

Linge de maison
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Linge de maison
Bonjour, cher journal
Malgré toutes mes résolutions, bonnes ou mauvaises, c’est selon, me revoilà mon cher journal à écrire des choses dont tu n’as rien à faire…
Je me disais hier, la page est tournée, tu vas t’en sortir…Ca va être dur au début et puis tu seras forte. Une autre vie, une autre toi… pour Hugo…
Et tout à coup: patatras: le manque de lui, le manque de tout, il me manque c’est tout!
Chaque chose me fait penser à lui, une recette, un film, une histoire, même une pub à la télé.
Chaque chose est imprégnée de lui. Ma vie est un tissu fait de simple coton, mais brode de fils d’or. Le coton, dans ma métaphore, c’est moi, quant à l' or, et bien c’est lui…
Ma vie avant lui, j’étais quoi? Une taie d’oreiller, mal repassée. J’étais déjà un peu usée, lessivée avec une lessive de mauvaise qualité . Terne éteinte et les couleurs passées.
Puis je fus brodée de fils d'or, point de chaînette, passé plat, point de nœud, j’eu droit à tout.
Et je devins digne de paraître sur son lit.
Avant, je n’étais point, je survivais ( je suis une survivante, parait il, je préfère résiliente )
Je faisais ce que les gens attendaient de moi. Espérant ainsi capter leur attention, si ce n'est leur amour…
Et d’un coup d’un seul, je me trouvais belle, je me trouvais aimable. J’avais mon fil d’or, nous étions imbriqués.
Je n’étais plus usée, on avait rapiécé mes quelques déchirures.
Cela a duré pendant 14 années, bien sûr il fallut encore qu’on me raccommode de temps en temps, , le fil d’or s’usait parfois, alors je le renforçais, et il me renforçait de même.
Et puis, mauvaise lessive, ou essorage trop fort, la couture s’est rompue.
Mais plus solide que moi, le fil d’or orne désormais une paire de draps bon marché. Et moi, taie d’oreiller, mes teintes sont passées, je suis toute froissée. Mon fil d’or me manque, je ne vois plus de moi, que mes déchirures, mes pièces rapiécés. Adieu point d'épi, point de croix, point bouclette...
Nul fil d’or ne viendra plus m’orner. Dans le fond du placard, je vais être reléguée.
Voilà toutes mes pensées petit journal, tu es désormais le journal d’un âme effacée, d’une taie d’oreiller, bien terne, mal repassée
Peut être que l’on tirera de moi de quoi faire un mouchoir pour les yeux embués.
Peut-être une pochette pour ranger des trésors, boutons en bois, dés à coudre et bobine de fil d’or…


Aline Gendre 13 hours ago
Vous regorgez de trésors. Et votre valeur ne dépend de personne. Mais je comprends très fort ce que vous voulez dire ... Ce n'est pas si facile de se rapiécer.