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Auvergne : la légende des fantômes de l'abbaye d'Aurillac

Auvergne : la légende des fantômes de l'abbaye d'Aurillac

Published Mar 11, 2025 Updated Mar 11, 2025 Culture
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Auvergne : la légende des fantômes de l'abbaye d'Aurillac

Auvergne : la Légende des fantômes de l'abbaye d'Aurillac, par Juliette Norel


Dans le sud des terres auvergnates, non loin de l’endroit où mon grand-père paternel est né, où il a fondé la famille qui deviendra la mienne, Aurillac s'étend comme une aquarelle vivante, où chaque teinte du paysage raconte une histoire douce et mélancolique. Blottie entre les collines de la Châtaigneraie, la ville semble rêver, bercée par le murmure des vents qui glissent sur les cimes boisées. Les vallées alentour, couvertes de prairies émeraude, ondulent sous le souffle discret de la brise, tandis que les ruisseaux scintillent tels des fils d'argent glissant à travers une tapisserie de feuillages.

Au lever du jour, une brume légère enveloppe doucement les toits et les sentiers, voilant les contours avec une délicatesse presque irréelle. À travers ce flou diaphane, les premiers rayons du soleil percent, projetant une lumière dorée sur les terres assoupies, transformant chaque goutte de rosée en un trésor éphémère. Les montagnes au loin se dressent en géantes silencieuses, leurs silhouettes teintées de bleu grisâtre, veillant sur la ville et ses secrets.

Là, au cœur de cette symphonie de granit et de vallées, surgissent les ruines de l’Abbaye Saint-Géraud, majestueuses et fragiles, témoins silencieux d’un monde où le sacré flirtait avec l’éternel. Ici, les anciens racontent que certaines nuits, lorsque minuit caresse les pierres de ce lieu sanctifié, un cortège spectral émerge du brouillard et se fond dans les vestiges.


Ce sont les âmes des moines massacrés, tentant, par-delà le voile de la mort, de protéger leur refuge profané. Leurs silhouettes encapuchonnées glissent sur l’herbe figée de rosée, et un chant sépulcral résonne, si bas qu’il semble émaner des entrailles mêmes de la terre. Malheur à celui qui croise leur chemin : il est dit que son nom rejoindra leur liste funèbre avant que l’année ne s’achève. Pour cela, à Aurillac, nul n’ose franchir le seuil de sa maison en cette heure fatidique, préférant confier ses prières à la voie lactée.

Pourtant, une toute autre histoire m’a été contée, une nuit, au coin du feu, lors d’une veillée scoute de mon enfance. Comme si c’était hier, je me souviens que l’on m’a murmuré que ces pierres, usées par le temps, suintent en réalité d’un chagrin qu’aucun vent ne peut dissiper.


À la nuit tombée, quand la lumière de la lune glisse sur les arcs brisés, il est dit que deux âmes y dansent encore, prisonnières d’une éternité inachevée.


Il y a des siècles, alors que l’abbaye régnait en majesté sur les terres vallonnées, un silence austère imprégnait ses couloirs. Les moines, gardiens du sacré, y cheminaient comme des ombres disciplinées, murmurant leurs prières dans l’obscurité des cloîtres. Parmi eux, frère Arthus brillait d’une ferveur singulière. Pourtant, son cœur, secret comme une nuit sans lune, abritait une chaleur qu’il refusait d’admettre.


Puis vint Élise, la fille des bois, une guérisseuse dont les pas portaient le parfum de la terre et l’éclat des étoiles. Elle cherchait asile, sa réputation calomniée par les superstitions du village.


Quand leurs regards se croisèrent pour la première fois dans l’ombre du parvis, ce fut comme si l’univers tout entier s’était suspendu entre deux battements de cœur. Arthus et Élise devinrent des constellations l’un pour l’autre, naviguant dans un ciel où leur amour, bien qu’interdit, brillait comme une étoile filante – brève et infinie.


Ils se retrouvaient en secret, sous les grands chênes à la lisière du sanctuaire, échangeant des murmures que seuls les arbres anciens pouvaient entendre. Mais aucun amour, si pur soit-il, ne reste à l’abri des jalousies terrestres.

Un frère de l’abbaye, rongé par l’envie et l’orgueil, dévoila leur secret devant l’abbé. La sentence fut implacable : Élise, jugée tentatrice, fut bannie, et Arthus condamné à l’expiation éternelle.

Par une nuit d’orage, Élise tenta de fuir, poursuivie par les éclairs qui déchiraient le ciel comme des lames divines. Mais une rivière déchaînée arracha son dernier souffle, et son corps disparut dans les remous glacés.


Arthus, brisé d’avoir perdu celle qui portait une partie de son âme, se retira dans le silence de sa cellule, psalmodiant jusqu’à ce que ses larmes deviennent sa seule prière, jusqu’à ce que son cœur cesse de battre.


Depuis cette nuit tragique, on dit que l’esprit des deux amants erre dans l’abbaye. Les visiteurs racontent avoir vu, au clair de lune, une silhouette vêtue d’une robe blanche, son regard porté vers l’horizon, comme si elle attendait quelqu’un.


Certains témoignent d’un chant lointain, doux et triste, qui semble émaner des murs eux-mêmes. D’autres jureraient avoir aperçu un moine figé dans le silence, portant sur son visage l’ombre d’un amour qui ne saurait mourir.


Les chandelles s’allument d’elles-mêmes, une chaleur fugace envahit la chapelle abandonnée, comme si Arthus et Élise cherchaient encore à se retrouver.

Sous le velours de minuit, si vous prêtez l’oreille, peut-être entendrez-vous leur promesse murmurée au vent : "Je te retrouverai, dans cette vie ou celle d’après."


Les amoureux d’Aurillac demeurent, ni vivants ni disparus, suspendus entre deux mondes. Leur légende, empreinte de lumière et de douleur, fait de l’abbaye non un simple vestige, mais un havre d’amour immortel, où chaque pierre pleure leur histoire et chaque étoile incante leur rédemption.


Et pourtant, au-delà des ruines silencieuses et des chuchotements mystiques qui en émanent, l’histoire d’Arthus et Élise nous parle d’un amour qui transcende le temps, l’espace, et même la mort.


Elle s’élève au-delà de leurs destins brisés, pour devenir une ode à l’universalité du lien entre deux âmes destinées à se trouver, encore et encore.

N’est-ce pas là l’essence même des flammes jumelles ? Ces âmes miroirs, fragmentées par les aléas de l’existence, mais inlassablement attirées l’une vers l’autre, dans une quête infinie de complétude ?

Il y a une beauté poignante dans le tragique : celle d’un amour si puissant qu’il en devient immortel, vibrant dans chaque souffle du vent, dans chaque reflet de lune. Arthus et Élise ne sont pas qu’un récit, mais un rappel de notre propre quête intérieure, celle de trouver l’autre moitié de notre être, de toucher du doigt l’éternité à travers un simple regard.


Ainsi, leur histoire, bien qu’imprégnée de douleur, illumine le cœur de ceux qui savent l’écouter : elle nous murmure que l’amour véritable, celui qui brûle avec l’intensité d’une étoile, ne s’éteint jamais tout à fait.


Et dans le clair-obscur de l’abbaye, ce sanctuaire intemporel, leur étreinte suspendue dans l’éther nous rappelle que, même dans la tragédie, réside une forme sublime de beauté, et que l’écho d’un amour sincère résonne à jamais au creux de l’univers.


Création visuelle par Seelab


Auvergne : la légende des fantômes de l'abbaye d'Aurillac, par Jean-Christophe Mojard


L’abbaye Saint-Géraud


Les pierres ont un écho qui se mêle au silence

Des âmes tourmentées en quête de justice.

Et de ces cris éteints, il reste la souffrance

Qui hante encore les lieux témoins de leur supplice.


Le sang des innocents teinta les pierres grises,

Jusqu’au cœur de la foi des moines éternels.

Si bien que leurs fantômes en gardent la méprise,

Emportant les esprits des visiteurs mortels.


La nuit de la Toussaint, l’abbaye Saint-Géraud

Fera sonner le glas des curieux imprudents.

Les cloches sont les voix de ces antiques hérauts :

« Ceux qui verront les spectres en grossiront les rangs. »


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Erwann Avalach verif

Erwann Avalach 4 hours ago

Cette terre d'Auvergne semble avoir conservé
Les stigmates du feu qui longtemps y couva.
Au fin fond de ces âmes un brandon enflammé
qui brulait sans passion en amour se mua.

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