Valérie monte dans la chambre. Didier empile ses vêtements dans la valise. Ils sont plus ou moins bien pliés. Elle susurre quelques paroles plus radoucies.
— Je suis désolée, je ne comprends pas ce qu'il nous arrive.
Didier ne souffle pas un mot, sans réconfort alors qu'elle en a besoin. Il ne désire rien oublier. Il la dévisage. Elle donnait pitié avec son air triste. Lui qui est si inoffensif d'habitude, cette vision ne le rend pas insensible.
C'était un enfer pour lui de ne rien lui dire.
Il voulait la voir guérie, c'était l'essentiel. Un moment de solitude le frappe et c'était sans calcul. La communication passait toujours chez eux, mais ils vivaient une période délicate. Les atomes chimiques fonctionnaient toujours, il en pinçait pour elle comme au premier jour. Tout ce qu'il faisait, c'était elle au prix d'un sacrifice.
Il se positionne devant elle. Sa colère retombe. Elle réussit à le toucher. Il la serre dans ses bras ; il lui caresse ses cheveux ; il prend sa tête entre ses mains ; lui colle un baiser sur ses lèvres ; puis, il est plus fougueux. Il dose ses propos sans la blesser.
— C'est pour toi, pour nous, ce voyage. Tu dois rester avec les enfants. Je suis un peu dans le brouillard. Cette escapade me sera bénéfique.
— Je suis en cause alors ?
— Ne ramène pas tout à toi.
— Tu es très énigmatique, je suis visée à coup sûr !
— C'est un ensemble. C'est histoire de quelques jours.
Didier l'embrasse sur le front. Elle le retient et lui supplie du regard.
— Je t'en prie Valérie, tu es bien partie seule sans moi. Tu ne t'es pas posé de questions à ce moment-là.
Le visage de Didier se renferme et devient plus dur. Il s'était promis de rester neutre, mais cela le chatouillait trop. Elle lui tendait une perche et elle le titillait.
— C'est complètement différent !
— Nous stagnons, Didier. Lâche le morceau, bon sang ! Au moins que je sache de quoi se retourne le problème entre nous !
Valérie se colle à lui, mais il la repousse.
— Tu vas rejoindre une autre femme ! Tu me quittes !
— Ne sois pas idiote Valérie. Pourquoi devrais-je me justifier ? Et toi, m'as-tu donné une chance ? Tu m'as juste prévenu par une lettre. Rien ne prédisait cela. Je ne méritais pas autant d'ingratitude de ta part. Tu es égoïste, Valérie. Tout se rapporte qu'à toi. Je te signale que j'existe ! Tu n'as pris la peine de me parler de ton mal-être. Oui, je t'en veux de ton silence.
Valérie se jette sur lui pour l'enlacer, mais il recule. Elle s'excuse une nouvelle fois. Son visage exprimait de l'angoisse, des larmes s'échappaient du coup de l'œil.
— Tu ne t'imagines même pas dans quel état j'étais.
Didier se relâche et bredouille.
— Et Pierre qui met du soin pour dévoiler à notre fils sa paternité avec lui. J'étais seul à gérer.
Valérie lui touche ses mains.
— Valérie, j'ai cru te perdre ainsi que Matthieu.
Valérie l'attire vers elle pour le sentir contre sa poitrine. Il s'effrondait dans ses bras. Elle se culpabilisait et des nœuds de spasmes se tordaient dans son estomac. Elle s'accroche à ses épaules et enfonce ses ongles dans la chair. Ne pas le laisser partir, pourtant, elle n'a pas le choix. Sa décision est définitive. Ce ne sont pas les simagrées de sa femme qui vont permettre de changer d'avis. Elle se sentait ailleurs à l'Estérel, un coin de paradis d'Éden. Des roches rouges, un océan d'un bleu foncé, leur dernier lieu de vacances pendant leur été.
Ils étaient seuls au monde à partager un instant de tendresse avec les pleurs saccadés. Valérie éterniserait bien cette accolade. Didier se soulage d'un poids, mais la séparation s'approche. Didier ferme sa valise et dépose l'embrasse.
— Prends soin de toi et des enfants !
— Non, s'il te plaît, reste !
La voix de Valérie se brise dans les sanglots et elle pense qu'elle puisse le retenir. Avec son bagage dans la main, il baisse la tête pour éviter de croiser le regard de Valérie.
Valérie s'écroule et s'enfonce dans le fauteuil en cuir. La porte grince. Elle ne peut plus le monopoliser. Vidée et lasse, elle s'endort jusqu'à l'arrivée de ses enfants. Matthieu attrape une banane dans le panier d'osier. C'est mardi soir, le jour de sa série préférée avec leur icône, une star américaine. Le volume de la télévision assourdit les oreilles de Valérie. Elle se réveille brutalement. Elle descend de l'escalier quatre à quatre. Au retour, ils ont croisé la voiture de leur père, un vieux modèle diesel. Valérie a une tête qui effraie. Matthieu baisse le son avec la télécommande.
— Papa est passé à la maison et il n'est pas resté. Pourquoi ? Ce n'est pas son habitude de venir à cette heure-ci.
Valérie épince les fleurs fanées de son azalée sur le carrelage.
—Votre père est parti quelques jours.
Valérie est ténébreuse et décomposée. Matthieu s'alarme, il devine qu'elle a pleuré.
Les yeux de Stéphanie s'agrandissent, les propos de son frère commencent à l'inquiéter.
— Réponds à Matthieu s'il te plaît, je flippe.
Valérie enlève les arums fanés de son vase.