Hier, vers midi, j’étais assis sur une terrasse ensoleillée à Lyon, avec mon café, et le mur est revenu. Il a commencé à se construire pendant mes groupes d’écriture hebdomadaires, au début juste comme un test. Sur cette terrasse, je l’ai senti dans mes cellules, je l’ai vu devant moi, et l’idée m’a collé à la peau toute la journée, puis toute la nuit. Le résultat est cette litanie. Une litanie de "sois" où le "sois" finit purement et simplement écrasé par Le Mur. Vos retours sont les bienvenus.

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Le Mur

voici le mur que j'ai construit de mes mains

le mur de mes quatre langues,

une geôle de son

le mur sourd de mes racines

le mur hurlant de mes démons

il y a le mur des chimies intérieures

le mur d'une chair saturée d'éclats

le mur des spectres synthétiques

le mur d'art

le mur de mots

il y a le mur qui me provoque

le mur de tes peurs

de tes filtres

de tes yeux

il y a le mur, ce portail d'ombre

avalé par la faim du trou noir

le mur, plus vaste qu'une galaxie

noyau incandescent d'un quasar

il y a le mur en face

je m'y fonce,

dans ce mur, sans nom

il résiste, un silence minéral

il supplie, cette pierre craquelée

je le touche, ce mur, et il est là

je l'effleure,

je le déchiffre par la sève de mes doigts

je l'ausculte, caisse de résonance,

stèle d'échos

je l'embrasse

je m'y glisse, à travers lui.

il y a le mur, plutôt ses ruines

le mur qui saigne des couleurs interdites

en agonie

le mur derrière moi

le mur que j'ai démoli

il y a le mur, un nouveau mur

le mur qui m'hypnotise

et cette peur en lui

le mur qui me brûle sans flamme

le mur, ce n'est plus le mur

le mur et il m'invoque

le mur divin

le mur de ma vie

le mur, matrice de mes visages

qui me confine en mon éternité

le mur, et puis il y a moi

le mur ma condition de l'être.

— dato