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JEU DE MASSACRE 

JEU DE MASSACRE 

Published Jun 16, 2023 Updated Jun 16, 2023 Culture
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JEU DE MASSACRE 

Ce texte raconte une scène de jeu avec ma fille avec comme fond sonore la chanson "Return of the She King" de Dead Can Dance. A écouter pendant la lecture pour une expérience optimale.

D'innombrables cadavres de chimères jonchaient désormais le couloir et tant d'autres s'amoncelaient dans le salon. La lutte avait été âpre. La fureur héroïque et la fièvre galopante de l'hubris désespéré s'estompaient peu à peu. Le combat arrivait sur sa fin : tout se déroulait désormais au ralenti. Derrière lui, un rai quasi crépusculaire traversait la fenêtre de la porte d'entrée. La lumière se reflétait dans le sang incolore de ses ennemis tombés. C'était là l'heure figée du temps des braves, des survivants. Nombre de ses camarades villageois étaient morts ici en défendant leur terre, ils gisaient face contre linoleum, êtres brièvement rêvés retournant au néant.

 

Le paysan-guerrier, encore debout au milieu de la désolation imaginaire souillant l'appartement, pansait ses plaies invisibles du chant des muses qu'il entendait au loin. Rien n'était plus beau que ces ruines, que ces cris de femmes et d'enfants fantasmés désormais couverts par l'ensorcelante glossolalie. Le divin succédait à l'atrocité comme le jour succédait à la nuit. Il restait quelques ennemis-songes à occire ; on les acheva sans haine au tranchant fraternel de l'épée en mousse, dans la musique exaltante de ce soir glorieux.

 

Soudain leur parvint l'écho de trompettes synthétiques et de tambours battants. Un héraut, tout auréolé de sa psalmodie lancinante, annonçait le retour...

 

Le cortège s'avançait, conduit par des chérubins cuivrés et joufflus ainsi que par des nymphes à la peau de marbre. Des drapeaux de soie diaphane flottaient dans l'air...

 

Elle apparut enfin, sortant de sa chambre en arme et dans son insolente majesté. Les boucles altières de sa chevelure offraient le réconfort aux vivants qui, genou à terre et regard baissé, s'abandonnaient à elle en une profonde révérence. Cette traîne ondulée épongeait le sang sucré du champ de bataille et s'en délectait, étanchant sa soif de pouvoir enfantin. Elle ne laissait dans son sillage que tendresse et félicité. L'appartement entier n'était désormais que dévotion. Seule une polyphonie grandiose osait troubler le silence pour accompagner cette marche victorieuse.

 

Elle s'arrêta devant le manant-guerrier qui avait conduit la résistance à l'envahisseur en attendant sa venue. Une larme de honte coulant sur sa joue trompait sa totale déférence : il n'avait pu sauver tout le village, il n'avait pu éviter les morts, il avait failli ! Sa force n'avait su égaler son courage. Son désespoir était un gouffre insondable, il n'attendait plus que la mort, pût sa Majesté exécuter la sentence.

 

La souveraine, qui avait le quart de son âge et mesurait un peu plus de la moitié de sa taille, brandit son épée molle et en dirigea la pointe vers le levant. S'il ne restait au paysan que cet instant baigné de lumière à vivre il n'en fut, de sa misérable vie, jamais de plus beau. La noblesse de l'arme devait alors rencontrer la tendresse magnanime du cœur d'enfant de la reine. La lame, en un délicat arpège se posa sur la tête puis sur chacune des épaules de celui qui était désormais chevalier. La colée, étonnament puissante, assénée par sa suzeraine le surprit et le fit tomber à la renverse. Dans la chute, il ne fut jamais de père aussi heureux : sa fille venait de l'abouber."

 

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