Dresseur de larmes

*Glop glop*

— Nini… tu fais trop de bruit.

— Pardon… Ca m’échappe toujours quand j’essaye de me concentrer.

*atchoouuu*

— Mesdemoiselles ça ne va pas du tout ! s’agaçait monsieur Pleur en brandissant son bâton.

*chhhhhh*

— Nana ! Mouche-toi en silence !

— Oui monsieur Pleur… Pardon.

— Et cessez de vous excuser à tout bout de champ ! Allez, reprenons. On se met bien au bord de la paupière…

Nini glissa jusqu’à l’extrémité et s’arrêta d’avancer juste avant de tomber.

— Bravo Nini, l’encourageait Nana.

— Maintenant Nini, tu…

*atchhouuuuu tchouuu tchouuu*

— STOP ! Il est impossible de travailler dans ces conditions ! Nana, tu es prié de retenir tes éternuements. Surtout que tu fais trembler tout l’œil à chaque fois. Nini a encore failli tomber.

— C’est vrai, mais je m’accroche bien. Vous avez vu comme je tiens bien mon équilibre monsieur Pleur ?

— Oui bon, ce n’est pas un exploit non plus. Tu ne fais que ce pour quoi tu es là. Reprenons. Un petit pas en avant et sur la droite. Allez, plus vite que ça.

Nini se faufila encore un peu plus jusqu’au bord droit pour arriver au coin de l’oeil.

— Maintenant lève une jambe. Et ne titube pas surtout.

— Comme ça ? demandait Nini en exécutant son numéro d’équilibriste.

*atchouuuuu tchouuuu tchouuu*

— AAAhhhh !

*Floc*

— Et voilà, tu viens de faire tomber Nini ! Vraiment Nana, tu exagères.

— Ce n’est pas de ma faute si je suis allergique aux cils...

— Je te répète depuis une éternité d’éternuer en silence. Il y en a qui travaillent ici.

*glop glop*

— Nini ? l’appelait Nana d’en haut. Tu vas bien ?

— Je viens de m’étaler comme une crêpe. Monsieur Pleur pourquoi on ne s’entraîne jamais sur les enfants ? Nous tomberions de moins haut.

— L’idée n’est pas de tomber, mais de rester au bord de la paupière ! Qu’y a-t-il de plus émouvant qu’une larme au bord d’un œil ? Un regard humide, qui donne un air de chien battu. C’est ça l’art.

— Je dois remonter alors ?

— Un peu que tu dois remonter ! Et plus vite que ça. En attendant, Nana nous allons reprendre les échauffements. Si nous voulons une belle crise de larmes il y a encore du travail. Et surtout tu dois te retenir d’éternuer. Tu risques de mettre tout le spectacle en l’air si ça te reprend.

— D’accord monsieur Pleur…

*glop glop*

— C’est super haut, se plaignait Nini à peine arrivée à la cheville.

— Nana, une main en l’air et une jambe sur le côté. Allez, hop. Puis tu changes, hop.

La larme se tortillait en sautillant d’un côté à l’autre.

— Plus vite, allez. Hop, hop, à gauche, hop…

— Monsieur Pleur, je sens que je vais éternuer, l’alertait Nana en s’immobilisant.

— Non, fit celui-ci en pointant le bâton vers elle. Tu te retiens et tu sautes. Allez !

*attt attt…*

Retroussant les narines et faisant des grimaces avec sa bouche pour retenir son éternuements, Nana gesticulait dans une chorégraphie qui ne ressemblait plus à rien.

— Nana, tu fais n’importe quoi !

— Victoiiiiiiire !

Nini qui avait atteint de nouveaux les yeux se remis sur ses jambes, essoufflée.

— C’est quelle est rude cette pente.

*att attt attttt atttttccchouuuummm*

Dans son éternuement, Nana fut projetée sur Nini.

*floooooc*

— Oh non, mais je venais d’arriver en haut, râlait Nini en se relevant.

Couverture créée sur Canva