Souffrir d’une blessure d’abandon nous coupe peu à peu des autres, l’exposition à l’émotion de la relation étant vécue comme potentiellement dévastatrice

Au fil des années, l’autre nous fait inconsciemment de plus en plus peur, fige quelque chose en nous, alors nous le fuyons.

Ce que nous ne voyons pas, c’est de l’autre côté du miroir : nous nous éloignons aussi de nous-même.

Plus nous nous éloignons des autres, plus on s’éloigne de soi.

Inconsciemment, nous nous disons et croyons que l’amour est égal à de la souffrance.

Alors que c’est la souffrance qui révèle l’amour.

Quand nous souffrons de cette blessure, enfant, nous ne nous sommes pas perçus aimés, écoutés, reconnus.

Peut-être avons nous été négligés, peut-être avons-nous été rabaissés, peut-être avons-nous été maltraités, ou même violentés.

Dans l’adolescence, nous avons cru aimer à la folie. Notre cœur chavirait au moindre sourire, au moindre regard, à la moindre marque d’affection, de tendresse, notre être était touché au plus profond par l’attention que cet autre nous portait à cet instant précis.

Nous avons cru tout donné à l’autre. Nous nous sommes sacrifiés à l’autre et pourtant ça n’a pas marché. Nous avons perdu cet autre que nous croyions tant aimer.

La douleur de l’abandon vécue dans l’enfance s’est rejouée dans chacune de ces ruptures, avec une force de plus en plus dévastatrice.

Nous avons cru aimer cet autre alors que ce regard, ce sourire, cette caresse, cet enlacement nous faisait basculer dans un attachement, une dépendance ou nous attendions inconsciemment de l’autre qu’encore il nous regarde, qu’encore il nous sourit, qu’encore il nous enlace, qu’encore il nous câline, qu’encore il nous aime et que surtout, ça ne s’arrête jamais.

Nous étions insatiable, et malgré toutes les attentions de l’autre, notre cœur restait en souffrance, la plaie de la blessure restait ouverte, cet amour ne nous contentait jamais, il nous en fallait encore plus, toujours plus.

Nous pensions que c’était ça l’amour.

Ce n’était pas faux, mais c’était incomplet. Il manquait l’autre face, celle qui permet l’équilibre et l’épanouissement de la relation, l’harmonie et une profonde sécurité : l’abandon.

Ça semble paradoxal de parler d’abandon dans une relation d’amour et pourtant, l’abandon est la source de l’équilibre et de l’épanouissement.

Avec le recul, je crois que toutes ces expériences vécues comme des abandons, cette distanciation d’avec les autres et d’avec soi qu’elle nous conduit à vivre est une préparation à quelque chose d’essentiel

Regardez un chien, lorsqu’il nous offre son amour, il n’a aucune attente vis-à-vis de nous.

Il nous offre son miroir pour que l’on se voit tel que nous sommes.

Il n’a pas d’exigence vis-à-vis de nous, son cœur est pleinement ouvert à recevoir ce que nous sommes capable de lui offrir, sans juger notre manière de faire ni notre manière d’être avec lui.

Si nous le laissons libre de s’exprimer, il ne change pas sa manière de faire et d’être avec nous pour obtenir plus, pour obtenir autrement.

Non, il reste ancré dans son intégrité.

Parfois, c’est trop difficile pour lui et il en souffre dans son corps mais malgré tout il n’y a pas de forme de renoncement de sa part, il reste lui-même, cet être animé par l’amour quelle que soit notre personnalité.

Il nous exprime son attachement et nous montre son détachement aussi.

Il s’abandonne à la relation avec nous, il n’a pas d’attente sur la vie avec nous.

Il ne va pas nier ses besoins pour obtenir plus de nous. Il ne va pas se fondre dans le moule que nous avons choisi pour lui.

Lorsqu’il le fait, les tensions sont extrêmes en lui parce que ce n’est pas dans sa nature animale de nier sa propre intégrité, sa nature authentique. Alors, il tombe malade ou développe des troubles du comportement pour exprimer ce profond mal-être, cette souffrance qu’il vit comme une agression sur l’être d’amour, de lumière qu’il est.

Je crois profondément que lorsqu’il meurt, la souffrance que nous éprouvons nous montre ce que nous n’avons pas encore à lâcher.

Leur départ est à mes yeux, un ultime acte d’amour pour ouvrir notre conscience sur ce que nous avons à lâcher, sur nos regrets.

Cet abandon ultime à leur propre mort est une invitation à accepter notre propre mort symbolique, à nous abandonner pour revenir à Soi, dans la grâce qu’offre la compréhension du message laissé pour nous par notre animal défunt.

Cette forme d’abandon est une invitation à un lâcher prise suprême sur l’attente d’un résultat provenant de l’extérieur.

Il nous l’offre en étant profondément ancré dans son intégrité de chien, dans ce qu’il est dans sa nature la plus lumineuse : l’amour.

L’abandon perçu dans l’enfance, perçu dans chacune de nos relations d’après est à mes yeux une préparation, un entraînement pour reprendre le mot qu’utilise Aurélie Lecerf dans la Voie de la Gratitude

Un entraînement au grand saut, à l’ouverture de la seule porte qui ramène à soi et à l’amour authentique et inconditionnel : l’abandon … de ce scénario du passé, l’abandon de la personnalité construite sur ce socle, l’abandon de nos anciens schémas de pensée, l’abandon de nos anciens comportements.

L’abandon est alors ce lâcher prise ultime, profondément ancré sur notre sécurité intérieure, celui qui permet de se retrouver Soi et de briller notre pleine lumière d’être entier aux multipotentiels, créateur de sa vie, cet être d’amour profondément relié à lui, aux autres et à plus grand que lui.

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