Carol (Todd Haynes, 2015)
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Carol (Todd Haynes, 2015)
Les romances homosexuelles entre deux femmes sont encore plus rares au cinéma que celles qui mettent en scène des histoires d'amour entre hommes. Le cinéma (du moins dans sa version mainstream) étant un reflet de notre société, on ne s'étonnera pas de cette quasi-invisibilité de tout un pan de la réalité humaine.
Néanmoins ces dernières années, quelques films sont parvenus à se faire connaître notamment grâce au festival de Cannes. La palme d'or 2013 accordé à "La Vie d'Adèle" était une palme sensationnelle, politique mais dont la réelle valeur cinématographique restait discutable à cause notamment de son côté caricatural et voyeuriste (pour ne pas dire même pornographique). Rien de tel en ce qui concerne "Carol" qui deux ans plus tard permit à Rooney Mara de remporter le prix d'interprétation féminine. Le film est délicat, complexe, nuancé et possède un background passionnant.
A l'origine de "Carol" il y a le deuxième livre d'une célèbre romancière: Patricia Highsmith, déjà auteure de "L'inconnu du Nord-Express" adapté au cinéma par Hitchcock. Ce livre paru en 1952, elle dû l'écrire sous un pseudonyme et il ne fut publié en France que 30 ans plus tard, la censure sévissant des deux côtés de l'Atlantique (pas seulement celle du puritanisme mais aussi celle des rapports de pouvoirs, le monde de l'édition étant aux mains des hommes).
"Carol" prend pour point de départ un fait réel et autobiographique: la rencontre de Patricia alors qu'elle travaillait pour les fêtes comme vendeuse dans un magasin avec une femme de la haute bourgeoisie venue acheter une poupée pour sa fille. Subjuguée par la prestance de cette femme, Patricia qui était alors indécise quand à son orientation sexuelle imagina une romance avec cette femme et décida de lancer avec son livre un grand coup de pied aux fesses de la société conservatrice patriarcale et bourgeoise.
Avec un matériau déjà aussi riche, Todd Haynes n'avait plus qu'à "ramasser la mise". Mais il serait injuste de diminuer son mérite personnel. Dans l'un de ses précédents films, "Loin du paradis", il reprenait l'esthétique et les thèmes des mélodrames de Douglas Sirk pour dénoncer l'aliénation au conformisme social des années 50, empêchant les individus de réaliser leurs aspirations profondes. Mais son film avait le même ton résigné, vaincu d'avance que le "Brève rencontre" de David Lean auquel se réfère clairement la structure de "Carol": un intrus interrompt une discussion entre deux personnages que l'on devine intimes (la pression de la main nous le confirme). La suite en flashback nous raconte leur histoire avant que le dénouement ne revienne sur la scène initiale dont nous saisissons désormais toute la portée.
Mais "Carol" n'est pas un film soumis comme l'était "Brève rencontre" ou "Loin du Paradis", quel que soit le degré d'enfermement des personnages. Les deux protagonistes ne sont pas des rebelles de nature mais leur rencontre va en quelque sorte les révéler à elles-mêmes. Thérèse, jeune femme indécise qui ressemblait à une petite souris grise et morne découvre la passion qui lui permet de sortir de sa condition de prolétaire et de s'épanouir dans son art. Carol beaucoup plus au fait de sa nature profonde trouve le courage de résister au chantage masculin (de son mari comme de ses avocats) pour affirmer son droit à être elle-même et à vivre librement. "Carol" est une histoire des années 50 mais son état d'esprit est moderne. Il n'y a pas de fatalité, il est possible de faire des choix et d'ouvrir des perspectives émancipatrices pour tous ceux et celles qui ne se reconnaissent pas dans le modèle dominant.