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Chapitre 1

Chapitre 1

Veröffentlicht am 20, Feb., 2024 Aktualisiert am 20, Feb., 2024 Kurioses
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Chapitre 1

 

Mercredi 27 mars 2022

Ensevelie sous la couette, ne laissant dépasser que mes cheveux attachés par-dessus les draps avec dans mes bras l’oreiller que je garde contre moi. Voilà ma position favorite depuis plusieurs semaines. Je pourrais passer mes journées comme ça. Du matin au soir. Puis du soir au matin. Me lever uniquement pour passer aux toilettes et grignoter des petits biscuits qui traînent.

Je m’appelle Liloo et j’ai découvert la sensation de toucher le fond en novembre dernier. Tout ça grâce à Mickaël. L’homme de ma vie. Du moins c’est ce que je croyais jusqu’à ce qu’il m’annonce le jour de mon anniversaire, qu’il avait finalement trouvé mieux que moi. En une seconde, ma vie a basculé. La lumière naturelle qui jaillissait de moi s’est éteinte. Pas comme la flamme d’une bougie sur laquelle on aurait soufflé, non. Plutôt comme la bougie qui s’est pris un seau d’eau. L’éteignant et la déstabilisant par la même occasion.

Il ne m’a pas fallu longtemps pour me laisser sombrer. Seulement une semaine après, je voyais ma médecin généraliste qui n’a pas réussi à comprendre les mots que j’essayais d’aligner tellement les larmes inondaient mes joues. Je reniflais et menaçais de m’étouffer dans ma morve, pendant qu’elle acquiesçait de la tête en essayant de capter quelques bribes de mots. Dès le lendemain, je prenais mon premier antidépresseur. Un petit comprimé blanc au goût amer et qui colle sur la langue. Deux semaines plus tard, après lui avoir rendu de nouveau visite, elle m’a doublé la dose et préconisé d’aller voir un psy. Entendre que j’allais avoir besoin de raconter ma vie à un inconnu fut trop pour moi. De nouveaux je me mettais à pleurer et récupérais un nouveau mouchoir dans mon sac. Un mois plus tard, je rencontrais le psychiatre a l’air le plus psychopathe de la planète. Vous voyez cette photo que l’on montre aux informations pour montrer un criminel ? Cette photo où dès que vous la voyez, vous vous dites « ah bah lui il a la tête de l’emploi » ou « il pouvait qu’être taré avec une tête pareille » et bien c’est exactement ce que j’ai pensé en le voyant pour la première fois. Dès qu’il m’a ouvert la porte, quand j’étais encore dans le couloir de l’immeuble, j’ai compris qu’il était au moins aussi dangereux que la majorité des tueurs en série. Je n’ai pourtant pas l’habitude de juger les gens. Encore moins à leur apparence. Mais il faut savoir admettre la vérité lorsqu’elle s’impose sous vos yeux. J’y suis allée trois fois. Une fois par semaine pendant trois semaines. Il me gardait dans son cabinet pendant une vingtaine de minutes et me refaisait une nouvelle ordonnance à la fin de chaque rendez-vous. En février, j’avais quatre médicaments différents à prendre tous les jours pour soigner ma tête. Guérir mon cœur. Et me redonner le goût de vivre. Presque deux mois plus tard, je suis dans un autre monde. Je ne souffre plus trop. Je n’ai plus le temps d’avoir mal, puisque je dors. Jamais je n’avais dormi autant, pourtant j’étais qualifiée de marmotte par mes parents dans mon enfance. La généraliste me soutient que ce ne sont pas les traitements, mais la dépression qui me rend aussi molle et triste. Mais j’ai des gros doutes.

Depuis janvier, je suis en arrêt de travail et tant-mieux. J’aurais été très embêtée pour dormir à la bibliothèque. Ah oui, j’ai oublié de vous dire, je suis agent de bibliothèque et devais préparer mon concours pour devenir bibliothécaire. Mais ça c’était avant. C’était cet été, quand j’étais encore en couple. Lorsque je n’avais pas encore été larguée comme une vieille chaussette trouée et que je tombe la tête la première dans la dépression.

A cette époque qui me paraît fort lointaine et où j’avais toute ma tête ainsi que la positivité comme moteur, j’adorais lire. Lectrice aussi rapide qu’assidue, j’arrivais facilement à lire des pavés de quatre cents pages en une quinzaine de jour. Les mots se posaient sur moi comme un baume réconfortant. Ils égaillaient mes journées. Je faisais partie de ces personnes qui arrivées aux dernières pages de leur livre en cours, réfléchissais déjà au prochain. Ma pile à lire grandissait de semaines en semaines depuis des années. Je les empilais de façon à faire une petite tour de plusieurs étages. Il est vrai qu’elle en comptait de plus en plus et qu’à ce rythme on pourrait bientôt parler de gratte-ciel. Mais entre-temps, mon couple a volé en éclat. Ma vie et mon moral aussi. Et je n’ai même plus envie de lire. Selon mes parents, c’est ce détail qui est le plus inquiétant. Aurélie m’a d’ailleurs dit dès qu’elle a su je ne lisais plus, d’aller voir le médecin de toute urgence. Comme si cette attitude ne me ressemblait pas et qu’elle annonçait quelque chose de grave. Après plusieurs mois, je me dis que ce n’était pas totalement faux…

Aurélie, c’est ma meilleure amie. Nous avons fait connaissance en maternelle et avons fait notre scolarité ensemble, jusqu’au lycée. Nous n’habitons qu’à deux kilomètres l’une de l’autre. Nous nous voyons presque toutes les semaines et nous appelons tous les jours. Elle est la seule avec qui j’accepte encore de parler. Mes parents m’appellent beaucoup moins depuis un mois. Paraît-il que je suis devenue négative et agaçante de tout voir en noir. Apparemment j’ai aussi pris l’habitude de toujours me plaindre. Plusieurs éléments qui font que mon père ne m’appelle plus et que ma mère préfère m’envoyer un message de temps en temps pour me dire qu’elle va bien. Non, elle ne me demande même plus comment moi je vais. Sous prétexte que je répondais chaque fois « ça ne va pas » et que selon ses dires « ce n’est pas comme ça que je vais aller mieux. »

J’ai parlé de mes consultations chez le psychopathe avec Aurélie. Au début elle était contente que j’ai accepté d’aller le rencontrer. Mais elle a vite déchanté en m’ayant au téléphone après chaque séance. Je vidais mon sac en serrant le portable contre mon oreille et en beuglant comme une chèvre. Contre tout attente, lorsqu’après le troisième rendez-vous je l’ai informé ne plus y retourner, elle était presque soulagée. Mais d’un autre côté, elle me voyait sans cesse me dégrader, assistait à ma dégringolade et avait de plus en plus de mal à me remonter le moral.

Toujours au fond de mon lit, avec une touffe de cheveux qui dépasse des draps, je garde les yeux fermés et commence à étouffer sous la couette. Je la repousse vivement et expire bruyamment en jetant l’oreiller que j’avais contre moi sur le côté. Le bras tendu vers la gauche, j’essaye d’attraper mon téléphone sur la table de nuit. 13h53. Est-ce une heure pour se lever ? Je ne crois pas. Alors autant rester au lit, non ? Je me retourne pour me mettre à plat ventre en tournant la tête sur la droite pour ne pas m’étouffer dans l’oreiller. Quel jour sommes-nous ? Lundi ? Mardi ? Vendredi peut-être ? Ah non, nous devons être samedi. A moins que… Un nouveau coup d’œil à mon portable m’apprend la date du jour. L’inconvénient à ce que tous les jours se ressemblent c’est que je perds la notion du temps. Parfois je ne sais même plus s’il fait jour ou nuit, comme je laisse toujours mes volets fermés. La dépression aura radicalement changé ma vie. Presque du jour au lendemain. Comme quoi ça peut aller très vite. Moi qui ai assister au mal être de certains individus et qui leurs clamaient haut et fort « mais arrête de te laisser aller. Ressaisis-toi ! » je comprends maintenant que ce n’est pas aussi simple. Que le soutient des autres et des phrases toutes faites ne suffisent pas à faire remonter la pente. Et aujourd’hui, comme tous les jours depuis plusieurs mois, je doute qu’un évènement me fasse redevenir celle que j’étais. La Liloo d’avant est partie loin, très loin. Comme un souvenir qui appartient au passé. Un beau souvenir qui me rend nostalgique. Et plus j’en prends conscience, plus j’ai mal. Et plus j’ai mal, plus je veux rester en boule sous ma couette. Dans mon nid douillet. Dans mes draps que je n’ai pas changé depuis plusieurs semaines, mais qu’importe. Je ne suis plus à ça près. Je suis au fond du trou et je m’y plais presque. C’est le bon côté des médicaments. Je suis toujours mal, même de plus en plus mal Mais grâce aux cachets je m’en moque.

 

Samedi 30 mars 2022

Les médicaments sont sur ma table de nuit. Ca m’évite d’avoir à me relever chaque fois qu’il est l’heure que j’en reprenne un. Après un bref coup d’œil à mon téléphone, je vois qu’il est 11h27. J’ouvre la petite bouteille d’eau posée à côté de mes boîtes et avale les trois comprimés d’un coup. J’avais recommencé à somnoler quand le portable a vibré sur l’oreiller à côté de ma tête.

- Allo, j’essaye d’articuler en baillant.

- Ne me dis pas que tu es encore couchée !

- Je ne te le dirais pas.

- Loulou ! Il est presque midi.

- J’ai pensé à prendre mes cachets, dis-je en pensant que c’est le plus important.

- Il va falloir que tu arrêtes de te gaver des trucs chimique, en plus c’est en train de te ramollir le cerveau.

- Pas seulement le cerveau. J’ai le corps comme un marshmallow.

- Lève-toi ! Sors de ton lit et prends une douche. Et mange quelque chose. Autre chose que des monster munch et des fraises tagada je veux dire.

- C’est très bon les fraises tagada.

- Loulou ! crie-t-elle. Bouge tes fesses. Remue-toi !

Lentement je m’assois dans mon lit en calant mon oreiller dans mon dos.

- Qu’est-ce que tu as de bon dans ton réfrigérateur ?

- Il est vide. J’essaye de me motiver à aller en courses depuis hier…

- Si tu n’es pas morte faim, je t’assure que c’est moi qui vais t’étrangler pour mettre un terme à tes souffrances !

- Il me reste deux kiris. C’est bon les kiris. J’en ai un pour aujourd’hui et un pour demain.

- NON ! Tu t’habilles et tu vas faire des courses !

- Pas le courage, je marmonne en me laissant glisser pour être de nouveau allongée.

Pendant plus de dix minutes, Aurélie me soutient qu’il est important que je mette le nez dehors. Que j’ai le même teint qu’un vampire à l’agonie. Je détourne la conversation en lui demandant comment elle va. La première chose qu’elle me dit c’est qu’elle s’inquiète de plus en plus pour moi. Pourtant je ne trouve pas que mon état se dégrade tant que ça. Ce n’est pas pire que le mois dernier, ni le mois d’avant…

- Oh je t’ai parlé de Samantha ?

- Ta voisine ?

- Ouiii, ma voisine. Tu sais, celle qui a fait un burn-out et deux tentatives de suicide.

Aurélie a toujours des sujets de discussions qui m’aident à retrouver le moral.

- Elle a adopté un petit chien. Enfin, un chiot. Elle l’a appelé Yuki. Il est trop mignon, tu verrais sa petite bouille. C’est un chihuahua. Il est adorable. Et depuis qu’elle l’a je la vois se métamorphoser. Cette petite bouille à bisous est en train de lui faire remonter la pente. Elle sort tous les jours pour le promener, elle qui ne sortait plus.

- Hmm…

- Et figure-toi, que ça m’a fait penser à quelque chose. Est-ce que tu as déjà pensé à adopter un chien ?

J’attends quelques secondes avant de répondre. Vient-elle vraiment de me poser cette question ?

- Lili, j’ai peur des chiens. Et encore plus des rats.

- Des gros chiens oui, je sais. Mais lui il est riquiqui, il tient dans les mains.

- Et j’ai aussi peur des rats. Un chihuahua c’est comme un gros rat. Manque seulement la longue queue.

- Je t’assure que tu devrais y réfléchir.

- Niet. Oublie. Puis je n’ai pas besoin d’une demi-portion sur pattes chez moi.

- Un chat ?

- Je suis allergique, dis-je alors qu’elle m’agace déjà.

- Des oiseaux ? Tu sais qu’ils chantent et peuvent égailler tes journées ?

- Je suis contre la maltraitance animale. Ce n’est pas pour avoir des animaux en cage.

- Tu as largement la place d’installer une volière chez toi…

- J’ai dit non ! je lui crie en commençant vraiment à m’énerver.

- Mais pourquoi ? Ou un petit hamster. Ma nièce en a un, il est minuscule. Elle l’a appelé Ramsès. Tu sais comme le pharaon.

- Merci je sais encore qui est Ramsès, mon cerveau ne s’est pas ramolli à ce point.

- Tu vas y réfléchir ?

- Non ! Tu ne vas pas remettre ça. Déjà le mois dernier tu voulais que j’adopte un lapin.

- Oh oui, c’est vrai que j’avais parlé du lapin. Ils en font même venir dans les maisons de retraite. J’ai vu ça dans un reportage, ils aident les patients atteint d’Alzheimer.

- Lili, tu es gentille, mais je ne suis pas encore sénile.

- Mouais… A ce rythme-là, ce n’est qu’une question de temps.

Enervée, j’ai envie de lui raccrocher au nez mais me retient. Je prétexte ne plus avoir de batterie pour écourter la discussion.

- Promets moi juste d’encore y réfléchir. Un animal de compagnie te ferait tellement de bien.

- C’est ça. Je vais y réfléchir…

La conversation terminée, je mets mon portable sur silencieux et remonte la couette jusqu’à mon nez. Je sens déjà que demain non plus je n’aurais pas la tête de sortir. Mais lundi il va falloir que je quitte ma grotte. Au moins pour aller racheter des fraises tagada et une boîte de kiri.

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Kommentar (5)

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Luce vor 8 Monaten

Good luck!

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Luce vor 8 Monaten

ahhhh moi aussi j’ai écrit comme un journal! mais j’ai viré le texte chez Panodyssey car j’ai été publié😉

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Aurore Dulac vor 8 Monaten

C'est génial ! Félicitations 👏🏻

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Luce vor 8 Monaten

Merciiii aussi

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