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La Réponse de Super-Harcelé, pièce sur le harcèlement scolaire

La Réponse de Super-Harcelé, pièce sur le harcèlement scolaire

Published Sep 28, 2022 Updated Sep 28, 2022 Culture
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La Réponse de Super-Harcelé, pièce sur le harcèlement scolaire

En accès libre, voici les trois premières scènes de la pièce "La Réponse de Super-Harcelé" consacrée au harcèlement scolaire.

Pour découvrir la suite, n'hésitez pas à vous abonner. 

Il reste 7 scènes, à raison d'une scène publiée chaque semaine et d'un abonnement fixé à deux euros par mois, cela vous reviendra à 4€ !

 

LA RÉPONSE DE SUPER-HARCELÉ

Comédie dramatique en 10 scènes et trois intermèdes musicaux

 

PERSONNAGES

  • Le Père : PDG de la SSHS (Société Secrète du Harcèlement Scolaire)

  • Le Fils : David

  • L’Élève harcelé : Orphée

  • Voix off d'un actionnaire

  • Les parents d'Orphée : Sacha et Noa

  • Le Poisson Rouge : Charlotte, la conscience d'Orphée

  • L’Élève harceleur : Antoine

  • Les amies d'Antoine : Flora et Paola

  • Les élèves dans la cour de récréation : Marie, Quentin, Éva, Maéline, Martin.

  • Le surveillant : Monsieur Thomas.

 

 

Scène d'introduction : Chanson de Soprano «Clown»

Paroles de la chanson

Chorégraphie à définir

Désolé ce soir je n'ai pas le sourire
Je fais mine d'être sur la piste malgré la routine
J'ai le maquillage qui coule, mes larmes font de la lessive
Sur mon visage de clown (mon visage de clown)
Je sais bien que vous n'en avez rien à faire
De mes problèmes quotidiens, de mes poubelles, de mes colères
Je suis là pour vous faire oublier, vous voulez qu'ça bouge
Ce soir je suis payé, je remets mon nez rouge

Lalala lalala lalalala
Lalala lalala lalalala
Lalala lalala lalalala
Lalala lalala lalalala

Désolé les enfants si ce soir je n'suis pas drôle
Mais ce costume coloré me rend ridicule et me colle
J'me cache derrière ce sourire angélique depuis longtemps
Je ne sais plus m'en défaire, mais qui suis-je vraiment?
J'ai perdu mon chemin, avez-vous vu ma détresse?
J'ai l'impression d'être un chien qui essaie de ronger sa laisse
Mais ce soir la salle est pleine, vous voulez que ça bouge
Donc je nettoie ma peine, et remets mon nez rouge

Lalala lalala lalalala
Lalala lalala lalalala
Lalala lalala lalalala
Lalala lalala lalalala

Lalala lalala lalalala
Lalala lalala lalalala
Lalala lalala lalalala
Lalala lalala lalalala

Suis-je seul à porter ce masque?
(Oh) Suis-je seul à faire semblant?
(Eh) Ce costume qu'on enfile tous les jours
Dis-moi est-il fait sur mesure?
Ou nous va-t-il trop grand?

Lalala lalala lalalala
Lalala lalala lalalala
Lalala lalala lalalala
Lalala lalala lalalala

Lalala lalala lalalala
Lalala lalala lalalala
Lalala lalala lalalala
Lalala lalala lalalala

Désolé ce soir je n'ai pas le sourire, oh
J'ai le maquillage qui coule, mes larmes font de la lessive
Sur mon visage de clown (mon visage de clown)

 

 

 

Scène 1: ORPHÉE, DAVID

 

Un banc. Une lumière blafarde. Des bruits de feuilles qui volent au vent. Orphée apparaît tête basse. Il a les cheveux aux couleurs de l'arc-en-ciel. Il traîne son sac d'école comme un boulet. Il semble abattu. Il s'assied sur le banc, regarde dans le vide, se prend la tête dans les mains, il pleure. Au bout d'un moment, son téléphone sonne pour lui indiquer la réception d'un message. Il sort l'appareil de sa poche, le consulte et en poussant un cri le jette de rage vers les coulisses.

UNE VOIX EN COULISSE : Argh ! Mais ça va pas la tête !

ORPHÉE (se levant d'un bond mais n'osant pas avancer d'un pas) : Pardon ! Je... Je suis désolé ! Ça va ? (silence, pas de réponse). Il y a quelqu'un ou... c'est juste moi qui délire ?

David entre en se tenant la tête d'une main et en ayant le téléphone portable dans l'autre.

DAVID : Non... C'est juste moi qui ai reçu... ça...

ORPHÉE : Ah... Ce n'est pas cassé au moins ?

DAVID (se massant le crâne) : Ton téléphone ou ma tête ?

ORPHÉE (après une hésitation) : Heu... Les deux...

DAVID : Je ne sais pas... Je pense que si je parle, c'est que ma tête n'est pas ouverte en deux... Mais pour ton téléphone, faut voir. Tu aurais pu...

ORPHÉE (le coupant) : Oui, je sais, tu as raison, j'aurais pu te blesser... Pardon... Je ne suis pas une belle personne, je sais. (Orphée se prend la tête dans les mains et pleure).

DAVID : Mais... Ne pleure pas... Pourquoi tu dis que tu n'es pas « une belle personne » ? Tu n'as pas fait exprès de me lancer ton téléphone en pleine tête, n'est-ce pas ?

ORPHÉE : Non... Mais puisque tout le monde dit ça de moi, ça doit être vrai...

DAVID : Tu sais... Faut pas toujours croire ce qu'on dit... On a dit que la Terre était plate... et pourtant, à ce qu'il paraît, elle est ronde... Enfin, moi, je ne sais pas, je ne suis jamais monté dans une navette spatiale, mais...

Orphée se rassied et fait signe à David qu'il peut s'asseoir à coté de lui. David regarde Orphée un instant, lui rend son téléphone et s'assoit sur le banc. Silence.

ORPHÉE : Tu penses, toi, que Copernic a aussi souffert d'être entouré de cons ?

DAVID : Heu... C'est qui Copernic ?

ORPHÉE (dépité) : Bin, tu sais, le gars qui... Enfin, bref... C'est pas grave. Merci pour le téléphone.

Le téléphone portable d'Orphée sonne à nouveau. Il consulte le message et soupire.

DAVID : Un problème ?

ORPHÉE : Non, ce n'est rien... C'est juste que les détracteurs de Copernic ont dû se reproduire et arriver jusqu'à nous... Bref... Je m'appelle Orphée, comme le premier des poètes...

DAVID : Si tu veux, mais je ne le connais pas non plus celui-là... Moi c'est David, comme... personne, en fait. Je viens d'arriver dans ce collège.

ORPHÉE : Tu fais penser à un roi, à une étoile, à un chef d’œuvre aussi... Ce n'est pas mal non plus, t'inquiète.

DAVID : Ah... J'aurai appris des trucs aujourd'hui : un mec un jour s'est appelé Copernic, un autre s'est appelé Orphée et celui-là était dans la poésie, et moi je fais penser à une étoile, à un roi et même à un chef-lieu. (Regards surpris d'Orphée) Et... Toi, tout ça, tu le sais... comme ça, direct, bim... Tu dois être doué en classe, toi, non ?

ORPHÉE : Oui, j'aime bien apprendre des choses, même si elles ne servent pas à tous les coins de rue...

DAVID : Oui... Mais ça doit être cool quand même... Enfin... Je veux dire... Si les profs veulent nous faire retenir tous ces trucs... C'est que ça doit être utile à un moment ou un autre...

ORPHÉE : Sans doute, oui... Mais pour l'instant, on m'appelle « l'intello »...

DAVID : Moi, j'aime bien les gens qui retiennent... Moi, je ne retiens rien, ou pas grand chose... J'ai toujours été un peu « simple » si tu veux... Un jour, un de mes maîtres d'école m'a dit que s'il se promenait dans ma tête, il risquait de s'enrhumer à cause des courants d'air... Je n'ai pas compris mais les autres ont ri, alors j'ai ri...

ORPHÉE : Ah... Et après ?

DAVID : Quoi « après » ?

ORPHÉE : Bin... Les autres... Ils continuent à... rire de tes... courants d'air, je veux dire ?

DAVID : Oui... Maintenant que je suis au collège, ça continue...

ORPHÉE (déglutissant avec peine) : Et... Tu n'en souffres pas du... rire des autres ?

DAVID : Non. Pourquoi ? Je souffre si je me coupe ou si je tombe de vélo mais quand on rit...

ORPHÉE : Enfin là... On rit... de toi, quand même. Mais dis-moi... Est-ce qu'ils... te tapent parfois ? Ils... t'humilient peut-être même ?

DAVID : Oh oui... Ils essaient...

ORPHÉE : Ils « essaient » ? C'est-à-dire ?

DAVID : Bah... Ils ont essayé de me taper mais vu que je suis plus fort qu'eux... Ils n'ont pas voulu continuer à jouer. Faut dire, je les comprends, rien que cette année j'ai quand même cassé deux nez. D'où mon inscription dans un nouveau collège ! Mais... heu... Quand tu dis « ils t'humilient », ça... veut dire quoi au juste ?

ORPHÉE : Tu sais... Des insultes, des moqueries... Des situations honteuses...

DAVID : Ah oui... C'est bien ce que je pensais. Bin... En fait... Moi j'aimerais bien jouer avec eux mais les réponses que je leur donne font qu'ils... n'ont pas envie de continuer... (chuchotant) Tu sais, parfois, je me dis que c'est eux qui sont un peu simples.

ORPHÉE : Oui, certainement... Mais... Tu peux me donner un exemple de tes réponses ?

DAVID : Bah... (chuchotant) Une fois, un garçon m'a dit que j'étais un fils de... Enfin, tu sais, je n'ai pas le droit de répéter le mot car mon papa m'a dit que c'était un « gros mot », mais bon... Le garçon m'a dit ça... Et moi je lui ai répondu qu'il était mal informé car ma maman ne faisait pas ce métier-là. Elle était charcutière, ça n'a rien à voir. (SILENCE) Maintenant... Je ne sais pas ce qu'elle fait. Bref... Ce jour-là, je lui ai demandé s'il voulait qu'on lui pose la question, à ma maman, à la sortie de l'école... Ses copains ont ri, lui pas vraiment, et il n'a plus jamais voulu jouer avec moi...

ORPHÉE : En fait, tu es super doué pour gagner au jeu de l'humiliation mais tu n'en connais pas les règles.

DAVID : Bah... Peut-être, je ne sais pas... Et des exemples comme ça, j'en ai des dizaines... Je te jure !

ORPHÉE : D'accord... Mais tu sais que ce tu subis, ça porte un nom ?

DAVID : Ah bon ?

ORPHÉE : Ça s'appelle le « harcèlement scolaire » et ça fait du mal, beaucoup même...

DAVID : Harcèlement, tu dis ? Non... Mon papa dit toujours que c'est seulement ses patrons et les plate-formes téléphoniques qui nous harcèlent. À l'école, il dit toujours qu'on y est pour jouer...

ORPHÉE : Oui... Mais certains ont de drôles de façons de jouer... Et si tu rajoutes à ça une couleur de cheveux naturelle un peu bizarre comme cet espèce d'arc-en-ciel que j'ai sur la tête ou une quelconque différence... Eh bien... Il y a toujours un gars comme Antoine et... Le collège, ça devient vite compliqué... Surtout... (il montre son téléphone) si ça continue sur les réseaux, les messages...

DAVID : Je ne sais pas... Papa dit que je n'ai pas besoin de tous ces machins-là. Et de toute façon, je ne saurais pas m'en servir, je sais à peine lire...

ORPHÉE (souffle coupé) : Tu sais... à peine lire ? (puis pour lui-même) Heureux les simples d'esprit car le Royaume des Cieux leur appartient...

Silence.

DAVID : Mais toi tu dis que le harcèlement, c'est un truc qui fait souffrir ? Et c'est qui Antoine ? Un copain à toi ?

NOIR

 

Scène 2 : LE PDG DE LA SSHS

Le Président Directeur Général (PDG) de la Société Secrète du Harcèlement Scolaire (SSHS) s'avance vers un pupitre puis s'adresse à son auditoire.

LE PDG DE LA SSH :

Mes chers amis, je suis tellement heureux de vous retrouver ce soir pour faire le bilan annuel de notre belle entreprise, que dis-je entreprise, je devrais dire « multinationale » bientôt interplanétaire tant nos résultats sont excellents, nos chiffres extraordinaires et notre réussite littéralement insolente.

Car oui, mes amis, ne nous mentons pas, pas entre nous, pas ce soir, soyons lucides et fiers du produit de nos efforts. Grâce à nous, un phénomène sans précédent se développe dans notre pays et même bien au-delà de nos frontières. Ce phénomène ne connaît ni limites ni réel obstacle. Il se nourrit de lui-même, comme une bête immonde, et pourtant nous réussissons, chaque année, par notre travail acharné, à le rendre encore plus monstrueux et affamé. Certaines sources évoquent qu'un client sur dix seulement serait touché par notre travail, mais en vérité, je vous le dis, les chiffres sont biaisés, atténués, par nos adversaires qui refusent de nous reconnaître le moindre mérite ! Mes amis, je vous le dis : le harcèlement scolaire a de beaux jours devant lui.

L’époque dans laquelle nous vivons et si cruelle qu'elle nous offre le cadre idéal pour développer notre activité. Il nous suffit de poser le décor et les circonstances font le reste. Nous récoltons des fruits que nous semons à peine.

Mes chers amis, vous le savez aussi bien que moi, un véritable don du ciel est venu faire de notre entreprise ce qu'elle est aujourd'hui : Internet.

Nous sommes passés en quelques années d’une petite entreprise artisanale à une firme aux tentacules transcontinentales, tout le monde ici en est convaincu, mais j’aime à croire que même sans ce don du Ciel, notre talent et notre imagination nous auraient permis d’atteindre de tels sommets !

N’ayons pas peur des mots, mes chers amis et néanmoins actionnaires, il nous faut rester dignes dans le succès : oui ce que le commun des mortels appelle « harcèlement scolaire » est pour nous une nouvelle Terre. Nous engraissons des champs entiers et y répandons les graines qui demain, toujours plus nombreuses, donneront les épines et les ronces qui attaqueront nos clients et nos opposants, et plus globalement tous ces êtres si délicats que nous nous évertuons à faire souffrir et à détruire pas à pas.

Je vous le dis, cette année encore la route a été triomphale et nos résultats, à la Société Secrète du Harcèlement Scolaire, plaident pour nous !

Si au terme de votre futur vote de confiance qui doit intervenir dans quelques jours, je vous le rappelle, vous décidez de me renouveler dans ces fonctions que j'ai l'honneur d'exercer, je vous le dis, vos dividendes n'en seront que plus indécents !

Merci, chers amis, merci infiniment !

 

Scène 3 : LE PDG, DAVID

David fait son entrée en applaudissant chaudement. Il tient un dossier sous le bras.

DAVID : Bravo Père ! Vos actionnaires vont adorer !

LE PDG : Merci, Fils, merci... Je ferai un petit montage à partir des plus grandes réussites de cette année et je leur enverrai la vidéo dès ce soir.

DAVID : Parfait ! Je sais que vous ferez cela très bien.

LE PDG : Tu as bien filmé, j'espère ? Tu as bien cadré mon visage ? C'est ça qui fonctionne le plus sur les esprits : les petits rictus, les sourires... Les mots, eux, ne sont que les passagers d'un bateau ivre appelé « corps ». (Silence)

DAVID (soupirant): Ah... Père... Vos expressions toutes faites... Maman les aimait beaucoup... Mais je ne suis pas certain qu'elles vous servent beaucoup...

LE PDG (cessant net de sourire) : Ah bon ?...

DAVID : Oui... C'est comme votre histoire d'épines et de ronces dans votre discours.. Je ne suis pas sûr que cela fonctionne très bien de nos jours, mais bon... C'est vous le PDG...

LE PDG : Mais... Je croyais que tout cela était « parfait »...

DAVID : Oui, tout cela est parfait, je vous rassure... Vos actionnaires vous suivront et vous accorderont leur confiance mais... Le monde change et... je suis sûr que si je reprends votre discours de l'an dernier... Il sera identique à celui-ci... Il faudrait que vous... (Silence.)

LE PDG (s'agaçant) : Que je... quoi ? Que je quoi à la fin ?

DAVID : Que vous innoviez un peu.

LE PDG : Que j'innove ? Mais je ne fais que ça ! J'utilise Internet, je suis les tendances, j'en invente d'autres... Je ne fais que ça ! Depuis que ta mère... Bref ! C'est quand même moi qui ai inventé les messages instantanés qui s'effacent aussitôt lus ! Le harcèlement scolaire ne s'est jamais aussi bien porté que sous ma présidence ! Des milliers, que dis-je des millions d'enfants en sont victimes et tu oses me dire que je devrais innover !

DAVID : Père... Vous vous souvenez qu'il y a quelques mois, vous m'avez commandé un audit sur le sujet ?

LE PDG (fulminant) : Oui ! Eh bien !

DAVID : Le voici. (Il lui tend le dossier qu'il tenait dans son dos.) J'ai longuement étudié la situation actuelle dans mon collège et je suis parvenu à une conclusion. (SILENCE.) La Société Secrète du Harcèlement Scolaire court à sa perte.

LE PDG : Je te demande pardon ?

DAVID : Oui, Père... Objectivement, le mal se porte bien mais... le bien ne va pas si mal.

LE PDG : C'est-à-dire ?

DAVID : J'ai pu observer les harceleurs. Ils font le job, c'est sûr, mais ils sont dans la répétition de leurs aînés, des recettes toutes faites... Ils insultent, humilient, blessent... Les réseaux prennent le relais, mais bon... Tout cela me semble ronronnant. Et surtout la résistance s'organise face à eux.

LE PDG : Ronronnant ? Rien que ça ? Avec de tels chiffres ?

DAVID : Oui, Père... Les chiffres énoncent une réalité qu'on ne peut pas nier et toutes les victimes que le harcèlement tue vous diraient que c'est une chose effroyablement destructrice que vous dirigez depuis maintenant si longtemps, mais... De la même manière que les forces luttant contre la destruction du climat sont à l’œuvre, de la même manière celles luttant contre le harcèlement gagnent beaucoup de terrain et mériteraient... (NOUVEAU SILENCE, PLUS LONG)

LE PDG : Eh bien, parle, bon sang ! Elles mériteraient quoi, ces fichues forces ?

DAVID : Elles mériteraient que l'on investisse en elles.

LE PDG (effaré) : Moi ? Tu veux que... j'investisse dans le bien ? Après tant d'années au service du mal ? C'est une plaisanterie, j'espère ?

DAVID : Non, Père... Pas le moins du monde. Il y a dans ce dossier tout un tas d'éléments qui vont dans ce sens. Je pense que maman aurait voulu....

LE PDG : (hurlant) Je t'interdis de dire ce que ta mère aurait pensé ! SILENCE. (abattu) Elle n'est plus là...

DAVID : (tendre) Père...Vous vous souvenez, j'imagine, de ce jeune Antoine particulièrement prometteur qui tyrannise nombre d'enfants depuis des mois ?

LE PDG : Oui, bien sûr. C'est un modèle de réussite pour la SSHS. Aucune morale, bête à manger du foin et redoutable d'imagination pour faire souffrir ses proies. Un parfait ambassadeur !

DAVID : Eh bien... J'ai pu discuter avec un certain Orphée qui figure au nombre de ses victimes. En jouant au simplet, j'ai pu recueillir ses confessions. Il est battu, moqué, racketté, insulté, humilié...

LE PDG : (se reprenant) Ce qui signifie bien que nous sommes au top, Fils !

DAVID : Oui... Mais Orphée fait partie de ces victimes qui deviennent capables d'écouter et de secourir les autres... C'est une question d'années, au pire une ou deux générations, avant que notre entreprise ne meurt de sa belle mort si nous ne prenons pas immédiatement le virage de la prévention et de la lutte... contre le harcèlement.

LE PDG : La prévention et la lutte ? Tu veux donc que je devienne mon propre fossoyeur aux yeux de mes actionnaires ? Mais tu es fou, mon Fils !

SILENCE.

DAVID : Vous m'avez toujours dit qu'il ne fallait pas laisser passer une opportunité lorsqu'elle se présente. Les entreprises sont comme les empires : elles se développent, atteignent leur sommet et déclinent irrémédiablement jusqu'à disparaître. La nôtre a entamé sa lente descente et il nous faut imaginer l'avenir.

LE PDG : Tu te trompes, Fils, mais admettons... Tu es jeune. Quel serait cet avenir selon toi ?

DAVID : L'avenir, Père, est à la paix entre les hommes et non à leur destruction.

LE PDG (riant nerveusement) : La paix entre les hommes ? Et pourquoi pas leur bonheur et leur égalité !

DAVID : Je suis désolé, Père, que vous refusiez de voir la réalité en face. Je vous aurai prévenu. Votre temps est compté. Si vous ne prenez pas ce virage, d'autres s'en chargeront pour vous.

David sort, laissant le PDG seul, les bras ballants. Il laisse tomber au sol le dossier.

LE PDG : Cet enfant est fou. Depuis quand a-t-on envie d'arrêter un bulldozer lancé à pleine vitesse ?

 

A bientôt pour  la suite !

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