J'ai eu l'occasion de remarquer la voix abrupte de ma future institutrice du CE2. Avec sa tête de gargouille, il lui manque des cornes au-dessus de la tête et la trique dans la main. Sans sourire, sa voix porte pour commander ses élèves, avant même de rentrer dans le couloir qui mène jusqu'à la classe. Elle sème une telle autorité qui me terrorise. Le jour où j'ai vomi sur mon cahier, je n'ai pas osé demander à sortir. Peur de sa réaction, j'ai lutté au maximum pour ne pas recracher mon jus d'orange. La pulpe ne passe pas et je serre les jambes, mais cela me remonte l'estomac jusqu'à ma bouche. Ce n'est plus supportable, le contenu de mon petit déjeuner atterrit sur mon calepin. Je suis pourtant au fond de la classe, je suis gênée. Elle grimace avec un écœurement, elle le fait bien comprendre. J'ai la tête baissée, les joues rougies, elle essuie avec une serpillière en me criant que je suis dégoûtante.

Mes parents m'ont fait rentrer dans l'antre du diable. Je lui offrais du pain béni pour être sa proie à l'humiliation. Elle s'est mise même à examiner mes mains si elles sont sales. Suite à cet événement, les matins sont difficiles. Mon bol de lait finissait dans les toilettes avant de venir à l'école. Je me force pour ne pas le garder et de partir avec le ventre vide avec l'angoisse permanente. Mon cœur palpite, la sueur sur le front, je me sens mal avec des vertiges par moments. J'étouffe, ma respiration devient pénible. Une envie de pleurer pour que cela cesse, je suis en détresse. Je participe peu pendant les cours, elle exerce une telle une emprise sur moi que tout doucement, je m'efface. Mes parents ont voulu me changer de classe avec l'instituteur qui a refusé. Il se réserve des garçons qui sont durs et il est au complet.

Je vis un calvaire, un cauchemar, c'est atroce. Je dois continuer à être avec elle, l'horreur ! Les samedis matin, je demande toujours à ne pas me rendre à l'école à cause du sport. Et à chaque fois : ce n'est que pour une matinée ! Je me résigne tout en étant malade d'y aller. Je n'ai qu'une seule hâte : d'être déjà l'après-midi. Elle souhaite ma peau en coulisses, mes parents sont face à des problèmes avec elle. Elle envoie même l'assistante sociale pour inspecter ma maison. Elle a tenté aussi de m'orienter vers un autre système d'école à 15 kilomètres de chez moi. Vers la fin de l'année, je dois me faire opérer des yeux et mon père a voulu que je lui demande l'autorisation de m'absenter à ce moment-là. Elle a refusé, mais cela n'a pas changé les plans pour nous. Je ne suis pas retournée à l'école après, c'était la fin. Ouf ! Heureuse d'être en vacances le jour de mon anniversaire.