CHAPITRE XVI
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CHAPITRE XVI
CHAPITRE XVI : Où une idée en entraine une autre
Fort de ses succès quant aux travaux de fixation et de la réunion de l’association de monsieur DUPONT, le maire se demande si une autre association ne pourrait pas s’opposer à la végétalisation de la rue Monorgueil ?
Il lui semble que certains commerçants pourraient être sensibles à la difficulté d’accès de leurs commerces, par cette fermeture de la rue aux véhicules des communes avoisinantes.
Cela ne suffirait sans doute pas. Mais l’adjoint pourrait peut-être avancer l’idée d’un financement pour obtenir que certains commerçants de la rue déménagent ?
Les riverains seraient, sans doute, sensibles à une certaine dévitalisation de leur rue. Surtout si le tramway passait dans une autre rue !
Il faut trouver d’autres arguments pour convaincre au moins partie des riverains, dont certains, les purs citadins, sont malheureusement déjà favorables à l’élimination prévisible des bruits des sirènes des véhicules de secours qui sortiraient de l’autre côté et des bruits de circulation.
A ce propos, il lui faut donner quelques éléments au propriétaire des murs de la superette et au commerçant, pour qu’ils puissent déposer un recours administratif et même prévoir un référé suspension.
Incidemment, il regrette de n’avoir, malgré son soutien, pas permis l’élection du propriétaire des murs à la députation.
Comme les communes situées au nord de sa ville seront sanctionnées par cette coupure de l’axe principal d’entrée, il serait peut-être possible de motiver en douceur les maires de la communauté urbaine, pour qu’ils s’opposent au projet par le biais du financement.
Les habitants de ces 8 communes verront leur vie compliquée pour rencontrer et même accéder aux différentes professions libérales, dont les médicales, concentrées sur la ville.
Il faut également qu’il initie un sondage auprès de ses concitoyens pour prévoir une consultation populaire si suffisamment d’opposition au projet se fait jour. Cela calmera peut-être les ardeurs de l’adjoint, s’il peut perdre trop de votes.
Il ressent autant une grande solitude que cette excitation particulière du combattant qui monte sur le ring.
Le 3ème adjoint a été, sans doute, un peu pressé, ou impatient. La présentation du projet lui a fait découvrir son jeu, suffisamment en amont des élections pour préparer le contre-feu.
Mais cette approche du projet en lui-même, n’est pas suffisante. Il lui faut absolument diviser les alliés de l’adjoint. Mais tout d’abord, encore faut-il savoir qui en fait partie !
Il saura alors promettre avec conviction pour les rattacher à sa cause.
Et rien n’empêche ensuite de les remplacer dans la liste en menant campagne contre les excès administratifs.
Le risque de cette argumentation est de lui être reproché de n’avoir rien fait pendant son premier mandat.
Cependant, la mémoire des électeurs étant ce qu’elle est, ce reproche n’aura pas beaucoup d’impact.
Chaque discours à venir, et le projet de la rue Monorgueil en sera une bonne occasion, devra aborder la question.
Il pourrait même présenter monsieur Dupont comme chargé de mission contractuel, avec les membres de son association, qui seront forcément des soutiens et des électeurs favorables…
Il va solliciter le propriétaire des murs de la superette pour qu’il mette des locaux à la disposition de l’association de monsieur Dupont, sans que, bien sûr, cette association perde sa crédibilité en profitant de largesse de la mairie.
Il faudra également que le patron de la supérette puisse passer en charge une cotisation importante auprès de cette association.
Il renverra l’ascenseur d’une manière ou d’une autre.
Il lui vient une autre idée qui peut satisfaire l’initiateur du projet de végétalisation ou qui pourra difficilement refuser d’y être sensible.
Dans le cadre du changement des noms de trois rues, il peut faire passer le message, par différents intermédiaires, auprès du professeur des écoles, que sa rue pourrait, à l’avenir, porter le nom de rue de l’Ile de Lesbos.
Les autres habitants de la rue seront majoritairement opposés, s’il en croit sa connaissance sociologique de ses électeurs, et surtout si l’explication insiste sur l’objectif de défense des migrants.
Ce refus motiverait fortement le professeur des écoles avec, espoir raisonnable, une campagne suffisamment violente pour permettre un rejet lors d’une consultation locale.
Il pourrait même amener une association, avec en choix premier celle de l’initiateur du projet de végétalisation, l’Association Normative d’Études et de Réalisation d’Initiatives Écologistes[1], à exiger un centre d’accueil de migrants, dans cette rue. Et peut-être aller encore plus loin, en exigeant un centre social avec une salle de shoot ?
Et lui, se déchargera de toute responsabilité en promettant d’appliquer la décision des citoyens lors d’une consultation locale, tout en amplifiant le bruit que l’initiative provient du porteur de projet de végétalisation …
Il va prendre contact avec le professeur pour le sonder et le féliciter de son courage et de l’énergie qu’il déploie.
Également, il lui faut immédiatement commencer à rédiger les discours de cette campagne de destruction de ses adversaires.
Sa paranoïa, celle qui lorsqu’elle manque, entraine la défaite, lui interdit de commencer à rédiger dans son bureau de la mairie.
Il passe quelques coups de fils anodins, au cours desquels il relève sa tristesse de prendre acte de la démission du 3ème adjoint du parti auquel il appartient. On ne sait jamais, n’est-ce pas [2]?
[1] Contrairement aux expressions, l’âne est un animal intelligent.
[2] Ne jamais insulter l’avenir