Ce matin, Léa allait entamer son premier jour de formation. Enfin, sa candidature fut retenue par le Bureau des Sentiments pour lui laisser sa chance.

Elle avait revêtu son plus beau tailleur et son sac à la main marchait jusqu’à l’école où elle allait assister à son premier cours.

- Asseyez-vous, les pria le professeur en installant ses affaires sur son bureau. La demoiselle au fond, rapprochez-vous, vous risquez de ne pas bien m’entendre.

Léa prit son sac dans ses deux mains et se mit au deuxième rang où une chaise restait libre.

-Pour ce premier jour, je vous propose un exercice qui vous mettra tout de suite en situation. Pour cela j’aurais besoin de deux volontaires.

Un jeune homme leva la main et le professeur l’invita à venir au bureau. Ne voyant pas d’autres élèves se proposer, il fit un tour d’horizon et désigna Léa qui aurait voulu se mettre dans un trou de souris.

-Heu non, non…

-Mais si, allez n’ayez pas peur. Ce n’est qu’un simple exercice. Personne ne sera noté aujourd’hui.

Le professeur installa deux chaises face à face. Léa s’assit sur celle de droite et le jeune Luca sur celle de gauche.

-Maintenant, je vais vous donner le sésame que vous devez tous rêver d’avoir entre les mains.

D’une pochette, il sortit une grande fleur de marguerite pour la donner à Léa.

La jeune femme avait les yeux qui brillaient de mille feux. Elle n’arrivait plus à décrocher son regard des pétales.

-Alors, commençons. Tout d’abord, jeune homme vous allez penser à une personne chère à votre cœur. Une personne que vous appréciez particulièrement. Voire que vous aimez. Inutile de donner son prénom, pensez simplement à elle. Concentrez-vous quelques secondes… ensuite, vous allez commencez à énoncer ses qualités. Ce que vous ressentez de positif pour cette personne. Il n’est pas nécessaire de la décrire physiquement, juste d’exprimer ce qui vous plait chez elle. Vous nous dites lorsque vous êtes prêt.

-Je suis prêt, répondit Luca.

-A mon top, vous commencerez à énumérer calmement ses qualités. En même temps, mademoiselle va décrocher en toute délicatesse le premier pétale. Attention… top.

-Elle est belle et intelligente, commença Luca.

Léa tira précautionneusement sur le pétale qui se décrocha facilement.

-Elle a une voix douce. Des yeux d’un bleu très profond. Son regard est… hum… disons qu’elle a des beaux yeux.

Léa tira sur le deuxième pétale.

-Je crois que ses parents sont riches, ça lui fait gagner des points.

La jeune femme grimaça à cette remarque en tirant rapidement le troisième pétale.

-Doucement, la reprit le professeur. Retirer chaque pétale à la même vitesse, avec la même délicatesse.

-Sinon… elle porte souvent des jupes mais ça ne lui va pas bien.

-Trois pétales, dit le professeur en regardant la fleur dans les mains de Léa. Seulement trois pétales ont été arraché avant que vous ne disiez un fait négatif. Cette femme que vous avez en tête, n’est pas votre marguerite.

-En même temps, j’y suis pour rien si elle n’a pas beaucoup de qualité… se justifia Luca.

-Retournez à vos places.

Les deux élèves retournèrent s’asseoir. Léa ne put se retenir de jeter un regard lourd de sous-entendus à Luca suite aux propos qu’il avait tenu.

-Comprenez bien, que lorsque c’est la bonne personne, que l’individu est bel et bien votre marguerite, vous trouverez toujours des dizaines et des dizaines de compliments à lui faire. Vous lui trouverez d’innombrables côtés positifs. Certes chacun à sa part d’ombre, mais vous ne les citerez pas avant que la fleur n’ai perdu tous ses pétales. Si vous n’êtes pas capable de parler d’une personne en bien, suffisamment longtemps pour que tous ses pétales soient arrachés, cette personne ne sera pas en harmonie avec vous. Faisons un nouvel essai. Deux volontaires ?

Une fois de plus, aucune main ne se leva. Le professeur choisit donc une jeune élève du premier rang à qui il confia une nouvelle fleur.

-Qui d’autre ?

Léa leva doucement la main. Certes elle venait déjà de participer à l’exercice, mais cette fois-ci elle ne tiendrait pas le même rôle.

-Très bien. Mademoiselle, vous attendez mon top pour commencer à exprimer le positif et l’amour que vous ressentez pour votre âme sœur. Et en même temps, progressivement, cette jeune femme retirera les pétales de la fleur. Prenez quelques secondes pour penser à ce que vous allez dire… Etes-vous prêtes ? Attention, top.

-Il est charmant, commença Léa en visualisant son beau Elliot. Il est sympathique et doux. Ca se lit sur son visage. Il a une voix très agréable et rassurante. Même lorsqu’il est en colère, sa voix reste étonnamment posée et calme. Il est intelligent et cultivé. Il est très gentil avec moi et me donne des petits noms affectueux. Il est le genre de personne que je suis fière d’avoir à mes côtés. J’espère qu’il m’accompagnera toute ma vie. Mais je sais qu’il sera toujours là, auprès de moi. Je lui fais confiance. Il mérite que je lui fasse confiance. Il est toujours prêt à rendre service. Il a le cœur sur la main. Il est généreux et serviable. Il…

-Il n’y a plus de pétales.

Léa releva la tête et vit le cœur de la fleur entièrement nu.

-C’est une très belle déclaration que vous venez de faire à votre marguerite, dit le professeur.

Léa rougit légèrement.

Le professeur récupéra ce qu’il restait de la fleur et se tourna vers la deuxième élève.

-Très important. Lorsque vous effeuillez la marguerite. Que la cliente vous énumère les qualités de son amour. Surtout, ne l’interrompez pas. C’est une règle clé. Si vous vous ennuyez, prenez une deuxième marguerite et recommencer à en retirer les pétales. Mais n’interrompez jamais le client. Bien, certains ont-ils des questions à poser sur cet exercice ?

-Monsieur, dit un élève en levant la main. Faut-il prendre en compte qu’une personne peut parler vite ou lentement ? Que certains arrachent les pétales plus ou moins rapidement ?

-Très bonne question. Les règles de l’effeuilleur de marguerite sont très simples. Le rythme pour retirer les pétales est le même pour tous. Il y aura d’ailleurs un cours entier sur la cadence à laquelle les arracher. De manière à ce que tous les effeuilleurs mettent la même durée à retirer chaque pétale de la fleur. Quand au débit de parole, à la vitesse de chacun de faire sa déclaration. Même en parlant très lentement, si une personne n’a pas rencontré sa marguerite, elle n’aura pas suffisamment de qualités à énumérer. Ou eu défaut lui échappera et mettra un terme à la consultation. Elle aura des paroles plates. Dira qu’elle est belle, intelligente. Puis très vite les idées lui manqueront. Le débit est déjà un premier indice, plus la personne parlera vite, moins il y aura de chance qu’elle arrive au retrait des tous les pétales de la fleur. Non pas parce qu’elle aura révéler trop vite sa déclaration, mais parce que lorsqu’on aime vraiment, on savoure chaque mot que l’on prononce. Chaque mot est réfléchi, cherché. On ne cite pas sur un coup de tête. On ne bacle pas sa consultation avec un effeuilleur si on croit à nos sentiments. On fait au contraire tout pour que cet instant dure éternellement.

Les élèves écoutaient le professeur attentivement. La première heure n’était pas encore écoulée que Léa adorait déjà cette formation. Elle le savait, ce métier était fait pour elle.

Bientôt, elle recevrait des clients dans un espace à son image. Elle aurait une marguerite dans les mains et retireraient leurs pétales au gré des compliments que lui feraient des gens amoureux. Et elles espéraient bien pouvoir confirmer à ses futurs clients qu’ils ont bien trouvé leur marguerite et que la flamme de leur amour brûlera pendant très longtemps.

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