

6) Une nouvelle écoute du monde.
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6) Une nouvelle écoute du monde.
Une nouvelle écoute du monde.
Je continuais à faire des exercices d’écoute avec l’orthophoniste, qui me guidait avec patience et encouragements. Chaque séance était une plongée dans un monde sonore que j’avais oublié ou, parfois, jamais connu.
Elle me faisait répéter des mots, des phrases, des sons. Elle me faisait écouter de la musique, des bruits de la nature et des voix humaines.
Ces découvertes étaient merveilleuses, mais aussi épuisantes. Chaque son, chaque modulation de ma voix demandait un effort de concentration presque surhumain.
Je devais réapprendre à écouter et à entendre. Cela allait bien au-delà de la simple perception des sons : je devais apprendre à distinguer les sources, à filtrer les nuisances et à ajuster le volume dans ma tête.
En parallèle, je devais réapprendre à parler, à moduler ma voix et à articuler correctement. Ce travail titanesque ne concernait pas seulement mon oreille, mais aussi mon cerveau, mes pensées et ma manière de me connecter au monde.
C’est à ce moment-là que j’ai compris que l’audition n’était pas qu’un sens physique. Elle était profondément sociale. Elle me permettait de me connecter aux autres, de partager des expériences et de comprendre leurs émotions. Elle me donnait la possibilité de m’exprimer, de me faire entendre, et même de me faire respecter.
Chaque son, même imparfait, représentait un pas vers une vie plus complète et plus libre. Puis arriva le jour que je redoutais autant que je l’attendais : le 6 août 2000.
Cette date est gravée dans ma mémoire, car elle marque ma quatrième opération, une étape cruciale pour mon oreille droite.
J’avais peur, bien sûr. Peur que cela échoue. Peur de ne plus jamais entendre. Mais je savais que c’était ma dernière chance, et je devais y croire. Avant l’opération, je me suis confiée au chirurgien.
Il me regarda avec compassion et une lueur d’espoir. « Nous allons tout faire pour que cela fonctionne », m’a-t-il dit. Ces mots, simples mais sincères, m’ont apporté une force inattendue. Je me suis accrochée aux messages de soutien que j’avais reçus, aux mots réconfortants de mes proches, mais surtout à l’idée des sons que je voulais retrouver.
Vivre dans le silence après avoir connu le bruit, c’était une torture. Les personnes sourdes de naissance ont une autre manière de vivre leur surdité.
Mais pour moi, qui avais goûté au monde sonore, cette absence était insupportable. Imaginez : vous vous bouchez les oreilles pendant une journée entière.
Rapidement, vous réalisez à quel point cela peut être frustrant. Maintenant, imaginez que vous puissiez déboucher vos oreilles et entendre à nouveau.
Ce bonheur, cette renaissance, c’était ce que je souhaitais plus que tout. Ce jour-là, je savais qu’une nouvelle étape m’attendait dans mon combat pour retrouver l’audition.
L’infirmière noire que je connaissais déjà m’accueillit avec un sourire chaleureux. Elle avait ce don de rendre les choses plus simples, plus légères, même dans des moments aussi stressants.
Elle prit doucement ma main et dit : « Tout va bien se passer, je suis là. » Ces mots réchauffèrent mon cœur et apaisèrent ma peur.
Sa bienveillance naturelle rendait chaque étape plus supportable. Après l’opération, on me ramena dans la chambre 18.
Ce numéro avait une résonance particulière pour moi : c’était aussi le jour de ma naissance. Je ne savais pas pourquoi, mais j’y voyais un signe. Peut-être que cette pièce marquait un nouveau départ, une nouvelle vie.
Peut-être que ce n’était qu’une coïncidence, mais dans ce moment d’incertitude, je choisis d’y voir un encouragement à espérer.
Le lendemain, on me retira la perfusion, et le chirurgien vint examiner ma cicatrice avec attention.
Il m’annonça que je pourrais sortir dans la semaine. Mais je n’étais pas encore sûre du résultat. Après tant de déceptions, je restais méfiante.
Pourtant, c’était bel et bien un nouveau départ pour moi. J’avais enfin une chance de retrouver l’ouïe. Mais je savais que ce ne serait pas magique. Je devais apprendre à écouter avec plus d’émotions.
Un chemin semé d’embûches. J'ai échappé de justesse au redoublement, mais je n’étais pas du tout emballée par la classe pro en secrétariat et comptabilité que j’avais intégrée.
Apprendre que toutes les places dans ma filière rêvée, le service à la personne, étaient prises, m’a brisé le cœur. Moi, je voulais aider les gens, leur apporter du réconfort.
Mais il ne restait qu’une seule option : accepter la dernière place disponible. Je dis oui, presque par dépit, en me disant que c’était mieux que rien.
Peut-être qu’avec le temps, j’y trouverais un intérêt. Peut-être que cela m’ouvrirait d’autres portes. Je savais que je retrouverais certains de mes anciens camarades et que je me ferais peut-être de nouveaux amis.
Mais je ne m’attendais pas à ce que tout le monde soit au courant de mes difficultés scolaires. Certains me dévisageaient, comme s’ils essayaient de comprendre mes problèmes sans oser poser de questions.
Je pouvais lire de la curiosité ou de la pitié dans leurs regards, et cela me gênait profondément. Je ne voulais pas être différente, je voulais juste avancer comme tout le monde.
Heureusement, ceux que je connaissais déjà étaient ravis de me revoir. Leur sourire sincère et leurs mots gentils faisaient taire les doutes qui me rongeaient. Grâce à eux, je me sentais un peu moins seule et perdue dans cette nouvelle aventure.
Entre le lycée et les séances d’orthophonie, qui avaient lieu tous les mercredis après-midi à vingt kilomètres de chez moi, je n’avais pas une minute à moi.
Ces allers-retours hebdomadaires rythmaient ma vie. Ils représentaient une forme de combat silencieux, un effort constant pour m’améliorer et m’habituer à ce monde sonore encore si étrange. Le taxi devenait presque une bulle où je pouvais réfléchir à mes progrès, à mes rêves, et parfois à mes peurs.
Un jour, je me souviens, le taxi m’avait laissée devant le cabinet et était reparti. Je traversais la route, concentrée sur les mouvements des voitures. Soudain, une voiture surgit de nulle part, roulant à toute vitesse.
Je n’entendis pas son klaxon, seulement sa silhouette foncer vers moi. Mon cœur s’arrêta une fraction de seconde. Je me figeai, incapable de bouger, puis bondis en arrière juste à temps.
Mes jambes tremblaient, et ma tête tournait. « Si je pouvais entendre… », pensais-je, maudissant cette faiblesse qui avait failli me coûter la vie.
Fin (6)

