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Doit-on applaudir les loseurs parce qu'ils sont dévoués ?

Doit-on applaudir les loseurs parce qu'ils sont dévoués ?

Published May 15, 2022 Updated May 15, 2022 Health
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Doit-on applaudir les loseurs parce qu'ils sont dévoués ?

Deuxième volet de la trilogie covid-19. Tombé au champ d'honneur lors de la première vague covid, je rédigeais entre deux fièvres une petite critique légèrement agacée et pleine de mauvaise foi, du traitement de la maladie par nos dévoués soignants. Évidemment, il faut y voir le délire de l'artiste au 37° degré. Il va de soi que je cultive, comme vous, la plus grande admiration pour le corps médical.

Tous les soirs à 20 heures, c’est la communion des balcons. Le gentil citoyen ouvre sa fenêtre pour applaudir avec un sourire reconnaissant le personnel hospitalier qui se bat en première ligne contre le virus. Merci les blouses blanches pour votre engagement et votre dévouement désintéressés. Payée au lance-pierre, l’infirmière ne compte ni ses heures ni ses efforts pour s’exposer au front, dans des services débordés sous une pluie de postillons lourdement chargés en virus mortel.

Aussi dévoués soient-ils, doit-on applaudir ces membres du corps médical noyés dans la lose la plus totale ?

Quand on est un fixeur de l’impossible déterminé à chasser le pire et le cool dans les recoins les plus ignorés de ce cloaque tentaculaire quel qu’en soit le prix, forcément, on s’expose. Ce qui devait arriver est donc arrivé. Il y a quelques jours, frappé par une vilaine fièvre et une toux épuisante, j’ai dû insister (et mentir un peu) pour me faire dépister et obtenir le prestigieux label covid+. Je me suis fait racler le fond du cerveau par un coton-tige sans fin glissé dans ma narine et le verdict sans surprise est tombé le lendemain. Un joli mail avec mon diplôme de vainqueur et une ordonnance collector totalement grotesque listant les prescriptions suivantes :

  1. Paracétamol 1gx3 par jour si fièvre ou douleurs.
  2. Lavages des mains réguliers avec eau et savon au moins 20 secondes.
  3. Ne pas prendre d’anti-inflammatoires type Nurofen, Advil, Voltarène.

Voilà. En gros : tu laisses faire la nature. Si tu respires, c’est bien. Sinon on te mettra dans un ventilateur et on verra bien. Oui, parce qu’à Paris on n’a pas de druide rebelle pour tester des trucs qui pourraient marcher, on a un contrat avec un entrepôt du marché de Rungis pour être mis en chambre froide entre les légumes et les fromages. En attendant, tu peux essayer de calmer ta fièvre avec du Doliprane dont la vente est limitée à une boîte, histoire de t’obliger à sortir pour contaminer les autres alors que ta place est au fond d’un lit à suer en crachant tes poumons s’il t’en reste. Alors non, je n’applaudis pas. Et ça me vaut tous les soirs une leçon de science de Mme Reznyk, diplômée de médecine chez Discovery Channel. Mais je ne peux pas. Un tel fiasco n’est pas tolérable malgré toute la bonne volonté des petites mains de la réa. Alors tant pis, je préfère me faire traiter de gros con.

Dans le cas probable où le professeur Thibault et mademoiselle Hortense ne trouveraient ni traitement ni vaccin avant que la crise économique nous ait achevés, il ne nous restera qu’une seule option : l’immunité collective. C’est-à-dire déconfiner graduellement les familles pour maîtriser au mieux une infection qui devra atteindre 60 à 70% de la population. Avec 20 000 morts pour un taux national de contaminés estimé à 6% de la population infectée, une simple règle de trois nous permet d’imaginer l’hécatombe à prévoir pour atteindre le taux magique garantissant la survie de l’espèce. Autant dire que ça sent l’héritage. Il est temps de dorloter vos vieilles tantes diabétiques.

Pour m’achever, Max, mon cousin taquin qui connaît mon amour inconditionnel pour le peuple teuton m’a indiqué un éditorial paru dans Le Monde. Le journaliste y vante en long et en large l’exemple allemand en expliquant à quel point nos si sympathiques voisins ont géré cette crise avec brio pendant qu’on se débattait comme des brêles avec nos pénuries de tout. Heureusement, après avoir décortiqué en profondeur cette déculottée magistrale, notre analyste ne peut s’empêcher dans un élan bien français, de faire la leçon au vainqueur alors qu’il a pourtant la gueule bien écrasée sous sa botte de saut. Oui, parce que quand même, il fallait bien leur dire à ces gros malins de Fritz que c’est bien joli de nous faire des doigts depuis la fenêtre de la Mercedes, mais faire preuve d’un peu de solidarité européenne ce ne serait pas du luxe ! (Quelle naïveté …)

Soyons clairs, je préfère encore être mort ou ruiné qu’être allemand. Rien que le terme « exemple allemand » me rend malade. Il faudrait donc s’inspirer de ce peuple de psychopathes en sandales adeptes de la golden-shower et du meurtre de masse ? Un peu de sérieux ! Il n’en demeure pas moins que le succès de nos austères voisins met encore un peu plus en lumière la bérézina de notre gestion de crise. Quand je pense à tous ces imbéciles qui se payaient la tête de la trop prévoyante Roseline avec ses stocks de Tamiflu en 2009, on se croirait presque dans une mauvaise fable.

Ah, il est vingt heures. Comment je le sais ? Abandonné en rase campagne avec mon Doliprane et mes savonnettes à cause de ces chercheurs payés à ne rien trouver, je devrais sans doute les remercier car en frôlant la mort, mon âme a indubitablement gagné en complexité et en profondeur. Tu parles… Je commence à fantasmer sur des procès pour haute trahison dans un Stade de France éclairé par des flambeaux. Humilié par la supériorité germanique par la faute de cette bande de charlatans, j’ai juste la sensation de tapiner dans le camping-car d’Helmut, sac à bière bavarois en claquettes-chaussettes. Sortez-moi de ce cauchemar.

Article original publé sur le site reznyk.com le 27/4/2020.

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