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(I, 3) : Le pot aux roses

(I, 3) : Le pot aux roses

Published Mar 19, 2021 Updated Mar 20, 2021 Small business and startups
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(I, 3) : Le pot aux roses

Scène 3

Le Philosophe, Astrid

 

ASTRID, se souvient tout à coup, baisse les yeux sur ses assiettes

Charles, le pot ! Mince (elle regarde l’heure). Il va arriver et voilà que rien n’est prêt !

LE PHILOSOPHE

Que se passe-t-il ?

ASTRID

Le pot de départ de Charles. Tu n’avais quand même pas oublié ? C’est sa dernière semaine.

LE PHILOSOPHE, mord la lèvre et au public

Avec toutes ces histoires de machine à café, ça m’était complètement sorti de la tête. Oui, le départ à la retraite ! J’ai pourtant signé la carte.

ASTRID, elle dispose les couverts sur un bureau près de la machine à café avec précipitation.

Mon dieu, il risque d’arriver et je n’ai rien préparé, avec tous ces contretemps. Aide-moi, veux-tu ?

Elle ne le laisse pas répondre, elle range les chaises et ordonne les verres, débouche la thermos.

Là, dans mon bureau il y a une guirlande qu’on peut accrocher au plafond.

Le Philosophe fouille dans les tiroirs du bureau. Il en extrait une guirlande. L’assistante est gênée par ses talons, elle n’a pas accès aux clous du mur, alors elle fait signe au Philosophe de monter sur la chaise. Il s’exécute avec la guirlande. D’en bas, l’assistante le fait décaler à plusieurs reprises la guirlande. Elle tourne autour de lui avec ses petits pas cadencés, regarde sous divers angles.

Tu as encore besoin que je fasse quelque chose en dernière minute ? Je pourrais, par exemple, aller acheter quelque chose en bas.

ASTRID, contemple son œuvre

J’ai tout prévu ne t’inquiète pas. C’est un petit pot. Tu connais Charles, ce ne serait pas le genre à vouloir d’une grande fête. Et puis il n’a jamais rien dit sur le sujet. J’ai préféré lui faire la surprise mais je ne veux pas l'indisposer.

LE PHILOSOPHE

Il mérite qu'on salue son départ. C'est vraiment quelqu'un Charles.

Les deux personnes commencent à discuter et s’assoient chacun dans la chaise de leur bureau respectif. Les chaises ont des roulettes. Ils se rapprochent l’un de l’autre pour discuter en face à face.

ASTRID

Oui, vraiment un bon collègue. Très agréable, jamais un mot plus haut que l'autre.

LE PHILOSOPHE

C'est vrai, depuis cinq ans que je suis ici, je ne l'ai jamais vu s'énerver une seule fois. Il a un talent au niveau relationnel. Il sait comment respecter la marge de manœuvre de chacun, comment apaiser la situation et éviter de se brouiller avec les uns et les autres. Je suis d'ailleurs étonné qu'il ne soit pas devenu manager.

ASTRID

Il a toujours décliné poliment les promotions. Je crois que ça ne l'intéressait pas.

LE PHILOSOPHE, impressionné.

Ah... Et, au fait, tu sais s’il va être remplacé ?

ASTRID

Hum, j'en doute. Ils serrent la vis au niveau du département, on n'a plus embauché de CDI depuis le dernier plan RH.

LE PHILOSOPHE

Son départ laissera un grand vide...

ASTRID

Oui. Je l'ai toujours connu. Il était déjà là quand JPK est arrivé, il a vu les débuts de Margaret aussi. Charles a précédé tout le monde.

LE PHILOSOPHE, impressionné

Eh bien, dans quel état serons-nous à son âge. Il me reste quoi, cinquante ans à tirer…

ASTRID

Un peu plus, je crois.

Astrid compte sur ses doigts. Ça semble lui demander de l’effort.

LE PHILOSOPHE

Impossible de se projeter aussi loin. Et je crois qu’il ne vaut mieux pas.

Soudain, le téléphone sonne chez Astrid. Elle se précipite sur le combiné.

ASTRID

Astrid Beni-oui-stiti, assistante en chef senior rattachée à la direction générale du pôle orientation stratégique de la BURST, oui, j’écoute ? (on lui dicte quelque chose, elle opine régulièrement du chef) Ah bon ? Je n’étais pas au courant ! Depuis combien de temps est-il bloqué dans le hall ? (après un temps) Je vous rejoins tout de suite en bas !

Astrid prend son manteau en hâte.

LE PHILOSOPHE

Qu’y a-t-il ?

ASTRID

Margaret a commandé un stagiaire mais personne n'est là pour l’accueillir ! Je n'ai même pas été mise au courant !

LE PHILOSOPHE

Tu veux que je m'en charge ?

Astrid utilise le téléphone pour appeler le bureau voisin. On entend la sonnerie. Personne ne décroche au bout du fil. Astrid s'énerve passablement tout en fermant son manteau.

ASTRID

Je suis l'assistante du service, il vaut mieux que ce soit moi qui l'accueille.

LE PHILOSOPHE

Personne ?

ASTRID

Non. Tant pis, je descends. Je vais essayer de trouver JPK, il doit tourner dans les bureaux. Si tu le vois avant moi, essaye de le prévenir, pour le Stagiaire. Bonjour la première impression. Il doit déjà se demander où il a atterri !

(Astrid commence à montrer des signes d'énervement.)

On a beau être au travail, on reste humain. Comme tout le monde, on oublie parfois. C'est vrai quoi, la dernière fois que Margaret a parlé d'un stagiaire, c'était l'année dernière. Si JPK m'avait relayé l'information, j'aurais pu la noter. Après tout, peut-être que c'est de notre faute, on a peut-être aussi oublié de notre côté, mais dans ce cas, ce n'est pas compliqué de planifier un rappel !

Ah, notre prestataire en externe est très efficace, pour sûr. Ils s’occupent de tout, de A à Z. Seulement ils sont devenus si efficaces qu'ils ne trouvent plus utile de nous prévenir. Ce n'est pas la première fois que ça arrive. Ils savent pourtant que les délais sont longs, que les stagiaires et les intérimaires mettent des mois à venir à pieds du Bangladesh. C'est sûr, on y gagne à tous les points de vue : pas d’empreinte carbone. Il faut être du tiers-monde pour accepter de venir quarante heures par semaine sans RTT et sans tickets restaurants pour quatre cent euros par mois. Pour ce prix-là, les stagiaires sont habitués, chez eux. Ils trouvent une cave coquette à Paris avec leur salaire, ça les rend heureux. On économise aussi sur les déchets puisqu’on leur laisse fouiller dans les poubelles de la cantine. Sans compter que, grâce à eux, on conserve un peu notre retraite puisqu’ils n’en atteignent pas l’âge.

Margaret logera bientôt tous les stagiaires et les alternants au sous-sol du siège, comme ça ils épargneront à l'entreprise le salaire des vigiles. (Elle hausse les épaules) Le bénéfice représenté par un métier de plus sur leur CV n’est pas négligeable. Ils ne demanderont pas d’augmentation ni d’horaires de nuit. L'aubaine pour nous.

LE PHILOSOPHE

C'est un peu triste pour les vigiles qui pointeront au chômage.

ASTRID

Les gens se foutent bien des agents de sécurité. Seuls les bergers allemands les préoccupent. On renverrait une mauvaise image de l'entreprise si on euthanasiait des chiens à cause de nous. Songe à ces malheureux chiens de garde derrière les barreaux, à l’abandon, dans ces chenils surpeuplés. Les refuges sont aussi pleins que les prisons.

LE PHILOSOPHE, ironique.

Mais ils passionnent davantage. Il suffirait donc de garder les chiens et de les faire dormir avec les stagiaires comme ça ils se tiendront chaud en hiver. Vous réussirez bien à rogner sur les dépenses chauffage.

ASTRID, soudain intéressée et guillerette.

Tu n'as jamais songé à te reconvertir ? Le service défiscalisation, magouille & lobbying cherche un nouveau chef de projet.

LE PHILOSOPHE, dans sa barbe.

Ah, je sens que je me fais vieux, j’ai presque assimilé la culture d’entreprise.

(Plus fort, en direction d'Astrid) Je devrais sans doute songer à une mutation en interne. Des vocations se découvrent parfois sur le tard. Comme notre self-made-man local, ancien agent de surface devenu Dircom avec son slogan : « Coffres forts CMO : au service l'étanchéité sociale ». Un véritable modèle d’inspiration. Cela fait longtemps que je ne me rappelle pas avoir vu passer un truc sur lui. Il est parti ?

ASTRID, gênée.

On peut dire ça. Il s’est suicidé il y a deux ans, peu de temps après avoir été promu Directeur général adjoint. On l’a retrouvé oscillant au bout de sa cravate. Il paraît qu'il a fallu pas moins de quatre personnes pour le décrocher : c'était l'été, le ventilateur tournait à blinde.

PHILOSOPHE, les yeux dans le vague, plus pour lui

Ça a été si bien étouffé que j’avais complètement oublié le fait divers. Un bel exemple parmi les météores : une ascension flamboyante, mais une fois au sommet, ils se sont déjà consumés. Quand ils retombent au sol, il ne reste qu’un vulgaire caillou desséché.

Astrid acquiesce sans comprendre. Elle semble encore un peu perchée. Mais elle trouve le moyen de se souvenir qu’elle a une mission. Elle secoue les épaules.

ASTRID

Je dois descendre. Reste ici au cas où Charles arriverait. Je fais juste un aller-retour, je n'en ai pas pour longtemps.

Astrid part en vitesse.

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