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Fumée froide
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Fumée froide
FUMÉE FROIDE - ROBIN HOUILLON
NOUVELLE
La nuit s'étale autour de moi, immense et muette. Seul le vent ose chuchoter quelque chose à mon oreille, un murmure vide de sens qui s'évanouit aussitôt.
J'allume une cigarette. La flamme tremble avant de s'accrocher au tabac, minuscule braise dans cette obscurité sans fond. Je tire une bouffée et la fumée s'élève, s'étire, disparaît. Comme moi.
Mes doigts sont glacés, mes pensées aussi. J'observe la ville en contrebas, ses lumières qui clignotent comme des promesses jamais tenues. Là-bas, les gens vivent. Ils n'ont rien, ils s'aiment, ils avancent. Moi, je reste ici, figée entre deux mondes. Ni vraiment là, ni tout à fait partie.
Pourquoi ? Pourquoi je suis comme ça ? Pourquoi je sens ce vide, ce gouffre sans nom qui s'ouvre en moi à chaque seconde ?
Je voudrais une réponse. Mais la tristesse n'explique rien, elle s'installe, elle ronge, elle prend tout sans prévention.
Je fume lentement, comme si chaque bouffée me raccrochait à quelque chose d'invisible. Je fixe les cendres qui s'effritent, se détachent, emportées par le vent. Elles tombent. Moi, je reste encore debout.
Combien de temps faut-il prévoir ?
Je ferme les yeux.
J'aimerais disparaître comme la fumée. Légère, sans bruit, sans laisser de traces.
Mais je suis encore là.
Alors je rallume une autre cigarette .
Une autre cigarette. Une autre illusion de chaleur entre mes doigts.
Le briquet claque dans le silence, et la flamme vacille avant de s'accrocher. La première bouffée est toujours la meilleure. Elle emplit mes poumons, anesthésie un instant ce poids qui m'écrase. J'expire lentement, et la fumée s'élève, danse, disparaît.
Tout disparaît toujours.
Je regarde les lumières de la ville en contrebas. Parfois, j'essaie d'imaginer ce que c'est, vivre vraiment. Avoir un mais des envies, des rêves qui ne s'effilochent pas avant même d'avoir existé. Je vois des silhouettes derrière les fenêtres éclairées, des ombres qui bougent, rient, s'embrassent. Moi, je suis dehors, seule, figée sous ce ciel sans étoiles.
Pourquoi suis-je comme ça ?
J'aimerais dire que c'est la vie, que c'est comme ça. Mais non. C'est plus profond, plus ancien. C'est un poison prêté, une fatigue qui ne se repose jamais, une douleur sourde qui ne hurle pas, mais qui ronge.
Je passe une main sur mon visage. Mes yeux piquent, mais je refuse de pleurer. Pas ce soir. Pas encore.
La cigarette brûle vite. Elle aussi, elle ne veut pas durer.
J'écrase le mégot sur le rebord du banc, regarde les cendres s'éparpiller. Elles tombent, portées par le vent, comme un rappel cruel que tout finit toujours par s'effondrer.
Et moi ?
Je tire une autre cigarette de mon paquet à moitié vide. Mes doigts tremblent un peu en l'allumant. Fatigue ou froid, je ne sais pas. Peut-être les deux.
Peut-être que c'est juste moi.
Je prends une nouvelle bouffée, un soupir de fumée qui se mêle à la nuit.
Et j'attends.
J'attends quoi ?
Je ne sais plus.
Mais je suis encore là.
FIN
FUMÉE FROIDE - ROBIN HOUILLON
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