Une question de temps
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Une question de temps
08 Mars 13
Publié par roadtrip-in-peru.over-blog.com - Catégories : #congo
S’il y a bien un point sur lequel on arrivera difficilement à s’entendre, c’est bien la question du temps. Souvenez vous de cette phrase entendue à mes débuts :
« vous en Europe vous avez la montre, nous ici nous avons le temps. »
Bel adage ! En partie vraie. Mais tout de même bien idyllique et en partie vraie seulement. Expliquons nous.
Ici le retard est monnaie courante. Permanent. Tout le monde attend et fait attendre les autres tout le temps. Si RDV est fixé à 8h et que le Congolais arrive à 8h55, il expliquera qu’il n’est pas en retard, puisqu’il est encore 8h. Pourse justifier, il dira qu’il y avait les embouteillages. Il y a toujours les embouteillages. Alors oui, c’est vrai, ça circule parfois difficilement à Brazza. Mais si le Congolais sait qu’avec les embouteillages il mettra une heure plutôt qu’une demi-heure pour venir au travail, il nedécalera jamais pour autant son heure de départ. Anticiper ne fait pas partie de son mode de fonctionnement. Il peut même être tranquillement chez lui devant sa télévision à 19h alors qu’il a RDV à la même heure et qu’il sait qu’il en a pour une heure pour y parvenir. Mais "ça dérange pas."
Enfin, ça dérange pas… On pourrait se dire que ça fonctionne ainsi ici, que les Congolais le vivent très bien comme ça, et que ces retards permanents qui plombent les journées de tout le monde n’irritent que les Européens qui ont oublié de laisser leur montre au placard. Mais ce n’est pas vrai. Car ne nous méprenons pas. Le Congolais ne supporte pas non plus d’attendre. Il a horreur de ça. Il faut le voir s’impatienter après quelqu’un : « Ah mais lui, là, vraiment ! » Mais la réalité est ainsi, ici tout le monde s’attend en permanence. Le but est donc d’être celui qui est attendu, plutôt que celui qui attend.
Fixez un rendez vous avec quelqu’un. Il vous demande de l’appeler quand vous partez, car il en a pour quelques minutes pour rejoindre le lieu de RDV. Vous le faites et vous arrivez sur les lieux dix minutes après. Vous attendez quinze minutes, vous rappelez. La personne a désormais bien compris que vous êtes arrivé sur les lieux, elle se décide enfin à décoller de chez elle. Elle n’arrivera bien souvent qu’une demi heure ou une heure après. Et vous vous attendez.
Donnez rendez vous à une fille à 16h, à la sortie du travail. Vous sortez, vous l’appelez pour savoir où elle en est. Elle est bien entendue encore chez elle, et vous dit qu’elle arrive. Que fait-elle ? Fait elle une toilette, deux trois courses, une visite chez sa grand-mère ? Elle ne vous rejoindra que deux à trois heures plus tard,de manière systématique.Par contre, si vous avez le malheur de la faire patienter dix minutes, ou bien qu’elle arrive chez vous après trois heures et que vous n’êtes pas là, elle le vivra très mal et vous le reprochera énergiquement.
Programmez un staff le mercredi matin à 8h. A 8h30, les gens arrivent. Les premiers jettent un œil dans la salle, constatent que les gens ne sont pas arrivés, repartent vaquer à leurs occupations. Certains s’installent dans la salle, quinze minutes, puis s’agacent. On fait le tour de qui est arrivé, on discute, on se décide enfin à aller chercher ceux qui sont retournés dans leur bureau. Ceux là reviennent, parfois vingt minutes après être allé les chercher, certains repartent à nouveau, constatant que la réunion n’est pas encore prête à commencer ; c’est un chassé croisé qui dure bien une heure avant que tout le monde se décide enfin à rejoindre la salle de réunion. Il est facilement 9h passées.
Tout ceci mène à un climat délétère où personne ne fait confiance à personne sur sa capacité à respecter un rendez-vous. Les gens ne sont pas fiables, absolument pas fiables, les rendez vous sont honorés une fois sur deux à peine, la plupart du temps on les remet à un autre jour.Et comme personne n’aime perdre son temps, le congolais n’a aucun scrupule à donner rendez-vous à trois personnes à la même heure en trois lieux différents. Il ira à l’un, temporisera les deux autres qui feront de même de leur coté. Et finalement,le rendez vous aura lieu, ou pas.
A l’instar du F.B Stars qui se déplace le matin 10h au studio d’enregistrement, qui patiente, puis repart le soir à 17h sans avoir enregistré un morceau, car plusieurs groupes ont été programmés en même temps ; qui bloque deux autres jours dans la semaine à attendre le coup de fil du technicien pour pouvoir enfin enregistrer… en vain.
Imaginez combien tout ceci peut être dépitant pour un blanc habitué à respecter chacun de ses rendez vous, à se faire un devoir de prévenir s’il a un peu de retard,à estimer que c’est une marque de respect envers les gens que de ne pas les faire attendre. Combien il peut être énervant d’être toujours le con qui attend une heure et plus, le con qui bloque son après midi pour un rendez vous qui n’aura pas lieu, le con qui attend et qu’on ne prévient même pas qu’on aura du retard ou qu’on ne viendra pas.
Il y a bien sûr des efforts d’adaptation à faire. Mais il y a aussi des valeurs sur lesquelles on n‘a pas envie de s’asseoir, au risque de se perdre soi-même. Et c’est dans ce difficile équilibre entre les deux qu’on se retrouve régulièrement à faire le grand écart, et à s’énerver contre tout le monde. Quant aux congolais ils se sont habitués à cette situation où le temps de l’autre est aussi peu estimé. Mais on voit bien que cet état de fait n’est pas non plus satisfaisant pour eux.
Je terminerai par cette phrase de Claude, un des éducateurs thérapeutiques du CTA, personnage au langage châtié, aux jeux de mots incessants et qui adore philosopher.
« La ponctualité, c’est l’art de souffrir du retard des autres ».
Un personnage à part, parmi les Congolais.