence de la conséquence de la paupérisation des services. Le vôtre comme le mien. »
Immédiatement des voix des divers délégués et adjoints se font entendre, réclamant une revalorisation de leurs moyens qui ne sont pas moins restreints.
Le secrétaire de la réunion et le président s’engagent à soutenir ces demandes devant le Maire.
L’adjoint en charge du service des décorations de Noël, et le chargé de mission de celui d’attente des justificatifs, conscients de la sensibilité budgétaire de leurs services, craignant qu’une revalorisation des budgets des autres services, puisse, sans doute, être compensée par une diminution des leurs, exigent que soit organisée une réunion plénière mais à huis clos[3], de l’ensemble du Conseil municipal, pour en discuter.
Le délégué aux décorations de Noël (en charge du service des décorations de Noël, devrait-on dire ! Mais tant qu’ils n’entendent pas, il parait utile sinon nécessaire de simplifier l’intitulé de leur titre), fait montre de son caractère bien trempé de fonctionnaire, sûr de sa compétence et de son droit.
« Il convient de préciser qu’à défaut d’amélioration conséquente de la situation de mon service avant fin septembre, je ne pourrais m’engager à fournir au service voirie, les décorations nécessaires. »
« Encore une fois, nous sommes la cinquième roue du carrosse ! » s’insurge le délégué aux festivités (Ne lui dites pas que j’ai raccourci…).
« En quel honneur, vous permettez-vous de passer directement par le service voirie, sans que nous ayons organisé la réception des décorations et leur distribution ? »
- « Il faut, à l’évidence, créer des postes d’observateurs auprès des autres services pour vérifier le respect tant des règles saines de gestion d’une commune que celui dû aux personnes et agents qui se démènent chaque jour pour le bien des administrés ! »
Le délégué de la commission de communication de crise se réveille en sursaut en entendant cette formulation.
Il intervient :
- « Je sais bien que j’empiète sur le domaine de la Commission de surveillance des discriminations et protection des minorités, mais je me vois dans l’obligation d’intervenir, en l’absence de leur délégué. Je vous saurais gré, monsieur le secrétaire, de bien vouloir enregistrer ces excuses préalables et de faire transmettre mon préambule et la teneur de mon intervention au service notes internes et à la Commission de gestion des interventions, pour transmission officielle à ladite commission. »
- « Monsieur le délégué aux festivités, autant je comprends votre colère, autant je m’insurge, sinon me rebelle, contre la discrimination entre personnes et agents ! »
- « Il est parfaitement inadmissible que, sous le couvert d’une formulation plus marquante, plus virulente, plus marketing, en somme, ou par l’utilisation de répétitions, vous puissiez discriminer les agents en les distinguant des personnes ! »
- « Vous croyez-vous supérieur, en étant une personne, à vos subordonnés qui ne seraient -que- des agents ? »
Face au sourire des délégués avec lesquels il ne s’entend pas, face à la tête baissée des autres, devant la virulence de cette remise en place, et comme l’adjoint en charge de son service s’éclipse discrètement en faisant état d’autres obligations, le délégué aux festivités présente ses excuses et offre ses pleurs en preuve de bonne foi.
Il insiste sur l’excès de stress de son service, il rappelle que les agents dont, à l’évidence, il ne mérite pas la direction sont à bout, qu’il y a déjà 32 % d’absentéisme et que lui-même est officiellement, à compter de cet instant, en burn-out.
Puis avec toute la dignité du martyr couvert de cendres, il se retire de la réunion et se rend au cabinet de son médecin traitant pour établir son arrêt-maladie initial.
Le Maire qui promenait sa patience et sa sérénité dans les couloirs du palais municipal, se fait bousculer par le délégué en larmes sèches mais à la colère torrentielle[4].
N’ayant pas eu la possibilité de l’arrêter, il entre dans la salle de réunion et interroge le secrétaire et le président de la séance.
Après quelques explications, il s’adresse à monsieur TORQUET, le délégué à la commission de communication de crise.
« Je prends la décision de vous muter à la commission de surveillance des discriminations et protection des minorités, où je suis persuadé que vous apporterez la rigueur la plus précieuse et une disponibilité indispensable, semble-t-il. »
« Monsieur le secrétaire, veuillez noter en votre compte-rendu, de prévenir le 6ème adjoint (sécurité du Maire) et le 15ème (communication de crise), de ma décision et monsieur MADAT, l’adjoint en charge de la commission de surveillance des discriminations, qu’il doit s’adresser à mon secrétariat pour récupérer l’ordre de mission et l’avis de mutation, pour intégrer le nouveau délégué. »
Monsieur TORQUET se retient de pousser son soupir de satisfaction.
En effet, si la commission de communication de crise est très rémunératrice, cela reste très ponctuel et ne permet pas d’assurer un revenu stable.
Alors que la commission de surveillance des discriminations et de protection des minorités, intervient à très grande fréquence, avec l’appui des associations anti-tout subventionnées.
De plus, c’est cette commission qui valide les projets et les budgets des associations.
Le pouvoir de budgétiser les montants des subventions assure un revenu régulier qui correspond à la lourde charge et à la responsabilité épuisante de ce poste[5]. De plus, les élus ne manquent pas de féliciter, de manière concrète, les agents qui œuvrent à maintenir un taux de satisfaction majoritaire des électeurs dans les sondages demandés par le service communication, en pleine coopération avec la commission.
Le secrétaire de séance note, précisément, et enregistre sur son téléphone, la harangue particulièrement charismatique, que tient le Maire après sa décision, sur l’évolution de la société, sans oublier de mettre en exergue la volonté de l’équipe municipale de protéger l’environnement et de développer toutes actions qui permettent de limiter le réchauffement climatique.
L’adjoint en charge du service de l’environnement ne manque pas de noter exactement les termes du discours, craignant avec raison que le compte-rendu de séance ne soit pas exhaustif.
Il parvient lui aussi à enregistrer sur son téléphone.
Il profite des interventions diverses et variées, tout en restant sans intérêt, des adjoints présents, pour transcrire la citation exacte sur le site de communication externe de la commune. Il publie également sur FaceBook un post montrant l’efficacité de son action démontrée par le discours du Maire, et met le lien sur twitter. Il n’ose cependant pas danser de joie sur TIKTOK…
Il est, se dit-il, toujours bon de prendre date.
Il pense à ce bruit qui court au sujet d’une démission du 3ème adjoint aux relations intercommunales, du parti majoritaire…
[1] En politique comme dans l’administration, les appuis sont le plus souvent tacites, par précaution.
[2] Un exemple de l’intérêt du soutien tacite…
[3] Les séances à huis clos ne font pas l’objet d’un rapport de réunion.
[4] Analogue au phénomène méteo d’orage sec. Très dangereux si la pluie arrive ensuite.
[5] Cf note 13. Toujours ce souci naturel de compenser le risque et les responsabilités.