Chapitre 6 - Vous êtes déçu ? Moi aussi
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Chapitre 6 - Vous êtes déçu ? Moi aussi
— Salut les jeunes ! On se réveille !
Ce cri tonitruant réveilla immédiatement Conrad. Ce dernier se redressa dans son lit d’un bond. Il lui fallut quelques secondes pour se rappeler où il était, et en voyant la silhouette d’Aloïs émerger de sa couette, il s’en souvint.
— Bien dormi ? interrogea une voix joyeuse et pleine d’entrain.
Les yeux bleus du garçon se posèrent sur l’homme qui était entré dans la chambre 7. Il était d’assez grande taille, avec de courts cheveux dorés. Il avait une fine moustache bien taillée, et un visage dynamique et éveillé. Habillé d’un jean et d’une chemise noire, il avait un casque sur les oreilles.
— Manifestement pas, commenta-t-il en voyant la tête de zombie du rouquin. Allez, levez-vous ! Après, petit-déjeuner !
Il ressortit aussi vite qu’il était entré, téléphone à la main. Aloïs passa une main dans sa tignasse, les yeux mi-clos.
— C’était qui, lui ? marmonna-t-il d’une voix éteinte.
— C’est un des profs, répondit Conrad. Il était à côté de mon père hier…
Il récupéra son téléphone portable et l’alluma. L’heure qu’indiqua son écran lui donna envie de se recoucher : sept heures du matin. Pour un habitué du réveil à neuf heures passées pendant les vacances, le retour à la vie scolaire était un peu rude. Se traînant sur son matelas, il descendit l’échelle de son lit.
— On peut pas dormir encore un peu ? interrogea son voisin de chambre en se laissant retomber sur son oreiller.
— Je ne pense pas…
Le rouquin remarqua alors quelque chose sur son bureau. Il tira sur sa chaise à roulette avant de s’affaler dessus. Il prit la feuille entre ses doigts et l’examina.
— Aloïs, on a reçu les emplois du temps, annonça-t-il.
Il avait une grille horaire avec son nom marqué en haut. Le blond se résigna à se lever et manqua de rater un échelon en descendant. Il jeta un regard par-dessus l’épaule de Conrad.
— On est mardi, aujourd’hui… grommela-t-il de sa voix fatiguée.
— On a deux heures de cours de sciences de 8 h 30 à 10 h 15… Pourquoi il y a cinq minutes entre les deux heures ?
— À mon avis, c’est au cas où on doit changer de classe.
Le doigt de son voisin montra la ligne en dessous le nom du cours : « Local 33 ». Après le cours de sciences, ils avaient une pause de vingt minutes. Ensuite, c’était mathématique de 10 h 35 à 12 h 20 au local 35. Et après la pause-déjeuner, il leur restait une heure de français au local 28.
Ils avaient cours le lundi, le mardi, le jeudi et le vendredi toute la journée, en plus du mercredi et du samedi, uniquement au matin.
— Il est où, le cours de maîtrise des pouvoirs ? interrogea Aloïs.
— Il est là, répondit Conrad après quelques secondes. Le vendredi de 13 h 50 à 15 h 35, au local 29.
— On va devoir attendre la fin de la semaine…
Conrad se rendit bien vite compte que l’apprentissage à l’ACÉSO lui valait bien une réputation d’école privée. Lambiner n’était pas une option dans cet établissement. Le rythme était strict, et les professeurs n’aimaient vraiment pas le retard. Heureusement, avec l’horaire, un plan de l’école avait été fourni, leur permettant de mieux se repérer. Il comprenait d’autant plus la raison des cinq minutes entre les cours : il en avait besoin pour faire les trajets entre les classes. Heureusement, les livres et manuels étaient fournis par l’école.
Le cours de science était donné par le professeur Watts, l’homme qui était venu les réveiller. Il était dynamique et donnait de l’énergie à sa classe. Plutôt que de parler du programme facile du CM2, il avait abordé directement la matière de la sixième avec un vocabulaire riche de mots savants. Cependant, il s’agissait bien du cours favori de Conrad. Il savait que pour accomplir son ambition de devenir médecin, il devait être très bon en physique, en chimie et en biologie.
La professeure de mathématiques s’appelait Donovan. C’était quelqu’un de plus posé que son collègue. Son âge jouait sans doute un rôle dans la sagesse qui émanait d’elle. Son regard acier ramenait au silence n’importe quel élève un peu bavard. Intransigeante, elle était pourtant à l’écoute de ses élèves et s’assurait que tout le monde comprenait bien ses explications. Elle n’hésitait pas à leur donner des tas d’exercices à faire, car c’était, selon elle, la meilleure façon d’apprendre.
En français, c’était le professeur Adams qui donnait ce cours. C’était une femme plutôt grande avec un certain embonpoint, aux cheveux noirs attachés en queue de cheval. Ses leçons étaient moins intéressantes aux yeux de Conrad. Il n’aimait pas le français à la base, et cette enseignante n’avait pas le talent de rendre ses cours fascinants.
Le mercredi fut une journée totalement libre. Le seul cours prévu ce jour-là était le sport. Mais comme Nathanaël l’avait dit, il n’y avait pas de leçon la première semaine. Conrad en profita pour passer du temps avec son voisin de chambre, et il retrouva également Diane à plusieurs reprises.
Le jeudi, après deux interminables heures de français, la pause et une heure dans la salle 37 pour un cours de chimie du professeur Watts, les élèves firent la connaissance du professeur Sutcliffe.
Grand, mince, avec des cheveux bruns et bouclés, il enseignait l’anglais dans la salle 23. Il n’avait pas de talent particulier pour instaurer le calme dans sa classe, mais rien qu’à son nom, son accent impeccable et ses leçons de qualité, Conrad devinait qu’il était peut-être de nationalité britannique.
Dans la salle 15, ils avaient fait la connaissance du professeur Sokratov. Âgée d’une quarantaine d’années, de tailles moyenne et avec des cheveux châtain clair, c’était une femme qui inspirait un certain respect. Elle donnait cours de morale et de citoyenneté. On sentait qu’elle exerçait son travail par passion. Sa voix était si agréable à entendre quand elle parlait que Conrad aurait bien voulu quelques heures de cours en plus avec elle.
Le vendredi, ils eurent encore une heure avec le professeur Donovan qui ne manqua pas de leur donner une page complète d’exercice. Juste après, ils retournèrent au 37 pour une quatrième heure de sciences. Cette fois, le professeur montra une expérience simple pour illustrer l’augmentation du volume de gaz. Une fois qu’il enfilait sa blouse et ses gants, il avait l’air d’un enfant en jouant avec ses réactifs. Il leur enseigna également comment faire un rapport de laboratoire.
Au fur et à mesure que l’heure du cours de maîtrise des pouvoirs se rapprochait, les élèves de 1-A et 1-B étaient de plus en plus impatients. Après avoir récupéré des boissons dans la cantine, Conrad et Aloïs reprirent la direction de l’internat. Ils avaient plus de trois heures et demie, en comptant le déjeuner, entre le cours du professeur Watts et le cours de maîtrise. Ils rejoignirent leurs camarades qui étaient partis se détendre dans le salon.
— Hey, le fils du médecin !
Diane, assise sur un canapé, leur fit de grands signes de la main pour leur dire de venir. Elle s’écarta pour leur laisser de la place.
— Et toi, l’anormal, lança Jules depuis le canapé voisin, t’aurais pas une idée d’à quoi il ressemble ?
— De qui tu parles ? demanda le rouquin avec surprise.
— Le prof qu’on aura cette après-midi, répondit immédiatement la jeune fille. Pour le moment, on a vu onze professeurs. Il y a le médecin, le directeur, énuméra-t-elle en comptant sur ses doigts, Adams en français, Donovan en maths, Holmes en sport, Watts en sciences, Sokratov en morale et Sutcliffe en anglais. Il reste encore trois profs qu’on n’a pas encore rencontrés, et quatre cours qu’on n’a pas encore eus. Bizarre, non ?
— Il y a histoire, géographie, technologie et maîtrise qu’on n’a pas encore fait, marmonna Aloïs en consultant son horaire.
— Tu ne penses que ce serait le même professeur pour histoire et géo ? interrogea Conrad à l’adresse de Diane.
— Non, j’ai demandé à Amy, la Guide. Elle m’a dit que c’est deux profs différents. Donc il manque un prof…
— Vous pensez qu’il sera comment ? demanda Ava Harris en interrompant sa camarade, replaçant une mèche brune derrière son oreille. Moi, j’espère qu’il sera beau et gentil !
— Beurk ! grimaça Jules en secouant la tête. Moi, j’veux pas d’un prof faible ! Moi, tout c’que j’demande, c’est un mec qui en impose.
— Calmez-vous les gars, temporisa Alexandre Dubois, un garçon grand aux cheveux noirs. Qui vous dit que ce sera un prof et pas une prof ?
— Parce que c’est pas un truc pour les nanas ! répliqua le brun avec férocité.
— Oh le sexiste ! le nargua Diane avec un rictus glacial. Je commence à espérer que ce sera une fille, juste pour que tu aies la haine. Et toi, Conrad, qu’est-ce que tu en penses ?
— Tout ce que je demande, c’est quelqu’un de compétent, répondit le rouquin. Après, s’il est sympa, c’est encore mieux !
Il sentit la poche de son pantalon vibrer. Il avait rallumé son téléphone en sortant de la classe. La notification qui s’afficha lui annonçait qu’il avait un message de son père.
« Après tes cours, passe me voir à l’infirmerie
Bon courage ! »
Le garçon resta immobile quelques secondes en fixant les derniers mots. Pourquoi aurait-il besoin de courage ? Il n’allait pas entrer dans une arène de gladiateur, tout de même…
Les élèves discutèrent encore un bon moment de ce qu’ils imaginaient du professeur qu’ils auraient. Se prêtant au jeu, les élèves de 1-B se joignirent à eux pour formuler leurs propres hypothèses. Leur conversation dura toute la pause-déjeuner, et leur impatience et les idées parfois saugrenues qui étaient proposées semblaient faire sourire les élèves plus âgés.
Quelques minutes avant la sonnerie des cours, les élèves rejoignirent la salle 29. La première chose qu’ils remarquèrent fut l’absence du professeur. En général, l’enseignant était déjà là quand ils arrivaient. Néanmoins, ils entrèrent dans la classe et s’installèrent sur les chaises. Les murmures allaient bon train ; chacun essayait toujours de se représenter la personne qui ne devait plus tarder à arriver. À la sonnerie annonçant la reprise des cours, les trente-deux élèves se turent, prévoyant l’entrée d’un adulte à tout moment.
Pourtant, trois minutes plus tard, il n’y avait toujours personne… Derrière lui, Conrad entendait les chuchotements reprendre timidement. Soudainement, surprenant tout le monde, la porte s’ouvrit.
Et tous les rêves que les élèves s’étaient faits se retrouvèrent réduits à néant.
La personne qui entra dans la classe n’était autre que le professeur Holmes. Les enfants, espérant d’abord qu’il s’agissait d’une erreur, restaient muets, retenant leur souffle en le regardant refermer le battant derrière lui. L’homme s’appuya sur sa canne en lâchant un discret soupir s’échapper de ses lèvres.
— Je sais, déclara-t-il de sa voix grave, vous êtes déçus.
À ce moment, Conrad n’avait pas besoin d’un quelconque pouvoir de télépathie pour savoir que toute la classe était d’accord. Sieur Malpoli marcha lentement jusqu’à son bureau.
— N’empêche, je suis déçu aussi, admit-il d’un ton badin. Vous n’êtes que des futurs élèves. Pour le moment, vous n’êtes rien de plus qu’une belle bande de boulets…
Il regarda les papiers sur le bureau, et le garçon reconnut le cahier d’appel. Le professeur esquissa un sourire, avant de jeter le cahier au loin. En captant que tout le monde le fixait, il haussa les épaules.
— On s’en fout de l’appel, déclara-t-il sans pression. J’ai pas envie de vous connaître.
Mais c’est quoi ça pour un prof… ?
Toute la classe avait l’air de se poser la même question que Conrad. Ils étaient simplement muets de surprise, bouche bée.
— Bon, d’accord, je vais au moins faire l’effort de me présenter, s’impatienta Sieur Malpoli. Je suis le professeur Zack Holmes. Je suis le seul professeur à assurer deux matières différentes, mais je ne suis pas payé le double pour autant. Je suis aussi le seul à donner cours contre son gré.
Il marqua une pause de quelques secondes et prit quelque chose dans sa poche avant de reprendre d’une voix plus puérile.
— Ne vous étonnez pas de me voir prendre ça, précisa-t-il en montrant un tube de médicaments. C’est de la codéine. C’est à moi ! susurra-t-il avec possessivité. Vous n’en aurez pas…
Holmes laissa après sa phrase un nouveau silence lourd. Aucun enfant n’avait la moindre chose à dire tant ils étaient surpris.
Il rangea rapidement le contenant dans sa poche comme s’il avait peur que ses élèves ne le lui volent. Ensuite, il regarda sa montre.
— Cinq minutes de retard. Tout le monde aux vestiaires, ordonna-t-il en adoptant à nouveau sa voix normale. Vous vous changez et on se retrouve devant le gymnase 1.
La classe se leva et prit la direction des escaliers, suivi par l’homme.
— Et. On. S’active. martela ce dernier avec force.
La troupe se précipita dans les marches, presque en courant, avant de partit à toute allure vers le bâtiment mentionné. Ce dernier se trouvait à plusieurs centaines de mètres derrière les internats. Il y avait deux gymnases à cet endroit. Celui de gauche était le numéro 1, dans lequel ils devaient aller se changer. Les élèves traversèrent le grand hall de sport. Tout le matériel sportif était rangé soigneusement, témoignant qu’aucun cours d’éducation physique n’avait encore été dispensé. Les garçons et les filles se séparèrent pour partir aux vestiaires, les premiers allaient à gauche et les secondes à droite.
Les uniformes de sports étaient déjà sur les bancs, chacun avec son nom sur l’étiquette. Tout en se changeant, ils commencèrent lentement à discuter.
— C’est vraiment Holmes, le prof de maîtrise des pouvoirs ? interrogea Raphaël d’un air suspicieux en retirant sa veste.
— Je pense que oui, murmura Aloïs d’une petite voix.
— Pas possible, le contredit immédiatement Jules avec force, comme s’il essayait de se convaincre lui-même. Ce vieux clodo boiteux peut pas être le prof.
— T’aurais préféré une femme, au final ? le nargua Alexandre, un brin railleur.
— Carrément ! gronda le brun en enfilant son t-shirt. Mieux vaut une nana que ce gars-là ! J’ai juste envie de shooter dans sa canne pour qu’il se casse la gueule par terre !
— Mais tu es fou ! lâcha Conrad, avant de se rappeler que ce type l’avait déjà harcelé et même casser une côte.
— Qu’est-ce qu’il dit, l’anormal ? grommela Jules en tournant lentement la tête, adoptant un ton dangereusement bas.
— Je veux dire que tu risques d’avoir des ennuis si tu fais ça à un prof… bredouilla le rouquin en fixant le sol. C’est le bon moyen pour te faire renvoyer alors que ça fait que cinq jours que tu es là…
— J’m’en tape, j’ai pas envie d’avoir cours avec un légume !
Ses camarades ne répondirent pas, mais ils espéraient une seule chose : qu’il ne mettrait pas son idée à exécution. Conrad passa le gilet du survêtement et noua les lacets de ses baskets. Ensuite, il rejoignit Aloïs qui l’attendait près de la porte. Ils rejoignirent l’entrée du gymnase, où se trouvait déjà une bonne partie de la classe de 1-A, mais également celle de 1-B. Au moment où les derniers arrivaient, Sieur Malpoli traversait la pelouse.
— Si un infirme comme moi a eu le temps de descendre deux étages et d’arriver ici avant certain, vous êtes vachement lents ! ricana-t-il avec un rictus moqueur. Allez, les limaces, on y va !
Il fit immédiatement demi-tour, s’éloignant vers les bois qui entouraient l’école. Se glissant parmi ses camarades de classe, Diane rejoignit Conrad. Les autres élèves osaient à peine échanger quelques murmures.
— Il y a un truc que je ne t’ai pas dit à propos de Holmes, chuchota la jeune fille en regardant autour d’elle, comme pour vérifier qu’on ne les écoutait pas.
— Ah ? souffla le rouquin sur le même ton. Et qu’est-ce que c’est ?
— Pendant les vacances, il est venu me voir chez moi et…
— Un conseil, coupa brusquement Sieur Malpoli sans même se retourner. Économisez votre salive et votre souffle. Vous en aurez vraiment besoin, alors ne les gaspillez pas en causant inutilement…
Le garçon sentit que sa camarade retenait un soupir agacé avec difficulté. Elle montra la montre à son poignet et fit le tour du cadran lumineux de son index. Elle lui en parlerait sans doute plus tard…
En entrant dans les bois, la classe ne suivait plus aucun chemin. Elle avançait sur un terrain couvert d’herbe et de mousse, et aux brindilles qui craquaient sous leur pas. La couverture du feuillage encore vert de l’été surplombait leurs têtes. Les élèves marchaient dans un silence presque religieux derrière leur professeur. Ce dernier, malgré son handicap, marchait assez rapidement. La lumière du soleil se fit alors plus vive, et Conrad comprit rapidement qu’ils approchaient d’une clairière. Et il s’agissait même d’une sacrément grande clairière !
Son diamètre était impressionnant, et l’absence d’arbre faisait comme un gigantesque puits de lumière. Ce terrain était sûrement utilisé depuis un bon moment, car le sol était plus à nu que dans les bois.
— Bien, on va enfin pouvoir commencer ! déclara Holmes en se retournant. Pour reprendre ce que je disais tout à l’heure, je sais que vous êtes déçus. La plupart des élèves s’attendent à je ne sais quel playboy, et ils ont un vieux grincheux qui boite. Il y a toujours un, dans chaque classe de première, qui rêve de me faire tomber.
Le rouquin s’empêcha de jeter un regard en coin à Jules. Ce professeur était sans doute habitué à devoir affronter les moqueries de ses étudiants, et il semblait très bien les cerner. À côté de lui, quelques-uns ricanèrent discrètement.
— Ah, ça vous fait rire ? releva l’enseignant avec un rictus amusé. Vous avez raison, qu’est-ce que c’est marrant de se moquer d’un prof infirme…
Le sarcasme dans sa voix fit taire les rires, mais n’ôta en aucun cas les sourires des visages des élèves.
— Profitez-en, vous n’allez pas vous amuser très longtemps… Bon, ce premier cours sera une catastrophe. L’objectif va vous paraître simple, mais il ne l’est pas. Aujourd’hui, vous devrez simplement activer et découvrir votre pouvoir. Ouais… quand c’est dit comme ça, c’est pas très parlant… Démonstration…
En jetant un regard sur sa droite, Conrad vit que Jules esquissait un rictus moqueur. Pourtant, en étant logique, le garçon savait que ce n’était pas une bonne idée. Si Holmes était professeur de maîtrise, ce n’était pas pour rien : il avait les qualifications requises, et donc une bonne maîtrise de son propre pouvoir. Mais à cet instant, il se sentait bien plus dévoré par la curiosité que par l’anxiété.
— Voici mon pouvoir : Jagdpanzer !
Une lueur rougeâtre apparut dans le creux de la main gauche du noiraud. Lorsqu’elle s’estompa, le rouquin remarqua qu’il tenait quelque chose entre ses doigts, mais il n’arrivait pas à savoir de quoi il s’agissait.
— Si vous ne voulez pas devenir sourd, bouchez-vous les oreilles ! prévint Holmes avec un sourire mauvais. Tant pis pour les autres.
La plupart des élèves plaquèrent leurs mains sur leurs oreilles, et Conrad ne se posa pas la question. Il ne tenait pas à perdre en capacité auditive. Sur sa gauche, Diane ne semblait pas avoir la moindre envie de plaisanter. L’enseignant glissa l’objet entre son index et son majeur et le serra délicatement. Puis, avec une vitesse que l’enfant ne lui aurait jamais soupçonnée, il le jeta de toutes ses forces vers l’autre bout de la clairière.
Un flash lumineux aveugla Conrad une fraction de seconde avant qu’une puissante détonation ne se fasse entendre malgré ses mains sur ses oreilles. Un violent courant d’air chaud lui fouetta le visage tandis qu’un nuage de fumée s’élevait dans le ciel. Son cœur avait fait un tel bond dans sa poitrine que le garçon se serait cru dans des montagnes russes.
Passant sa main dans ses cheveux, Holmes se tourna à nouveau vers ses élèves qui, comprenant que la démonstration était terminée, se débouchèrent les oreilles.
— Alors, toujours envie de shooter dans ma canne ? interrogea l’enseignant avec un sourire amusé.
— C’était trop cool ! s’exclama Ava avec enthousiasme, secouant sa longue chevelure brune dans son dos. C’était génial !
— Ça peut vraiment faire ça, un don ? interrogea Lewis avec surprise et admiration.
— Merde, murmura Jules pour lui-même.
Il avait manifestement compris que ce n’était pas avec ce professeur-là qu’il pourrait faire l’imbécile. L’adulte regarda ses élèves d’un air sceptique.
— Vous trouvez que ça, c’est impressionnant ?
Le ton presque agressif semblait dire que pour sa part, il n’était pas satisfait de ce qu’il avait montré. Pourtant, quelques courageux hochèrent la tête pour acquiescer.
— C’est ce que je peux faire de plus basique avec mon pouvoir ! se désespéra Holmes. Je ne peux pas faire plus simple ! Et c’est le programme de l’examen de fin d’année.
— Quoi ? s’étrangla Aloïs avec surprise.
— Inutile de s’effrayer aussi vite pour si peu, tempéra l’homme d’un air ennuyé. L’examen est simple et il n’y a que les nuls qui ne le réussissent pas. Vous devrez activer votre pouvoir, en fait une utilisation très sommaire et le désactiver. Et vous avez une année complète pour réussir. Ça a l’air facile, mais j’ai connu des gens qui l’ont raté. Bien, maintenant, on va s’attaquer à un peu de théorie.
D’un signe de la main, il leur demanda de s’asseoir. S’installant à même le sol, Conrad croisa les jambes et passa ses bras autour.
— L’activation est le plus facile, reprit Holmes en s’adossant à un des arbres près de lui. Il suffit de dire la phrase « Voici mon pouvoir » suivie du nom de ce dernier.
— Mais, commença Eleanor avant de se faire brutalement interrompre.
— Et avant que vous ne me demandiez comment savoir le nom de son don, je vous donne la réponse. Le papier que le directeur vous a donné au début de l’année avait deux buts : vous répartir dans les deux classes, et vous fournir ce nom. C’est le mot dont vous n’avez sûrement pas compris le sens et qu’on vous a recommandé de vous rappeler. Une fois que votre don sera activé, vous pourrez l’essayer pour en comprendre le mode de fonctionnement et ses effets. Ne restez pas trop proches les uns des autres : certains pouvoirs sont parfois dangereux pour les autres.
Il s’interrompit dans sa phrase, et Conrad crut que c’était pour donner un effet terrifiant. En réalité, il prit simplement ses médicaments et en prit un.
— La désactivation, continua-t-il comme si de rien n’était, est beaucoup plus compliquée en général. Pour ce faire, il faut « simplement » imaginer que votre pouvoir s’annule. Vous devez le voir très clairement dans votre tête pour que ça fonctionne. Pigé ?
Personne n’osa répondre, et les enfants se regardaient avec une légère appréhension dans les yeux. Pourtant, Conrad se décida à lever la main.
— Monsieur, qu’est-ce qu’il se passe si on n’arrive pas à désactiver notre pouvoir ? demanda-t-il en forçant sa voix pour dépasser sa timidité.
Holmes le fixa quelques secondes, avant de plisser les yeux sous la réflexion. Finalement, il esquissa un discret sourire et haussa les épaules.
— Ben dans ce cas, je vous souhaite bonne chance ! Au boulot !