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Le journal de Titi

Le journal de Titi

Published Mar 10, 2025 Updated Mar 10, 2025 Biography
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Le journal de Titi

Pour vous conter aujourd'hui une petite histoire innocente, j'ai fouillé dans les évènements qui sont venus me bousculer, me blesser, à la recherche d'un point d'appui. Armée d'une lampe torche, fouinant dans mes greniers intérieurs, manœuvrant parmi les vieux cartons, je suis tombée sur ceci.


J’ai à mon actif une relation toxique dont les derniers soubresauts ont été particulièrement violents: manipulation, abus, harcèlement, viol de la sphère privée, vol, usurpation d’identité etc…


...De quoi envoyer mon ex-partenaire croupir en taule pendant quelque temps... Bref, une intrusion massive face à mon incapacité patentée à poser des limites.

Faut dire que mon discernement était largement émoussé et, comme on l'affirme, il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

J’avais à peu près autant de cervelle que Titi (le poussin jaune) et -heureusement pour moi- en face, c’était Gros Minet, aveuglé par son appétit, ses pulsions et ses fantasmes de toute puissance: il s’est cru invincible cet imbécile.

Je pose donc pour lui dans ma jolie cage, encore toute gonflée d’orgueil d’être tant admirée. Je lisse mes plumes quand il me dit, d’une voix doucereuse « je ne veux pas te mettre sous cloche», je me crois très forte en percevant la lueur de la prédation dans ses yeux jaunes mi-clos, mon léopard, il n’osera pas, j’en suis sûre. L’image de mon petit corps grillé sauce au vin alors que le maître d’hôtel soulève la fameuse cloche devant Gros Minet attablé avec une bavette blanche autour du coup viendra plus tard et me fera son petit effet.

Quelque temps après, la cage où je posais pour faire joli (oh la belle image d’Epinal!) a la porte fermée à double tour et je ne sais plus depuis combien de temps je ne suis pas sortie. Ma petite cervelle de piaf tourne à plein régime et, à défaut de voler librement, j’écris, je confie à un journal intime mes élucubrations d’oiseau. Gros Minet me tourne autour et me décoche des coups de griffes, il n’arrive pas à m’atteindre complètement, m’arrache des plumes au passage, tente de me sectionner une aile (ainsi, si je m’échappe, je n’irai pas bien loin). Je commence à voir en lui un matou décati et mauvais, qui ne serait pas Gros Minet si je n’étais pas Titi. Je ne sais pas qui est le plus dépendant des deux. Ce triste ballet se poursuit, de plus en plus risqué et de plus en plus violent: Gros Minet se coince les pattes entre les barreaux de la cage, ça lui fait mal et il enrage. Je suis recroquevillée sur mon perchoir, je me balance nerveusement, à force j’en ai la nausée.

Je tiens dans mon bec mes écrits, mon ultime recours, mon petit défouloir de piaf, mon déversoir intime que Gros Minet convoite tant, persuadé qu’il est que je lui cache un secret inestimable.

Mais si j’avais un plan pour sortir de cette misère, espèce de con, ça fait longtemps que je me serais envolée!

Ma cage est maintenant sale, abîmée, les barreaux sont tordus, Gros Minet fulmine et je sens que mes jours sont comptés. Je décris tout ce que je vis, je noircis des pages et des pages.

Une nuit, utilisant la ruse - alors que je dors, abrutie par l’épuisement émotionnel et l’odeur irrespirable de la pièce où je me trouve - Gros Minet réussit enfin à me subtiliser mon «journal de Titi ».

Stupeur. Il lit toute la nuit. Il remue des litres et des litres de mes fientes d’oiseau, celles que je cachais si bien entre les pages. C’est quand-même indigeste.. Le pauvre. Il se voit tel quel, abject et miteux reflet d’une servitude.

Alertée par ses miaulements grinçants de contrariété, je me suis réveillée. Je l’observe, posée sur le pas de la porte de ma cage qu’il a laissée ouverte. Titi pathétique et déplumé. J’aurais dû écrire « merde à celui qui lira » en page de garde.

J’ai honte.

Puis je m’envole. Adieu Gros Minet, adieu Fouille Merde.



— — — — — — — — — — — — — — — —


https://youtu.be/xyS12RYoLYI?si=Eim3mlTubM9XkwsT


Pour tous les Gros Minets et les Titis un peu sensibles, Zaho de Sagazan a composé "Les dormantes"... Magnifiques et pertinentes

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