Chapitre 25
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Chapitre 25
Le soir de la rencontre, je mets de côté les perturbations provoquées en mon for intérieur par les turbulences de la librairie. J’y reviendrai peut-être plus tard. Suite à la lecture des derniers mails d’Ana, je me lance dans une veillée autour de la mythologie indienne.
Coucou Caméliope,
Au détour d’une ruelle, mon rickshaw fait demi-tour devant une horde de jeunes loups éméchés. Pendant Diwali,, y a une liqueur spéciale qu’on prépare. C’est la fête qui célébre la victoire de la lumière sur l’ignorance. Elle est symbolisée par le retour de Rama dans son royaume. Visiblement ces jeunes avaient bu à haute dose. Je reste prudente et je m’aventure sur des sentiers battus, ne t’inquiète pas.
Je découvre pas à pas l’Inde. Heureusement nous sommes escortées par nos potes. Ils nous expliquent comment fonctionne le quotidien et tous les aspects culturels. Il y a deux mois, la communication était encore très bancale entre nous. Nos copains indiens étudient en anglais, écrivent très bien mais parlent peu finalement en anglais à l’école. Tout passe par l’écrit. Et nous, avec Brianne, autant dire qu’après de nombreuses années passées à apprendre l’anglais dans nos écoles adorables, on était quand même super nulles. Mais on s’est beaucoup améliorées, on reçoit les journaux anglophones et nous parlons tous les jours anglais. Okay, on a un accent franco-indien. Mais bon, tant qu’on nous comprend !
Je t’embrasse bien fort,
Je n’ai pas encore le mal du pays, il y a trop de merveilles à découvrir ici.
Ana
Je déniche un livre cartonné sur la légende du Ramayana pour compléter les mails d’Ana sur Diwali. Je leur raconte le livre avec délectation. Mes bambins se coucheront un peu plus tard, les yeux remplis de dieux et de démons. Je découvre en le lisant que la fête de la lumière débute aux alentours de la nuit la plus sombre du mois lunaire. La mythologie de Diwali, plus présente dans le nord du pays, chante le Ramayana. Cette épopée célèbre le retour de Rama auprès de sa femme Sita, dans son royaume. Rama rentre d’un exil de quatorze ans après avoir vaincu le démon Ravana.
Je commence à avoir quelques connaissances de la culture indienne. Mes petits en profitent.
-Le Ramayana, c’est histoire de Rama et de Sita notamment de leur conflit avec le démon Ravana. Rama est la sixième incarnation de Vishnu, personnage principal du Ramayana. Sita est la déesse hindoue, avatar de Lakshmi et épouse de Vishnu
Peter intervient à plusieurs reprises. J’explique comme je peux les mots incarnation et avatar. Je ne pensais pas m’intéresser autant aux histoires de dieux et de démons. Là, je constate que ce monde est mélangé à la réalité. Les gens vivent ces histoires au jour le jour. La magie du surnaturel se mêle au concret du quotidien. Tolstoi, Sacha et Peter n’ont aucun mal à se couler dans cet univers. Ils en redemandent. Il est l’heure d’éteindre la lumière de la journée pour s’embarquer dans des aventures oniriques insatiables.
Mes enfants se sont endormis tandis que je vogue dans le sillage d’Ana, documentaire à l’appui.
Toutes les lampes illuminent le chemin du retour d’exil de Rama. Diwali est aussi célébrée dans les sociétés agraires où elle symbolise la fin des moissons. Des sucreries sont alors préparées avec du riz pilé à moitié cuit qui provient de la moisson toute fraîche. Une bonne moisson est liée à la prospérité, d’où la vénération de la déesse de la prospérité Lakshmi célébrée pendant Diwali. Les maisons sont complètement nettoyées pour accueillir la déesse. Concentrée pour broder cet univers mythologique avec mes enfants, je sens pourtant que mon attention décroche doucement, relancée par le battement de plus en plus rapide du métronome de mon cœur.
Une fois sous ma couette moelleuse, je me reconnecte spontanément au sketch de la rencontre avec le forcené à roulettes. Je balaie d’une main cet épisode sans y croire vraiment. Une petite porte s’est ouverte dans mon creux, microcosme où commence à régner le ronronnement d’une tiédeur. Une allumette a craqué. Je me prends à imaginer différents scénarios fleur bleue avec cet homme ou ce qu’il peut représenter. Des rêves à l’eau de rose taquinent le trépied en mon creux.
La réalité me rappelle à l’ordre. Il faut que j’arrête de croire aux contes de fées. Une petite soirée de rêveries suffit à houspiller mes neurones. A ce moment-là, j’abandonne cet homme dans son Tartare. Je l’occulte complètement. Mon entendement me fait bien comprendre que je n’ai aucune raison de le revoir à un coin de rue.
Les jours suivants, j’essaie à nouveau de franchir la porte de Beethoc, mais le blocage perdure.