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L’empreinte de Watchmen dans le storytelling des comic books

L’empreinte de Watchmen dans le storytelling des comic books

Published Jul 17, 2019 Updated Sep 25, 2020 Culture
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L’empreinte de Watchmen dans le storytelling des comic books

 

Watchmen d’Alan Moore, considéré comme l’un des meilleurs romans graphiques de l’industrie des comic books, a complètement changé la façon d’écrire ces histoires, donnant un ton plus sérieux, mature et politisé au storytelling des comic books à venir. Offrant une vision cynique et oppressante de la guerre froide, Alan Moore présente un univers peuplé de héros plus humains que super.

A l’automne prochain, HBO publiera une série basée sur les évènements du comic book Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons. Réalisée par Damon Lindelof, elle se déroulera presque 35 ans après l’intrigue originale.

Le réalisateur avait en effet confirmé que son adaptation du livre serait un « remix » de l’original dans une lettre de cinq pages adressée au fans le 22 mai 2018. Jean Smart, Jeremy Irons, Regina King, Tim Blake Nelson…, un solide casting est prévu pour jouer personnages classiques et nouvelles têtes.

 

 

Il y a 33 ans, Alan Moore réalisait ce qu’il appelle « le Moby Dick des histoires de super-héros ». Avec Dave Gibbons à la planche et John Higgins aux couleurs, le projet était au départ de recycler les super-héros de Charlton Comics, compagnie rachetée tout récemment par DC Comics. La Question, Blue Beetle, Peter Cannon, Peacemaker, Nightshade…, tous ces personnages de la boîte de publication devaient se retrouver dans l’histoire d’Alan Moore.

Mais au dernier moment, DC décide de les garder pour leur trame narrative. Dave Gibbons est donc obligé d’imaginer un design totalement original pour les protagonistes, en s’inspirant de leurs costumes établis et en leur donnant des alter-egos différents.

C’est donc en septembre 1986 qu’un nouvel univers va naître de l’esprit combiné d’Alan Moore et Dave Gibbons.

 

Récompensé du prix Hugo de la meilleure bande-dessinée (une première), du prix Eisner et du prix du meilleur album étranger à Angoulême, le roman graphique fait également carton plein dans la communauté des fans de comic books.

Au côté de The Dark Knight Returns de Frank Miller et The Killing Joke, autre récit d’Alan Moore, c’est un nouveau vent qui souffle pour le storytelling super-héroïque. Sortie de l’âge d’argent, l’industrie des comics embrasse des thèmes plus tabous et matures dans les histoires qu’elle dépeint. On peut mentionner notamment Snowbirds Don’t Fly, paru en 1971, où l’on découvre le protégé de Green Arrow héroïnomane, ou la mort de Gwen Stacy dans The Amazing Spider-Man #122 en 1973.

Watchmen est aussi une pièce politique. En 1986, l’opération « El Dorado Canyon » a lieu. Pour rappel, les Etats-Unis bombardent la Libye à la suite d’un attentat dans une discothèque à Berlin-Ouest. 1986, c’est aussi l’incident de Chernobyl. Course à l’armement, contre-espionnage, conspirations, menace nucléaire, tous ces sujets sont transposés au sein de l’intrigue principale.

La narration est profonde et ancrée dans la réalité. L’archétype du super-héros haut en couleur, à la boussole morale infaillible, est remplacé par des protagonistes et antagonistes aux réactions et motivations humaines.

« Les rues sont des caniveaux géants et les caniveaux sont pleins de sang, et quand enfin les égouts déborderont, toute la vermine sera balayée. La crasse accumulée de leur sexe et de leurs crimes moussera jusqu'à leur taille, et toutes les putes et les politiciens lèveront la tête et crieront « Sauvez-nous ». Et dans un murmure, je dirai « Non » »

- Rorschach

 

 

Octobre 1938, le premier super-héros apparaît et change la continuité jusque-là non modifiée de l’univers Watchmen. Les Minutemen se forment et s’engagent dans une lutte classique contre le crime. Métaphore vivante des personnages de l’Âge d’Or des Comics, tout va basculer avec la création du premier méta-humain, Dr. Manhattan, le 22 novembre 1959.

La guerre froide arrive et, le docteur, arme de destruction massive consciente, est engagé dans l’armée américaine pour mettre un terme au conflit. Les Watchmen voient le jour, succédant à l’équipe originale. Le Comédien, membre fondateur des Minutemen, Nite Owl, Silk Spectre, Ozymandias, le docteur, et Rorschach constituent l’ensemble du groupe.

La guerre du Vietnam éclate. Dans cet univers, Manhattan et le Comédien sont envoyés pour défaire les troupes des Viet-Cong et mettre un terme au conflit.

En 1977, la loi Keene interdit les justiciers d’opérer dans les rues à la place des forces de police. Rorschach sera le seul à continuer ses activités.

L’intrigue du livre pivote autour du meurtre d’Edward Blake, alias le Comédien. L’enquête menée par Rorschach va l’amener à réunir les héros séparés, ce qui les entrainera dans une véritable machination pour l’avenir de la planète. Les couleurs vives que John Higgins utilise pour dépeindre ce monde contrastent avec le ton sombre des personnages et des thèmes qui composent l’histoire du livre.

L’antagoniste, loin du méchant classique voulant dominer la planète, paraît bien plus sensé et logique que la plupart des justiciers, aux passés tourmentés et aux tendances psychotiques. Les émotions et les choix des personnages sont aussi mis à l’honneur. Ce ne sont pas des super-héros infaillibles mais des êtres humains. Idylle amoureuse, désillusions, paranoïa ou vulnérabilité occupent ces individus. En course contre l’horloge apocalyptique qui domine leur univers, cette société présentée par Alan Moore est pleine de vices, où l’arrogance humaine fait place centrale. La fin du monde paraît une fatalité.

« Sur Mars, tu as démontré la valeur de la vie. Si nous voulons la préserver ici, cela passe par le silence. »

- Dr Manhattan

 

 

Chaque personnage est décrit avec une incroyable précision. Idem dans les illustrations de Dave Gibbons qui rendent ce monde fictif matériel. Ce dernier s’ancre dans la réalité avec ses thèmes politiques et la présence de super-héros réels sous la forme de comic-books (les BD de Superman inspirent le premier Nite Owl, Hollis Mason).

Loin sont les clichés du héros kitch en lycra, propulsé dans des aventures loufoques et extravagantes.

Watchmen prouve que les comic-books peuvent aborder des thèmes matures et sérieux. Le roman graphique déconstruit ses super-héros et leur offre des qualités et défauts propres au commun des mortels. Violence, sexe, addiction, tous ces sujets tabous vont depuis sa sortie être explorés dans l’industrie.

D’autres oeuvres aux tons plus adultes seront publiés, comme l’excellent Sandman de Neil Gaiman en 1989, le controversé Identity Crisis de Brad Meltzer en 2004 ou Civil War de Mark Millar en 2006 du côté de Marvel.

 

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