La saveur de la vie qui se poursuit
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La saveur de la vie qui se poursuit
Parfois nous étions là, ensemble.
Dans la même pièce, sans se toucher, sans se parler, sans bouger... mais pourtant ensemble.
Ces moments avaient leur couleur, leur musique sans décibel, leur odeur du quotidien, leur légèreté de l’enfance, bref leur saveur de la Vie qui se poursuit…
Notre présent n’était pas celui des autres. Mais nous le retrouvions partout où nous allions ensemble.
Sans se toucher ? Pas vraiment. En fait, j’avais du mal à perdre ce contact, même léger. Poser ma main sur toi, tenir la tienne pour la réchauffer, la reprendre lorsque tu la retirais comme pour jouer.
A la maison, ou dans les salles d’attente de l’hôpital, du CAMSP, du kiné, ou tout simplement au parc après avoir déposé ton frère à l’école. Nous étions toutes les deux, en présence, en silence. Lorsque je te regardais je voyais toujours ce petit miracle de la vie. Avec les yeux d’une maman épanouie, les yeux d’une aidante fière et impressionnée, les yeux d’une personne qui se sentait si forte pour te protéger et si fragile de ne pouvoir te porter au-delà de ce qu’il aurait fallu.
« Extraordinaire » dans tous les sens du terme. Tu l’étais, comme le sont ces personnes que je croise encore aujourd’hui et qui me touchent tellement.
Des regards que l’on croit vagues et perdus dans le vide.
Moi j’imagine tout ce que ces enfants ou adultes voient avec leurs yeux, leur âme. Des couleurs, des formes, des esprits peut-être que nous ne sommes pas capables de percevoir.
Ils semblent parfois fascinés mais pas par les jouets que nous leur montrons.
Ils le sont, comme les enfants, par la brise qui chatouille leurs cils, par les fleurs qui tombent des cerisiers et virevoltent et atterrissent sur eux délicatement. Ils sont fascinés par le monde qui les entoure où se produisent mille petits miracles à la seconde et que nous ne voyons pas.
Parfois j’imagine même qu’ils le sont par des choses qui sont déjà passées.. Puis que nous supposons que nous ne vivons pas dans la même temporalité.
Mais cela ne nous séparait pas pour autant.
Dans ces moments-là, ensemble, il se passait tellement de choses, et rien en même temps. Et ces moments étaient forts, et invisibles, imperceptibles pour le monde. Nous étions dans une bulle, préservées de tout le reste et lorsque j’en sortais, je voulais déjà y retourner pour échapper à cette réalité dans laquelle le silence n’existe plus.
Extrait de roman en construction par Minh-Lan Nguyên
Photo by mohit suthar on Unsplash