Chapitre 4 - Tu es un sorcier, Conrad !
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Chapitre 4 - Tu es un sorcier, Conrad !
Conrad réfléchit quelques instants aux milliers de choses qui lui trottaient dans la tête, et choisit celle qui lui semblait la plus pertinente.
— Qui était l’homme d’hier ?
Le brun esquissa un sourire en le regardant arracher un morceau de crêpe.
— Aussi surprenant que cela puisse être, c’était Dorian McLennan, le directeur de l’ACÉSO, l’école privée d’Ayrith.
— Quoi ?! s’exclama son fils en ouvrant de grands yeux. Tu le connais ?
— Bien sûr que je le connais, sourit Evan. J’ai soigné certains de ses élèves.
Il hésita un moment, les sourcils froncés, l’air songeur, avant d’ajouter.
— En fait, j’ai soigné presque tous ses élèves…
— C’est pour ça qu’il parlait de professeurs… murmura le plus jeune plus pour lui-même que pour son interlocuteur. Mais alors… Zack Holmes…
Pendant une seconde, le garçon crut que le médecin allait recracher sa boisson par le nez.
— Comment connais-tu son prénom ? s’étrangla son père, à son tour surpris.
— Euuuh… hésita Conrad en se balançant sur les pieds arrière de sa chaise. Oups ? J’ai… vu… son dossier… médical…
L’adulte le regarda longuement, comme s’il était pris d’une soudaine angoisse, avant d’articuler lentement.
— Pitié, dis-moi que tu n’as pas tout lu… implora-t-il d’un air faible.
— Juste son nom et son prénom, garantit précipitamment le rouquin.
— Oooouuuf, soupira Evan avec soulagement. Je n’imagine même les conséquences dans le cas contraire… Si tu te poses la question, oui, c’est un des professeurs de cette école.
— De quoi parliez-vous hier ? interrogea le garçon, avant que son père ne lui pose d’autres questions à son tour.
— C’est là que ça devient un petit peu compliqué, marmonna le brun grimaçant. Je vais commencer par le plus simple : je ne suis pas que médecin du village. Je suis aussi le médecin de l’école privée, je travaille là-bas.
Son fils cessa de bouger, et leva lentement les yeux vers lui pour le fixer avec surprise. Il crut d’abord à une plaisanterie et son regard était des plus éloquents.
— Je t’assure que je ne suis pas en train de me moquer de toi, reprit Evan avec la plus grande sincérité. Je ne te dis pas combien c’est compliqué parfois, de devoir quitter l’école pendant la journée pour assurer une consultation au cabinet…
— Mais c’est pas logique, murmura Conrad d’une petite voix. Je l’aurais forcément remarqué à un moment…
Son père poussa un profond soupir en passant sa main sur son visage.
— Pas vraiment, j’ai bien joué mon rôle… Le fait que tu étais en cours quand moi, je soignais des élèves, ça aide. Et si je rentrais en retard, je pouvais simplement dire que j’ai eu une consultation en urgence.
Le rouquin resta immobile encore un moment. Il avait envie de croire à une blague, mais le médecin avait l’air terriblement sérieux et sincère dans ses propos.
— J’espère que ça ne te choque pas trop, parce que la suite est pire, souffla le brun, comme si lui-même était totalement perdu.
— Je… je pense que ça va pour le moment.
— Tant mieux, ça fait au moins une chose que tu es susceptible de croire… la suite, je pense que non…
Il fit une pause de quelques secondes, cherchant visiblement ses mots pour exprimer au mieux ce qu’il avait à dire.
— Premièrement, tu entreras à l’ACÉSO en septembre.
— Hein ?!
Cette fois, l’exclamation qui sortit de la bouche de Conrad n’était pas seulement étonnée, mais aussi ironique. Il ne se souvenait plus du nombre de fois qu’il avait demandé à son père s’il pouvait entrer dans cette école privée, ne serait-ce que pour fuir le harcèlement. Et là, Evan lui disait qu’il allait la rejoindre comme s’il annonçait la météo.
— Pourquoi ? fut la seule question qui lui paraissait un peu plus polie que « tu te fous de ma gueule ? ». Pourquoi maintenant et pas avant ? Tu m’as toujours dit qu’il y avait des conditions spéciales à remplir et que je ne les avais pas !
— Justement, maintenant, tu les as, coupa le praticien avant de boire une longue gorgée de café. Tu vas avoir douze ans dans le courant de l’année, et…
L’adulte passa une main nerveuse dans ses cheveux, replaçant une mèche derrière son oreille.
— Disons que tu n’es pas normal.
Cette fois, un rictus sarcastique étira les lèvres de son fils, qui haussa un sourcil moqueur.
— Non, sans rire ? marmonna-t-il avec ironie. J’avais pas remarqué…
— Bon, vu que tu as l’air plein d’énergie, soupira le plus âgé avec impatience, je vais pouvoir te le dire sans que tu risques une crise cardiaque. Prêt ?
L’enfant hocha la tête en signe d’approbation.
— Alors, les pouvoirs, ça existe, j’en ai un, tu en as un, et dans cette école, on rassemble les enfants qui en ont pour qu’ils apprennent à les contrôler avant qu’ils ne déclenchent une catastrophe.
Son ton était ferme et rapide, comme s’il cherchait à se débarrasser de la corvée au plus vite. Il se laissa tomber contre le dossier de sa chaise pour marquer la fin de sa déclaration.
Son débit si rapide de parole laissa Conrad bouche bée, et en comprenant ce qu’il disait, il en devenait muet. Un lourd silence tomba dans la cuisine, et il fallut un bon moment pour qu’il retrouve l’usage de ces cordes vocales.
— N’importe quoi ! s’énerva-t-il en fronçant les sourcils. Tu penses que parce que j’ai onze ans, je suis con comme un balai ?
— Voilà pourquoi j’ai dit que tu ne me croirais pas, soupira Evan en se massant une tempe avec deux doigts.
— C’est un peu gros comme mensonge, confirma son fils avec un signe de tête agacé. Et puis quoi encore ? Un géant va arriver en fracassant la porte et me dire « tu es un sorcier, Conrad » ?
Le médecin passa une main sur son visage en marmonnant quelque chose d’incompréhensible, mais il était clairement désespéré.
— Je te signale que quand j’ai eu onze, j’ai pas eu ma lettre de Poudlard, continua le rouquin, la voix pleine de sarcasme. C’est quoi la prochaine chose que tu vas me dire ? Que je dois aller sur la voie neuf trois-quarts, direction le Poudlard Express ?
Cette fois, l’adulte poussa un énorme soupir exaspéré. Il croisa les jambes et toisa le gamin d’un regard sérieux.
— Premièrement, on est à l’époque moderne, Conrad, répondit-il en essayant de conserver son calme. On n’envoie pas des lettres, mais des mails. Deuxièmement, pourquoi tu devrais prendre le train quand tu vois l’école de ta putain de fenêtre ! Et troisièmement, je ne te parle pas d’une œuvre de fiction, mais de la vérité.
— Mais c’est du délire ! s’emporta le garçon en se levant de sa chaise. Qu’est-ce que t’as fumé comme truc pour dire des conneries pareilles ?
— J’aurais pu te dire la même chose pour tous les mots de tes profs qui disent que tu te retrouves sur les toits, fit remarquer Evan en haussant d’un ton. Si je ne t’ai rien dit là-dessus, c’est parce que je savais que l’explication était hors de portée des gens rationnels !
— La science n’accepte pas l’existence de la magie ! rétorqua le rouquin.
— Pas plus que les lois de la physique n’autorisent à un enfant de décoller du sol sans raison ! argumenta l’adulte avec force.
Conrad resta silencieux quelques secondes, avant de se laisser tomber sur sa chaise. Il devait bien avouer que lui-même n’avait aucune explication à ces phénomènes. Et il savait pertinemment que ce n’était pas logique qu’avec sa taille et son poids, il puisse être emporté par le vent.
— Mais c’est impossible… murmura-t-il en fixant le bord de la table. Ça n’existe pas…
Son père semblait vouloir le laisser réfléchir pour mettre de l’ordre dans ses pensées. Après une longue minute de silence, le garçon se redressa brusquement. Une lueur sérieuse éclairait ses yeux bleus. Et cette lueur, Evan ne mit pas longtemps à savoir ce qu’elle signifiait.
— Tu ne me crois pas, soupira-t-il d’un air dépité. Bon, on va devoir employer d’autre moyen que la discussion…
Le médecin se leva calmement de sa chaise, avant de se diriger vers l’un des tiroirs de la cuisine. Il farfouilla dedans pendant quelques secondes, avant d’en tirer un long couteau de boucher. Son fils se leva de sa chaise et recula brusquement.
— Attends… qu’est-ce que tu vas…
L’adulte ne lui laissa pas le temps de terminer sa phrase. Il abattit la lame dans le creux de sa main gauche. À sa grande horreur, Conrad vit qu’elle l’avait totalement transpercée, et le sang se mit à couler lentement. Evan avait la mâchoire crispée sous la douleur, avant de retirer brusquement l’arme de sa main.
— Mais qu’est-ce qui te prend ?! s’affola le garçon en voyant l’hémoglobine dégouliner de sa blessure. Tu es fou ?!
À sa grande surprise, le brun ne fit rien pour essayer d’arrêter l’hémorragie, et se contenta de murmurer quelques mots.
— Voici mon pouvoir : Second Souffle…
Cette fois, le rouquin crut qu’il devenait vraiment fou ! Une lumière entoura la main mutilée de son père. Le sang s’arrêta de couler, tandis que les tissus se refermaient lentement. La peau se reforma, et cinq secondes plus tard, il n’y avait plus que les traces rouges pour témoigner de la blessure qu’il s’était infligée.
Evan plia et déplia les doigts comme si de rien n’était, avant de lever les yeux vers son fils.
Celui-ci était plus qu’immobile, il était totalement paralysé de stupeur. Ce qu’il venait de voir défiait toute la logique en laquelle il croyait. D’un mouvement raide, il tourna la tête vers la table où se trouvait le couteau. La lame encore tachée de sang prouvait qu’il n’avait pas halluciné.
— Tu… Tu n’as plus rien ? bredouilla-t-il en regardant la paume du médecin.
Ce dernier lui tendit sa main gauche, et Conrad ne remarqua aucune trace de blessure.
— Et si tu me dis que c’est parce que je guéris vite, s’amusa son père, je te jure que je t’en colle une pour te remettre les idées en place…
— … tu ne m’as pas menti ? murmura le garçon en le regardant droit dans les yeux.
— Non, je t’ai dit la vérité, assura Evan avec sincérité. C’est comme ça que tes blessures guérissent pendant la nuit. Tu es disposé à me croire, maintenant ?
— Je n’ai plus vraiment le choix, souffla Conrad en se laissant tomber sur sa chaise, les jambes tremblantes. Tu peux guérir les gens…
Son père secoua la tête de gauche à droite, l’air légèrement pas d’accord.
— Oui, mais non. Oui, ça me permet de soigner les blessures, mais non, parce que ce n’est pas le fonctionnement en soi de mon pouvoir. J’ai la capacité de décomposer et de recomposer la matière. Donc si je peux soigner, je peux aussi blesser.
— C’est… c’est génial ! articula son fils avec difficulté.
— L’ACÉSO est une école pour les gens qui ont ce genre de don, expliqua le médecin se tournant vers l’évier pour rincer sa main encore tachée de sang. J’y ai été quand j’avais ton âge, et honnêtement, je n’y ai pas cru non plus. Le directeur avait envoyé quelqu’un pour convaincre mes parents et moi. D’autres élèves prennent conscience de talents particuliers avant même d’être au courant qu’un tel établissement existe.
— Et tu penses que j’ai un pouvoir ? bafouilla Conrad d’un air songeur.
— Je ne le pense pas, j’en suis sûr. Mais lequel, ça reste encore un mystère, déclara Evan en retournant s’asseoir, visiblement pensif. J’ai quelques hypothèses, tu veux les entendre ?
L’enfant approuva d’un signe de tête affirmatif.
— En fonction de la durée qu’il te faut pour arriver sur un toit, ça peut être deux choses : de la téléportation ou de la lévitation. Si le laps de temps est très court, c’est sûrement de la téléportation, mais dans l’autre cas, c’est de la lévitation, ou éventuellement de la télékinésie. Bien sûr, ça peut être autre chose…
— Comment ça ?
— Les pouvoirs, c’est rarement aussi simple que ceux des héros de comics, précisa le praticien. J’en connais quelques-uns qui ont des dons plutôt originaux. Dans tous les cas, tu devras aller à l’ACÉSO en septembre.
Conrad resta pensif une seconde, avant de relever quelque chose dans la phrase du plus âgé.
— Je devrai y aller ? interrogea-t-il, ayant très bien remarqué l’impératif dans sa phrase. C’est une obligation ?
— Un peu, admit le médecin avec un sourire. Un don peut être un avantage, mais aussi un danger. Là-bas, tu auras un cours de maîtrise des pouvoirs, qui te permettra en premier lieu d’identifier ta capacité, mais aussi, et surtout de la contrôler.
— C’est normal si j’ai décollé du sol sans raison ? questionna le garçon d’un air intrigué.
— Par moment, en cas de danger, le don peut s’activer de lui-même pour protéger son hôte. Ça explique pourquoi ça t’est arrivé quand des idiots te voulaient du mal.
Encore perdu dans ses réflexions, le rouquin mit quelques secondes à se souvenir d’une question qui l’intriguait depuis longtemps.
— Et les rumeurs sur cette école ? demanda-t-il avec précipitation, les yeux brillants d’intérêt. Les bruits qu’on entend sur la colline ?
— C’est vrai, confirma Evan, son sourire s’accentuant encore. Certains pouvoirs sont parfois bruyants. Mais rassure-toi, on sait comment faire croire que tout est normal.
Conrad prit sa tête entre ses mains. Il avait l’impression de la sentir bourdonner comme une grosse abeille. En moins de vingt-quatre heures, il avait appris que Sieur Malpoli était professeur, que l’inconnu de la veille était le directeur d’une école privée, que son père travaillait dans ladite école, que les pouvoirs existaient, que ceux qui allaient à l’ACÉSO en avaient et que lui-même s’y rendrait en septembre.
Le médecin déposa son téléphone devant lui, et le rouquin vit qu’il était dans sa boîte mail. Il prit le portable dans sa main et lut le message reçu il y a plus de trois semaines.
« Mr Evan Morris,
Nous sommes heureux de vous signaler que votre fils, Conrad Morris, est invité à rejoindre l’école privée “l’ACÉSO” pour la suite de ses études. Vous retrouverez en fichiers joints les détails concernant le fonctionnement de l’école, le règlement intérieur et quelques précisions sur l’éducation que votre enfant recevra.
Veuillez remplir les formalités avant le 20 août. L’envoi d’une valise contenant les affaires de l’élève peut être demandé et sera aux frais de l’école.
La rentrée sera, comme prévu dans les autres établissements scolaires, le 1er septembre 2015. Un point de rendez-vous est donné au croisement entre la Rue de la Fontaine et le Chemin des Bois, à 18 h 30.
Bien à vous,
Dorian McLennan, directeur de l’ACÉSO. »
— J’ai reçu ça il y a un moment déjà, admit Evan. En général, le mail est plus long et plus détaillé. Ici, il a été adapté parce que je pouvais t’expliquer tout ce que je t’ai dit.
— C’est plus rapide que les hiboux dans Harry Potter, commenta le garçon en levant les yeux vers lui.
— On ne va pas réduire des animaux sauvages au rôle de pigeon messager, ricana le brun. Les technologies modernes, c’est largement suffisant.
— Et les parents croient à ce qu’ils lisent dans un simple mail ? interrogea le plus jeune en haussant un sourcil sceptique.
— Ça dépend, sourit le médecin. Lorsqu’un des parents à un pouvoir, c’est facile, lorsque les deux parents ont un pouvoir, c’est encore mieux. Mais dans le cas où aucun des parents n’a de don, on est parfois obligé d’aller les voir pour les convaincre.
— Alors…
Une sonnerie coupa Conrad dans sa phrase. Le téléphone de son père vibra dans sa main, tandis que l’écran s’allumait sur le nom de la personne qui l’appelait. Le garçon eut le temps de voir « Zack Holmes » avant qu’Evan ne reprenne son portable et ne décroche.
— Que puis-je pour toi ? demanda l’adulte d’une voix qui trahissait sa lassitude. Ne me dis pas que tu as déjà besoin d’une nouvelle prescription !
— Ha. Ha. rétorqua la voix grave de Sieur Malpoli dans un rire forcé. Non, ce n’est pas pour ça. Je te préviens juste que Mac m’a demandé de passer chez toi demain.
— Demain ? s’insurgea Evan avec mauvaise humeur. Il m’a dit qu’il me laissait trois jours !
— C’est tout lui, ça, grommela son interlocuteur. Il dit blanc et il fait noir… Bref, active un peu, parce que je n’ai pas du tout envie de faire le trajet à pieds.
— Non, mais quel paresseux ! se moqua gentiment le brun.
Holmes resta silencieux quelques secondes, avant de reprendre d’une voix calme, mais chargée de menaces.
— Ne fais pas le mariolle, avertit-il.
— C’est bon, je plaisante, ricana l’adulte. Ne te déplace pas, j’ai déjà prévenu Conrad.
— Parfait.
— Au fait, je ne t’ai pas demandé comment tu allais.
— Je reviens de Belgique, et je crève de mal. Vive la codéine ! Bon, je vais te laisser…
— Attends deux secondes ! l’interrompit son interlocuteur avant qu’il ne raccroche. Tu peux me faire une faveur ?
Le concerné s’accorda une demi-douzaine de secondes sans parler, comme s’il essayait de savoir ce qu’il pouvait bien demander.
— Quoi ?
— Fais-moi plaisir, fais en sorte de ne pas revenir dans mon cabinet avant la rentrée.
— Je ne promets rien, répliqua Sieur Malpoli. À la prochaine.
— Salut !
Le médecin raccrocha, avant de reposer son téléphone sur la table. Il remarqua que son fils le fixait avec intensité, comme s’il le scannait tout entier.
— On a frisé la catastrophe, soupira le brun avec un sourire amusé. Si lui était venu t’expliquer ce que je t’ai expliqué, il t’aurait traumatisé. Ben quoi ? Pourquoi tu me regardes comme ça ?
— Tu le tutoies, maintenant ? fit observer le rouquin. Avant tu le vouvoyais.
— Ah, c’est vrai, se rappela son père. Mais c’est parce que tu t’intéressais beaucoup à lui et que je ne voulais pas que tu penses qu’on se connaissait bien avant. Mais oui, c’est un de mes collègues, on a aussi fait nos études en même temps.
Evan refusa de donner une foule de détail sur l’ACÉSO. Selon lui, il serait plus agréable de le découvrir une fois sur place. Néanmoins, il laissa son fils lire les documents attachés dans le mail. Il y était détaillé le règlement intérieur de l’établissement, et sa taille était plutôt conséquente. A sa grande surprise, Conrad découvrit l’école avait également des internats, et dans un sens, il avait trouvé cela plutôt logique. En effet, si des élèves venaient de l’autre bout du pays, il était sans doute préférable pour eux de loger ici.
Il avait également parcouru la liste des fournitures qu’il devait avoir et à nouveau, il s’étonna de la simplicité de la liste. Pas d’objet magique, de baguette et de flacons pour les potions, juste le strict nécessaire du collégien lambda.
Il était aussi précisé que les manuels scolaires et tout ce qui était nécessaire à l’éducation des étudiants étaient payés par l’ACÉSO et qu’il n’y avait qu’une dépense annuelle pour l’hébergement et la nourriture. Tout le reste était à la charge de l’école.
Malgré la réticence du médecin à lui donner des informations, il lui confia cependant qu’il aurait des cours relativement normaux. Mathématiques, sciences, français, histoire, géographie, anglais et éducation physique étaient au programme. La différence avec les établissements ordinaires, c’était le cours de maîtrise des pouvoirs. Mais Evan resta muet à propos des professeurs, lui adressant simplement un petit sourire mystérieux lorsqu’il lui posait des questions.
Jamais Conrad n’avait eu tant de hâte pour la rentrée scolaire. En temps normal, il le vivait comme un retour inévitable au long supplice du harcèlement. Mais cette année, il aurait de nouveaux professeurs qui ne lui reprocheraient pas ses bizarreries, de nouveaux camarades qui partageaient sa condition étrange, et il se débarrasserait des trois crétins qui le collaient depuis quatre ans.
Si la règle numéro un de l’ACÉSO n’était pas qu’il était interdit d’utiliser son don en dehors de l’école, il aurait déjà demandé à Evan de lui apprendre des bases tant il avait hâte de commencer.
Le 1er septembre, il se sentait envahi d’une impatience grandissante ! Malheureusement, étant donné que des élèves devaient venir de loin, l’heure de la rentrée était fixée dix-neuf heures et non huit heures comme au collège. A sa plus grande joie, il avait reçu le matin même un colis par la poste, dont l’expéditeur n’était autre que l’ACÉSO.
Il s’agissait de la commande de son uniforme, qui se trouvait également dans les documents du mail. Son père l’avait complété pour lui avec ses mesures avant de l’envoyer. Ce fut sous le regard amusé du médecin, presque en arrachant le carton qu’il l’ouvrit. Après avoir lutté une demi-minute pour essayer de détacher le scotch qui le fermait, il se résolut à le couper.
Dans le carton se trouvait en premier lieu une veste noire aux boutons argentés. Sur les épaules étaient attachées de discrètes décorations aux fils bleu roi et blanc. C’était le seul vêtement dont le port était obligatoire dans l’école. Le contact entre ses doigts et le tissu était doux et agréable.
En dessous de la veste se trouvait un autre uniforme. C’était un survêtement de sport gris foncé, tout ce qu’il y avait de plus classique. Quelques bandes bleues entouraient les poignets, le haut des bras et descendaient le long du pantalon.
Pour le reste de ses vêtements, il avait tout rassemblé dans une valise qui, une fois terminée, avait été envoyée à l’école deux jours avant son arrivée. Il avait gardé suffisamment de vêtements pour les derniers jours qu’il passerait dans sa maison.
En dehors de la veste réglementaire, il pouvait s’habiller comme il le voulait. Bien entendu, cela devait rester dans les limites de la décence, et de toute façon, il n’était pas du genre extravagant. Étonnamment, Evan n’avait pas de consultation le jour de la rentrée.
— C’est moi qui suis chargé de conduire les élèves jusqu’à l’école cette année, avait expliqué le médecin. Et puis, je ne vais pas manquer ta rentrée à l’ACÉSO ! Je vais juste partir un peu à l’avance, mais prends ton temps pour être sûr de ne rien oublier.
Conrad avait rangé son survêtement dans son sac de cours en attendant de pouvoir le mettre à un endroit approprié. Il avait également récupéré les affaires dont il aurait besoin : trousse, cahiers, le matériel scolaire de base !
Avec une chemise blanche et un pantalon noir, il avait enfilé sa veste noire. Elle était très agréable à porter, et elle était parfaitement à sa taille. Avec ses baskets habituelles, il se sentait débordant d’énergie pour cette soirée.
Conrad quitta le domicile en refermant la porte à clé derrière lui. Le lieu de rendez-vous était à seulement cinq minutes de marche de la maison. Son sac en bandoulière sur son épaule, il se mit en marche sur le trottoir. L’air était délicatement frais, et un reste de la chaleur de la journée restait toujours.
— Oh, merde !
Cette exclamation fit sursauter le rouquin, qui se retourna brusquement en l’entendant. Une silhouette bien connue apparut au coin de la rue. Vêtue elle aussi de la veste noire, d’un jean troué au niveau des genoux et d’un débardeur rouge, elle s’avança d’une démarche furieuse.
Reconnaissant lentement cette tignasse brune et hérissée, cette grande taille et cette carrure, Conrad poussa un profond soupir qui souleva une mèche de cheveux flamboyants.
Il l’avait presque oublié avec les événements de l’été.
— C’est pas vrai, marmonna-t-il d’un air désespéré. Je suis maudit ou quoi ?
— Qu’est-ce que tu fous là, l’anormal ?
Jules Metz se planta devant lui en enfonçant ses mains dans ses poches, son sac à dos pendant sur une de ses épaules.