Chapitre 1
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Chapitre 1
Julia, une jolie femme aux cheveux blonds ondulés et aux yeux bleus en forme d'amande, était avocate, elle exerçait sans associé dans la commune de Quiberon avec sa thalassothérapie, sa côte avec sa plage, une ville touristique, pas très loin de Carnac. Séparée de son compagnon depuis quelques mois, son horloge biologique tournait et ses chances de devenir mère se réduisaient si elle ne mettait pas en quête d'un bel étalon. Âgée de quarante-trois, elle s'en préoccupait. Elle avait partagé sa vie avec un homme dans la finance, elle supportait mal la solitude. Elle traitait et plaidait des affaires pas faciles et traînait souvent tard dans son cabinet. De temps en temps, elle croisait l'agent de nettoyage. Chauve et de taille moyenne, ce n'était pas un homme pour qui on se retournerait. Ils se saluaient sans s'arrêter.
Puis, un soir, elle broyait du noir, elle était seule, elle ne rencontrait personne pour la distraire et son travail l'accaparait trop. Avec son métier, elle avait l'habitude de définir les traits de caractère par leurs comportements, leurs gestes et leurs paroles. Elle ne s'engagerait pas avec n'importe qui sans l'assurance de connaître la personne sur son passé. Raoul ne l'avait pas encore remarquée, il était pourtant sensible à la beauté féminine, mais il travaillait dans une entreprise à côté. Pas question de mélanger boulot et sentiment, c'était sa philosophie. Elle regarda laver la devanture de la bijouterie.
- Pourquoi pas lui ?
Elle ne se démonta pas, la voilà déjà sur le trottoir.
- Cette vitrine va être impeccable.
Il se retourna.
- Je souhaite satisfaire ma clientèle avant tout.
- Quand vous aurez terminé, nous pourrions boire un pot dans le bar un peu plus loin, nous avons besoin d'une pause tous les deux.
- Je finis bientôt.
- Je vais réserver une place.
- Très bonne idée et à tout de suite.
Julia fendit un large sourire enjôleur. Un écorché vif au passé douloureux, rejeté par sa mère dès sa naissance par un déni de grossesse, elle tenta même de le tuer. Alors qu'il était un nourrisson, elle le lâcha de ses bras et il tomba. Il survécut, mais il eut du mal à apprendre à marcher. Le père le confia à ses parents pendant six ans. Son père s'était remarié, il avait récupéré son fils. À dix-huit, Raoul fut mis à la porte par sa belle-mère. Devenu SDF, il fut repéré par les services sociaux qui l'aidèrent avec un éducateur jusqu'à ses vingt et un ans. Petit à petit, il reprit les rênes de sa vie par de petits contrats, mais les débuts difficiles en crescendo. Lors de cette période, Raoul collectionnait de nombreuses conquêtes, des aventures sans lendemain, il succombait avec facilité à la gent féminine, un cœur d'artichaut qui séduisait par sa sensibilité. Une seule résista jusqu'à des fiançailles, puis un événement les chamboula et provoqua une rupture. Puis un jour, il rencontra la mère de ses trois enfants pendant quinze ans jusqu'au jour où il divorça. Durant cette période, fidèle à sa femme, il se stabilisa. De nouveau libre, il vivait une relation épisodique avec une femme qui tomba enceinte de lui. À son compteur : déjà trois filles et un fils. Son fils avait choisi d'habiter avec lui, c'était l'aîné et il avait vingt ans.
Cette démarche assez osée ne lui déplaisait pas, Julia était à son goût. Il rangea son matériel et rejoignit la jeune femme qui l'attendait. Ils entamèrent la conversation par des banalités et, peu à peu, ils s'étalèrent sur leurs vies respectives. Elle parla de ses origines italiennes, sa mère était décédée et elle était fille unique. Son père était juge au Tribunal de Nantes. Le courant passa entre eux et ils évoquèrent des anecdotes drôles. Ils partagèrent leurs loisirs et leurs musiques de prédilection. Julia préférait surtout les chansons de son pays. Avant de se quitter, ils s'échangèrent leurs numéros de téléphone.
Pour Julia, l'affaire était dans le sac, elle le relancera une semaine plus tard.
Elle était peut-être loin de ses pensées, mais risqua tout de même de lui téléphoner. Avec sa voix charmeuse, elle ressassa leur dernière soirée d'un doux moment agréable qu'elle désirait renouveler dans un autre tête-à-tête ou d'une sortie. Il lui proposa de venir chez lui, il lui concoterait un bon repas avec ses talents de cuisinier, il improvisait avec les ingrédients sans recette à l'appui.
Elle se présenta à son avantage avec une robe élégante et lui accorda toute son attention avec sa délicatesse. Dès qu'elle arriva avec un paquet, elle lui offrit et ils se serrèrent la main, l’attirance était toujours. Julia observa son intérieur avec les photos des enfants. Il n'avait donc pas menti sur son histoire. Il l'installa dans la salle de séjour et lui apporta un verre de Porto et des gâteaux d'apéritifs. Julia se sentit à l'aise et ils avaient l'impression de se connaître depuis toujours.
- Raoul, on peut se tutoyer à présent.
- Oui, le vouvoiement n'est plus de mise. Alors, comment trouves-tu chez moi ?
- C'est mignon, comme toi d'ailleurs !
Raoul fut flatté et lui rendit l'appareil. Il ne savait pas sur quel terrain elle allait sans se précipiter dans la séduction. Elle réajusta sa robe en entrecroisant ses jambes.
- Il y a une bonne odeur dans la cuisine, qu'as-tu préparé ?
- Tu verras tout à l'heure quand je te servirai. J'espère que tu aimeras.
- Je ne suis pas difficile et surtout gourmande.
- Trinquons à notre rencontre.
Ils levèrent les verres qui s'entrechoquèrent. Après avoir bu une gorgée, ils reposèrent leurs verres. Ils se sourirent et Julia déclara :
- C'est la signature de notre pacte d'amitié !
- On va se mettre à table sous peu.
Raoul se déplaça pour sortir le couvert et alluma sa chaîne stéréo avec des chansons de Jean Jacques Goldman.
- J'aurais pu t'aider !
- Tu es mon invité.
Raoul retourna à ses fourneaux pour vérifier la cuisson de son poulet, il l'arrosa dessus avec la sauce dans le plat et referma le four. Il prépara les huîtres en les ouvrant avec un couteau et les servit sur un plateau avec des tranches de citron et une vinaigrette dans des ramequins.
- Oh ! J'adore ça !
Ils s'installèrent à table, il déboucha une bouteille de vin blanc et le versa dans les verres. Ils dégustèrent en ne se quittant pas des yeux avec des sourires.
- Mmm… je me régale.
- Elles sont fraîches de ce matin !
- Qui chante ?
- C'est Jean Jacques Goldman, je suis fan de lui depuis mes onze ans !
- Oh ! En effet !
- C'est une longue histoire !
Les huîtres furent vite mangées. Ils avaient des moments de silence, les chansons tournaient et l'écoute presque religieuse. Elle découvrait l'artiste, elle battait des cils par moments avec un regard doux. Une odeur suspecte remonta les narines.
- Oh ! Mon poulet ! Il va griller !
Un vent de panique s'abattit sur Raoul, il déboula aussitôt jusqu'à sa cuisine. L'émanation de la cuisson se propageait dans le four, il le sortit à temps. La peau n'était pas calcinée, il aéra pour dissiper la fumée. Julia réitéra son aide, mais il lui demanda de desservir les assiettes. Elle s'exécuta pendant qu'il découpa la volaille et déposa les tranches avec les haricots verts au centre du plat. Julia jeta les huîtres dans un sac noué.
- Un homme avec un tablier, c'est très sexy !
- Oh !
Raoul n'était pas indifférent. Pour une fois, une femme menait la danse. Il récupéra la sauce dans une saucière. Il effectua deux aller-retour pour amener ses deux plats. Ils s'installèrent de nouveau et ils se partagèrent les morceaux de viande et son accompagnement. Raoul lui raconta des blagues et Julia rit. Elle était aussi charmée par Raoul où elle décela un homme qui avait connu beaucoup d'épreuves et roulé sa bosse. Elle l'admira par sa facilité de rebondir et de se débrouiller seul dans sa vie. Il la captivait et elle buvait tous ses mots. Ils traînèrent à table sans se préoccuper du temps qui passait, le dessert tardait à venir. Ils étaient tellement bien dans les fous rires et dans les confidences. Ce n'était pas un Apollon, mais il la séduisait par sa personnalité. Elle ne se trompait pas, il était la personne qui lui fallait aux premiers abords.
- As-tu encore faim ?
- Pour un gâteau ?
- Oui et breton ! Je suis fier de l'être !
- Oh ! Avec plaisir, tu es déjà un bon cuisinier et peut-être un pâtissier hors pair ?
- Merci du compliment !
- Ta femme avait de la chance.
- Ben, malheureusement, c'est un autre qui a pris ma place.
- Je suis désolée !
- Merci !
Raoul vida les déchets des assiettes dans le même récipient et les emporta avec lui. Il rapporta un far aux pruneaux.
- Oh ! Excellent, ça m'a l'air appétissant !
- Oui, ça te change de tes spécialités italiennes !
Julia éclata de rire. Raoul changea d'assiettes et les laissa dans un coin de table. Avec une petite pelle à dessert, il servit dans une belle céramique avec un verre de chouchen. Les cuillères plongèrent dans la pâte moelleuse et la portèrent à la bouche. Julia se régala et fut conquise.
- Tu as tes deux diplômes, bravo !
- Merci.
Julia regarda l'heure sur sa montre.
- Oh ! Déjà ! Le temps passe trop vite avec toi ! Je vais t'aider à laver la vaisselle !
- Oh, ne t'inquiète pas pour ça, je ferai ce soir! Allons-nous promener et profiter du soleil.
- Débarrassons quand même avant, cela fera moins de désordre.
- D'accord !
Julia se leva un peu ankylosée, ils desservirent la table et déposèrent dans l'évier. Ils se vêtirent de leurs vestes. Le soleil rayonnait. La porte fermée, ils partirent à pied. L'un à côté de l'autre sans se toucher et ils s'échangèrent des regards tendres. Ils empruntèrent un chemin étroit le long d'une petite rivière. Soudain, Julia empoigna la main de Raoul.
- Je me sens bien avec toi. J'ai passé une très bonne journée.
- Moi aussi, je trouve qu'on est bien tous les deux.
Julia le prit par la taille. Raoul fut surpris, mais il ne la repoussa pas, il l'imita aussitôt.
-Oui, c'est vrai.
Au bout d'un moment, enlacés, Raoul la serra plus fort. Au- dessus de leurs têtes, un bruit les intrigua. Un écureuil était sur une branche à manger une châtaigne. Julia s'exclama :
- Oh ! Il est magnifique ! C'est dommage que je n'aie pas mon appareil photo !
Un merle s'envola à leur approche. Les oiseaux chantaient à tue-tête. Des pigeons roucoulaient dans les arbres. Ils continuèrent leur marche, les oiseaux semblaient les accompagner. Ils tournèrent par un autre chemin et quittèrent la rivière pour retourner à la maison. Lorsqu'ils se rapprochèrent du quartier, les chiens aboyaient. Avant de regagner dans la maison de Raoul, Julia prit le visage de Raoul entre ses deux et l'embrassa sur la bouche. Ému, Raoul lui rendit son baiser.
- Je n'oublierai jamais cette journée.
Conquise, Julia avait les yeux qui brillaient. Une larme lui perla au coin de l’œil, elle était sur son petit nuage. Ils rentrèrent à cinq du soir.
- Je n'ai pas envie de repartir chez moi.
- Je n'osais pas te le dire, tu peux rester, mais je travaille demain.
- Tout comme moi !
- Je te prête mon lit et je dors sur le canapé. Mon fils est chez un copain où il passera la nuit.
- D'accord.
Julia se rapprocha de Raoul, ses mains sur ses épaules, ses lèvres sur son cou et ses yeux fermés. Ils étaient si près l'un de l'autre qu'elle ne le lâchait pas.
- Nous avons du temps devant nous avant le repas du soir.
Il n'était pas dans sa nature de se refuser à une femme. Prisonnier de ses bras, de ses baisers, il l'enlaça. Elle était si belle et lui si quelconque, comment pouvait-il l'attirer sans qu'il ne la séduise ?
- Vous êtes bien gourmande, mademoiselle.
Puis soudain, un bruit de poignée, le fils rentra plus tôt que prévu. Julia se détacha de Raoul, ils étaient deux adolescents pris en flagrant délit. Raoul toussa.
- Déjà ?
Interloqué, Fabrice fut gêné.
- Oui, changement de programme. Mon copain ne pouvait pas me recevoir, ses parents ont des amis chez eux.
- Ce n'est pas grave, tu ne nous déranges pas. Je te présente Julia, une amie.
Julia le regarda d’un air peu étonné. Fabrice s'approcha d'elle et l'embrassa sur les joues. Puis elle se tourna vers Raoul.
- Je vous laisse entre hommes. Je viens de me rappeler que je dois travailler sur un dossier avant lundi.
- Julia, tu peux rester, ce n'est pas à cause de moi ?
Julia eut un petit sourire.
- Non, pas du tout, je suis avocate et j'ai une audience lundi.
Julia se revêtit et s'avança vers le vestibule. Raoul confus d'éteindre la braise entre eux aussi vite, elle lui chuchota l'oreille :
- On se rappellera !
Raoul sortit avec elle et il la raccompagna :
- Désolé.
- Sache que j'ai passé une journée formidable, rappelle-moi !
Avant de la quitter, il lui offrit un autre baiser.