Le kabuki, théâtre le plus populaire du Japon
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Le kabuki, théâtre le plus populaire du Japon
Le théâtre kabuki est actuellement le plus populaire au Japon. Héritier de nombreuses évolutions techniques et sociales, il a su s'adapter et rester un art vivant pendant 4 siècles. Pour preuve, le Kabuki-za de Tokyo possède 2000 places et les représentations ont lieu 25 jours par mois. Il faut dire que cette forme de théâtre a de quoi étonner et passionner les foules. Il a notamment été classé au patrimoine oral et immatériel de l'Unesco.
Histoire et création du théâtre kabuki
Les origines du kabuki remontent à Okuni, une jeune danseuse du XVIIe siècle qui interprétait des chorégraphies suggestives pour le plus grand plaisir des spectateurs. La jeune femme jouait autant des rôles masculins que féminins et s'inspirait du théâtre Nō. Elle aurait petit à petit approfondi les histoires derrière ses gestes et fondé un groupe de kabuki mono. Le terme désignait alors des jeunes en marge de la société et plutôt exubérants. On sait peu de choses sur Okuni, les sources historiques étant rares, mais la ville de Kyoto a érigé une statue en son honneur dans le quartier où elle dansait. Quoi qu'il en soit, le genre remporte un franc succès populaire et les prostituées se mettent à l'imiter en ajoutant des instruments de musique et plus d'actrices sur scène.
La popularité de ces représentations où le charme et le travestissement étaient au centre de l'art décida le shogunat à bannir les femmes des représentations de kabuki en 1629. Les troupes masculines, qui avaient alors moins de succès, profitèrent de cette interdiction. Mais là aussi, de jeunes garçons étaient utilisés pour jouer des rôles de femmes et la prostitution n'était jamais bien loin. Ainsi les jeunes hommes furent également proscrits des représentations en 1652.
Un kabuki plus moderne voit alors le jour : pour ne pas être interdites, les pièces devaient raconter une histoire plus élaborée que de simples danses érotiques. De nombreuses pièces écrites originellement pour le bunraku (théâtre de marionnettes qui avait déjà ses lettres de noblesse) sont adaptées pour le kabuki qui gagne ainsi en prestige. Mais c'est aussi l'occasion de créer des pièces uniquement pour cette forme théâtrale et de la distinguer des autres. Les meilleurs acteurs deviennent alors de véritables célébrités. En parallèle des grands théâtres, quelques villages ont conservé jusqu'à aujourd'hui des troupes locales qui jouent pour le plaisir de perpétuer les traditions.
Les onnagata, quand les hommes jouent les rôles féminins
Bien que les rôles soient à présent interdits aux femmes, le kabuki donne une immense importance aux personnages féminins. Les acteurs ne doivent pas se contenter d'imiter ou de parodier une femme, ils doivent en adopter toute la gestuelle et les expressions. Ces rôles sont considérés comme les plus complexes à interpréter. Les acteurs doivent parvenir à recréer un idéal féminin et à en synthétiser l'essence pour le rendre sur scène. L'élégance est au cœur de la performance et les rôles interprétés par les onnagata ont toujours de beaux costumes qu'ils doivent porter avec raffinement.
Il n'y a donc pas besoin d'être un homme "efféminé" pour jouer une femme, tout l'art de l'onnagata réside dans sa manière d'être plus que dans son physique de base.
De manière générale, tous les rôles sont très codifiés et doivent être joués dans la tradition plus que dans l’innovation. Les acteurs plus anciens conseillent les plus jeunes et avec l'arrivée de la vidéo, les aspirants comédiens passent de longues heures à visionner les interprétations de leurs prédécesseurs pour s'en imprégner. Chaque acteur est également lié à une guilde de kabuki et reçoit ainsi un yagō, un nom de scène relié à son groupe. À certains moments des représentations, un acteur peut se figer dans une pose particulièrement spectaculaire. C'est ce qu'on appelle le mie. Les connaisseurs dans le public crient alors son nom de guilde en signe d'encouragement et d'appréciation. La pièce continue ensuite normalement.
Il existe aujourd'hui deux grands types de jeu : aragoto et wagoto. Le premier est originaire de Tokyo et est plutôt dans l'exagération. Il s'illustre dans les pièces épiques où les passions se déchaînent. Le second, plutôt représenté à Kyoto, est plus doux et se prête mieux à des histoires de cœur plus calmes et réalistes. Les acteurs se spécialisent non seulement dans un registre, mais aussi dans un type de rôle bien précis afin de le maîtriser au mieux.
Le théâtre kabuki contemporain
Plus le kabuki est devenu populaire, plus il a gagné en moyens techniques et humains. Aujourd'hui, une représentation est accompagnée par des musiciens, un conteur, des techniciens et de nombreuses astuces scéniques interviennent dans les pièces. Sur cette image, le décor est sur plusieurs plans pour donner une impression de profondeur et de la neige tombe en permanence.
Les scènes de kabuki ont été parmi les premières à être dotées d'une plateforme tournante en leur centre pour faciliter les changements de décor. Mais les effets visuels sont aussi soutenus par des trappes, des câbles et surtout par les kurogo. Ce sont ces hommes entièrement habillés en noir qui sont, par convention, invisibles sur scène. (C'est d'ailleurs ce vêtement noir "d'invisibilité" qui aurait donné la représentation typique du ninja telle qu'on la connaît aujourd'hui.) Une autre charactéristique est le hanamichi, le chemin en bois qui traverse toute la salle pour arriver jusqu'à la scène. Les acteurs principaux font leur entrée par là.
Les représentations se doivent d'être toujours grandioses. Les décors sont imposants, souvent dynamiques avec de nombreux effets. Les costumes sont également extravagants, très soignés et coûtent une petite fortune à produire. Leurs couleurs, leur coupe, leurs motifs, tout est codifié et donne des informations sur le personnage interprété.
Contrairement au théâtre Nō, les acteurs de kabuki ne portent pas de masque, mais du maquillage. Sur une base blanche, ils dessinent des lignes spécifiques à chaque personnage afin d'en accentuer les traits et expressions. Ainsi, le rouge sera plutôt attribué au courage et l'ardeur alors que le bleu renverra à la tristesse voire à la méchanceté.
La musique a pris elle aussi une place plus importante dans le kabuki moderne et plusieurs groupes de musiciens sont présents sur scène. L'instrument central reste le shamisen qui accompagne le narrateur de l'histoire qui chante certains passages. Un autre groupe composé de plusieurs chanteurs et joueurs de shamisen donne de l'ampleur et enfin, un groupe orchestral est caché derrière la scène ou sur sa gauche et gère les effets sonores ainsi que l'ambiance générale d'une scène.
Aujourd'hui, le kabuki est la forme de théâtre qui attire le plus de spectateurs au Japon. En mêlant la tradition et de nouvelles créations, cet art a su rester dans l'air du temps et continue de plaire. Je vous laisse avec la bande annonce d'une adaptation kabuki du manga "nausicaa de la vallée du vent" de Hayao Miyazaki qui illustre bien l'adaptation à la culture populaire.
Crédits photo : vivre le japon, Bassel Khaled, Antal Bódi