Ma vie en rose (Alain Berliner, 1997)
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Ma vie en rose (Alain Berliner, 1997)
Pink is the new black. En tout cas pour les banlieusards conformistes vivant dans des lotissements pavillonnaires standardisés sous la surveillance les uns des autres. J'ai beaucoup pensé à l'Edward de Tim BURTON en revoyant "Ma vie en rose". Parce que c'est la même histoire d'un "fondamentalisme" social taillé au cordeau qui ne supporte aucune fantaisie, aucun écart. Le "freak" n'y a pas sa place et en cela, cette banlieue est métaphorique de la société toute entière.
Edward et Ludovic sont deux innocents sacrifiés sur l'autel des conventions. Edward le gothique avait pour malheur d'avoir des ciseaux à la place des mains. Ludovic est un petit garçon qui se ressent fille, aime le rose, la série Pam et les robes de princesse et veut vivre en conformité avec son genre psychique. Non seulement c'est naturel pour lui mais c'est essentiel. Et c'est ce qui provoque la zizanie dans sa famille et l'ostracisation de son entourage. Car si les garçons manqués peuvent à la rigueur être tolérés, les "filles manquées" elles n'ont tout simplement pas droit à l'existence. Cette inégalité de traitement est révélatrice du fait que l'un des piliers de la société conservatrice que ce soit en France ou aux USA est une conception stéréotypée de la masculinité qui passe par une phobie de tout ce qui est féminin (des cheveux longs au rose en passant par les bijoux, le maquillage etc.) Le film souligne très bien la cause de cette phobie qui est la confusion entre le transsexualisme et l'homosexualité, vue comme une calamité. Ludovic se fait ainsi traiter de "tapette" parce qu'il veut épouser un garçon. Mais lui ne se vit pas comme un garçon donc s'agit-il vraiment d'homosexualité? (Guillaume GALLIENNE se pose la même question dans "Les Garçons et Guillaume, à table !") (2013).
Le film pose donc des questions pertinentes, bénéficie d'une distribution impeccable que ce soit Georges du FRESNE dans le rôle de Ludovic ou Michèle LAROQUE et Jean-Philippe ÉCOFFEY dans le rôle de parents aimants mais incapables de prendre la mesure des enjeux puis désemparés et broyés par la grande machine normalisatrice multiforme (école, travail, logement) qui menace de détruire leur vie et leur amour pour Ludovic. L'hypocrisie des habitants de leur quartier qui agissent sournoisement pour les chasser tout en feignant de les accepter est bien relatée même si leur portrait individuel n'est pas très fin. Enfin le film bénéficie d'une chanson-titre bien trouvée de Dominique Dalcan chantée par Zazie et qui fait écho au titre ainsi que d'une esthétique binaire oscillant un réel de plus en plus terne au fur et à mesure de l'avancée de l'intrigue et un imaginaire hyper-kitsch inspiré d'une série girly "Pam" qui est le refuge de Ludovic. La fin, un peu trop appuyée est cependant maladroite.